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L'étude du phytoplancton

Itinéraire de l'expédition PlanetSolar DeepWater [planetsolar.org]
Itinéraire de l'expédition PlanetSolar DeepWater. - [planetsolar.org]
L'un des volets de la recherche de l'expédition PlanetSolar DeepWater porte sur l'étude du phytoplancton dans le Gulf Stream. Christel Hassler, professeure de biogéochimie à l'Institut F.-A.Forel de l'Université de Genève, en charge du projet, nous explique les grandes lignes de sa recherche.

Qu'est-ce que le phytoplancton?

Christel Hassler: Le phytoplancton est un micro-organisme qui vit en suspension dans l'eau de mer. Il va de l'invisible à l'oeil nu - un millième de millimètre - au visible depuis l'espace, parce qu'il forme des zones denses de plus de 100 km. Le phytoplancton constitue la partie vivante qui lie le climat à la surface des océans. Il est sensible aux changements environnementaux et a une grande capacité d'adaptation. Certaines de ces algues sont bénéfiques, d'autres produisent des toxines. On en compte deux catégories, le phytoplancton eucaryotique, qui comprend un noyau, et le phytoplancton procaryotique, aussi dit cyanobactérie, qui n'a pas de noyau.

A quoi ça sert?

Le phytoplancton est un petit ingénieur chimique et biologique qui fixe par photosynthèse le carbone atmosphérique et libère de l'oxygène, ce qui aide à réguler nos émissions de gaz à effet de serre (voir lexique ci-contre). Même s'il est souvent invisible, le phytoplancton fait un travail tout aussi important pour le climat que toutes les forêts du globe: 50% de l'oxygène que l'on respire est produit par ces micro-organismes. De plus, ces algues sont à la base de la chaîne alimentaire. Par exemple, le phytoplancton est mangé par du krill, qui lui est mangé par les baleines.

Pourquoi l'étudier dans le Gulf Stream?

On étudie le phytoplancton dans le Gulf Stream d'une part parce que ce courant est emblématique pour l'étude du climat et d'autre part parce que le phytoplancton, qui est un bon indicateur de perturbation climatique, est souvent proposé comme sentinelle des changements climatiques. Ce n'est pas la première fois qu'une recherche portant sur le lien entre le phytoplancton et les courants océanographiques est menée le long du Gulf Stream. Mais c'est la première fois qu'une recherche est effectuée grâce à un bateau qui n'émet aucune pollution, avec zéro empreinte carbone. 

Qu'allez-vous mesurer?

Le but de la recherche est d'essayer de voir quelle est la caractéristique du phytoplancton, qui a besoin de lumière et de nutriments pour vivre, dans des zones océanographiques complexes - avec des masses d'eau profondes, des vortex d'eau chaude et d'eau froide - et tenter de déterminer s'il y a un lien entre le phytoplancton et les aérosols (se référer au lexique ci-joint). Un Doppler déployé sous le bateau va mesurer les courants océanographiques. Une Ferrybox va mesurer les propriétés des eaux de surface - à 5 mètres de profondeur - comme la température, l'oxygène dissous et la salinité de l'eau. De plus, la densité de phytoplancton eucaryotique et procaryotique sera mesurée à l'aide de sondes qui détecteront la spécificité de leurs signatures spectrales. Pour ces opérations, l'émission de lumière sous l'eau sera aussi mesurée. Enfin, un GPS permettra la mise en place d'une cartographie des eaux de surface.

Qu'attendez-vous de cette recherche?

Cette recherche a une visée scientifique, avec l'étude des aérosols, du phytoplancton et du climat. Mais l'expédition représente aussi une occasion privilégiée de sensibiliser le public au lien entre l'atmosphère, les océans et le phytoplancton. Il s'agit de montrer l'importance des océans dans la régulation du climat. Et on veut essayer de faire les choses différemment, avec un bateau qui navigue grâce à une énergie propre.

Propos recueillis par Nathalie Hof

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Lexique

GULF STREAM - Les eaux chaudes tropicales entraînées par les vents le long des côtes nord-américaines forment le Gulf Stream. Ce courant de surface traverse ensuite l’océan sous le nom de North Atlantic Drift jusqu’à rejoindre l’océan Arctique. Tout au long de ce voyage, , l'evaporation et le refroidissement produisent des eaux plus froides et plus salées et donc plus denses. Lorsque leur densité devient plus élevée que celle des eaux avoisinantes, ces eaux froides et salées plongent alors par gravité entre 2000 et 3500 mètres de fond et forment un courant de profondeur appelé North Atlantic Deep Water, qui s’écoule vers les régions polaires Sud. Cette boucle participe à la circulation océanique globale, comparable à un gigantesque tapis roulant en équilibre fragile qui joue un rôle primordial dans l’échange de chaleur entre océan et atmosphère. Un réchauffement climatique pourrait influencer la formation des eaux profondes dans l’Atlantique Nord, avec des conséquences encore mal évaluées.

VORTEX OCÉANIQUES - De larges vortex océaniques sont régulièrement observés au large des côtes nord-américaines. Ce sont des formations cycloniques ascendantes - eaux froides remontant des profondeurs - ou anticycloniques descendantes - eaux chaudes plongeant vers les profondeurs - qui sont provoquées par des turbulences, associées à la circulation du Gulf Stream, par des courants avoisinants ainsi que par la topographie de la marge continentale. Les vortex modifient notamment la distribution verticale en nutriments et influent donc non seulement sur les échanges thermiques avec l’atmosphère, mais également sur la croissance du phytoplancton.

AÉROSOLS - Les aérosols atmosphériques sont de minuscules poussières et micro-gouttelettes en suspension dans l’air. Ils peuvent notamment se former à partir de molécules soufrées produites par le phytoplancton. Très nombreux dans l’atmosphère, ils sont impliqués de plusieurs manières dans les mécanismes climatiques. Suivant leur nature, ils réfléchissent différemment les rayonnements solaires et les infrarouges thermiques, modulant ainsi l’effet de serre de notre planète. Ils constituent aussi des noyaux de condensation indispensables à la formation des nuages, eux-mêmes fortement impliqués dans la modulation du climat.

Source: planetsolar.org/deepwater

Le phytoplancton et le CO2

Les océans absorbent et relâchent de très grandes quantités de dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère.

Ce gaz à effet de serre est soluble dans l’eau de mer où il peut être fixé par l’activité d’une multitude de micro-algues en suspension, le phytoplancton.

Pour croître, celui-ci utilise la lumière du soleil pour produire de la matière organique à partir de CO2. On appelle ce phénomène la photosynthèse.

En fin de vie, le phytoplancton coule au fond des océans et forme des sédiments, séquestrant ainsi le carbone pendant des centaines d’années.

Source: planetsolar.org/deepwater