La forme affirmative de la phrase "les organismes génétiquement modifiés (OGM) apportent une solution à la pénurie alimentaire" est un des arguments utilisés depuis 15 ans par les promoteurs des plantes génétiquement modifiées (PGM). En ce qui concerne l’agriculture, il est d’ailleurs préférable de parler de PGM, ce qui spécifie un peu le discours. Les PGM sont des OGM et tous les OGM ne sont pas des PGM. La très grande majorité des OGM autres que les PGM sont des bactéries, des champignons, des cellules humaines ou de mammifères. Elles sont d’ailleurs cultivées dans des installations confinées sous la garde de législations et de bonnes pratiques strictes, et ne se retrouvent donc jamais dans l’environnement. A l’inverse, les PGM sont elles cultivées dans l’environnement.

Cette précision apportée, revenons à la forme affirmative de la question. Cet argument principal des promoteurs d’OGM n’était qu’une promesse avant d’être testé dans la réalité. Les PGM actuelles sont très majoritairement de 3 types : des plantes résistantes au glyphosate (l’herbicide de Monsanto), des plantes résistantes à la pyrale du maïs par l’insertion d’un gène bactérien producteur d’une toxine (la toxine Bt du nom de la bactérie Bacillus thuringiensis), et des plantes porteuses des deux caractères. De nouveaux caractères sont en permanence à l’étude, et le nombre d’expériences en champ avoisine les 2000 par an sur la planète.

La cible de ces PGM sont les pertes réelles estimées de l’agriculture mondiale, qui sont pratiquement équivalentes à la production agricole mondiale et sont causées par des organismes ravageurs (insectes et autres), par des organismes pathogènes (microorganismes et virus) et par les plantes adventices (les mauvaises herbes), chacune de ces causes provoquant globalement 1/3 des pertes.

Réduire les plantes adventices par les herbicides, ou réduire les insectes en supprimant le recours aux insecticides, tout en réduisant le nombre de passage dans les champs, conduit automatiquement à une augmentation de la production et c’est ce qui est observé dans les cultures OGM, qui progressent constamment en surfaces occupées (de 1.6 millions d’ha en 1996 à 114 millions d’ha en 2007 sur 1500 millions d’ha cultivés). Cela conduit bien sûr aussi à une augmentation du nombre des agriculteurs convertis à l’OGM (10 millions en 2007). Cette augmentation de la production s’accompagne localement d'une augmentation du niveau de vie des agriculteurs, comme le relatent des rapports récents de la FAO.

Qu’en est-il par contre de la pénurie alimentaire? Elle affecte globalement 1 milliard d’êtres humains. Ce nombre n’a pas baissé en 50 ans, mais la proportion de l’humanité souffrant de pénurie alimentaire a baissé suite aux révolutions vertes productivistes des années 50-60, qui ont permis des gains de production par la protection chimique des plantes et le progrès génétique. Il y a donc toujours autant de personnes en situation de pénurie alimentaire, mais en proportion moindre puisque la population mondiale a doublée en 50 ans. Les changements de régimes alimentaires majoritairement végétariens vers des régimes riches en viande, ainsi que la conversion d’une partie des récoltes en biocarburants, entretiennent actuellement la pénurie alimentaire, qui s’aggrave dans certaines régions du monde comme en témoigne l’augmentation du nombre d’urgences alimentaires depuis 25 ans. L’aggravation est due en partie à des causes politiques, mais également dans certaines régions aux conséquences des changements climatiques.

Il est peu probable que les PGM actuels résolvent donc le problème de la pénurie alimentaire.

Les documents suivants de la FAO et de l’ONU sont librement accessibles et peuvent aider à comprendre la complexité de cette question :

The state of food and agriculture 2003-2004 : Agricultural Biotechnology : Meeting the needs of the poor? (http://www.fao.org/docrep/006/Y5160E/Y5160E00.htm)

The state of food and agriculture 2008 : Biofuels : prospects, risks and opportunities (http://www.fao.org/docrep/011/i0100e/i0100e00.htm)

Agriculture mondiale : horizon 2015/2030 (http://www.fao.org/DOCREP/004/Y3557F/y3557f00.htm#TopOfPage)

Programme alimentaire mondial des Nations Unies (http://www.wfp.org/french/?NodeID=35)