Il y a plusieurs scénarios où des fourmis d’une colonie peuvent se retrouver avec une reine d’une autre colonie, et même d’une autre espèce...

C’est le cas par exemple chez les espèces dites "esclavagistes", comme Polyergus rufescens qu'on peut rencontrer en Suisse. Ces fourmis sont qualifiées d’esclavagistes car elles capturent des larves ou des nymphes d’autres espèces de fourmis pour travailler dans leur propre société. Les ouvrières de Polyergus font des raids pour aller piller des colonies d’autres espèces. Les larves et nymphes qu’elles emportent finiront leur développement dans le nid de leurs "kidnappeurs". Une fois adultes, les fourmis kidnappées effectueront les tâches habituelles des ouvrières, telles que soins aux œufs, nourrissage des larves, etc. mais au sein d’une fourmilière étrangère, qui n’appartient pas à leur propre espèce, et donc avec une reine qui n’est pas la leur, un peu à la façon d’esclaves.

Un autre exemple est celui des fourmis qui pratiquent le parasitisme social temporaire, comme les fourmis rousses des bois. Chez ces espèces, les jeunes  futures reines qui ont quitté leur nid où elles sont nées ne peuvent pas fonder toutes seules une nouvelle colonie. Elles doivent obligatoirement parasiter le nid d’autres espèces. Après son vol nuptial, la jeune reine tentera de pénétrer dans le nid de certaines espèces hôtes. Le plus souvent, les ouvrières parasitées tuent l'intruse. Il peut toutefois arriver que la reine parasite parvienne à se faire accepter, soit en tuant la reine en place, soit en profitant d’une colonie qui aurait perdu sa propre reine. Les ouvrières orphelines de reine acceptent alors cette remplaçante, la prenant sans doute pour leur propre reine. Il faut rappeler que les fourmis se reconnaissent essentiellement à l’odeur: si la reine parasite parvient à prendre l’odeur de la colonie, les ouvrières ne la reconnaitront plus comme une intruse. Comme dans l’exemple précédent, les ouvrières parasitées s’occuperont alors de la progéniture de cette nouvelle reine, sans réaliser qu'elle n’appartient pas à leur espèce. Le parasitisme est dit temporaire car les ouvrières parasitées finissent par mourir de vieillesse, sans descendance, et la société n’abrite finalement plus que la reine parasite et ses propres filles.

Ces deux exemples décrivent des situations où des fourmis se retrouvent avec une reine qui non seulement n’est pas la leur, mais appartient en plus à une autre espèce. Il peut aussi arriver que des ouvrières vivent dans une colonie dont la reine n’est pas leur mère. Ce scénario s’observe chez les fourmis dites polygynes, c'est-à-dire avec plusieurs reines. Quand la population d’un nid devient trop importante pour une seule fourmilière, les ouvrières peuvent construire un nouveau nid à proximité. Elles y transporteront ensuite des reines pour assurer le développement de leur société. Les ouvrières se retrouvent ainsi avec des reines du nid voisin. Ces reines ne sont toutefois pas de parfaites étrangères mais des individus plus ou moins apparentés à leur propre mère.

Mais en dehors du cas des fourmis parasites, où des ouvrières vivent avec des reines complètement étrangères qui parviennent à les duper et à les exploiter, les fourmis vivent généralement avec leur propre mère ou des reines qui présentent un lien de parenté avec celle-ci. Une société monogyne, donc avec une seule reine, n’acceptera pas une reine étrangère, même de la même espèce, si la reine d’origine meurt. Car en fin de compte, ce qui compte, c’est d’avoir des gènes en commun. La famille, c’est sacré chez les fourmis!