Commençons par l’élément 140. Cet élément n’existe actuellement pas, en tout cas sur Terre (peut-être au sein d’une étoile?), mais il pourrait être envisageable de le synthétiser un jour, pour autant qu’il daigne avoir une durée de vie suffisamment longue (quelques dizaines à centaines de microsecondes suffiraient à le détecter).

En fait, les éléments de numéro atomique supérieur à 92 (l’uranium) sont appelés les éléments superlourds. Ils résultent tous d’une synthèse effectuée soit dans le cœur d’une centrale nucléaire soit dans des accélérateurs de recherche comme il en existe en Russie, aux Etats-Unis, en Allemagne ou au Japon. En général, les éléments superlourds résultent d’une collision entre des éléments plus légers.

A ce jour, les éléments superlourds dont le numéro atomique va jusqu’à 118 (Oganesson) ont été produits à plusieurs occasions, ce qui a permis de confirmer leur (brève) existence. En effet, ces éléments ont un noyau contenant tellement de protons (correspondant au numéro atomique Z) et de neutrons, qu’ils sont systématiquement radioactifs. Leur période (ou demi-vie), c’est-à-dire la durée nécessaire pour que la moitié du nombre initial d’atomes se transforme en des atomes plus légers, est d’autant plus courte que leur noyau est gros.

A titre d’exemple, l’élément 100 (Fermium) découvert en 1952 et produit par la combinaison d’un isotope lourd de l’uranium (U, Z = 92) et de 17 neutrons lors de l’explosion de la première bombe à hydrogène, a une demi-vie de 100 jours environ. Pour l’élément 102 (Nobélium), la demi-vie n’est plus que de 1 heure environ, tandis que pour l’élément 107 (Bohrium), la demi-vie n’est plus que de 1 minute environ, et ainsi de suite jusqu’à l’élément 118 (Oganesson), dont la demi-vie est tombée à moins de 1 milliseconde. Entre ces éléments, la demi-vie ne décroît pas de manière linéaire, mais on observe de cas en cas des soubresauts (p.ex. les éléments 103, 104, 105 et 106 ont des demi-vies de 3h40, 1h30, 16h! et 2min; les éléments 110, 111, 112, 113 ont des demi-vies de 11sec, 3.6sec, 29sec! et 0.5sec). Ces soubresauts sont attribués à ce que l’on appelle des "îlots de stabilité", c’est-à-dire des combinaisons de nombre de protons et de neutrons qui confèrent une plus grande stabilité au noyau synthétisé.

Il est estimé que l’élément 126, s’il était synthétisé, pourrait exhiber une stabilité plus élevée que ses voisins. En revanche, l’élément 140 est aujourd’hui beaucoup trop lourd pour qu’on puisse poser la moindre hypothèse sur sa stabilité éventuelle…!

Passons à l’assertion de notre internaute, reformulée ici : "…pourquoi y a-t-il autant de cases vides dans le tableau périodique…". En fait, non, il n’y a plus, depuis quelques années déjà de cases vides entre l’élément 1 (hydrogène) et l’élément 118 (Oganesson). Tous les éléments superlourds présents dans un tableau périodique moderne ont été synthétisés et leur présence a été confirmée. Au-delà de Z = 118, il faudra certainement patienter encore un peu…!