Si l'on voulait ajouter une paire supplémentaire d'ailes en plus des bras que nous avons déjà, comme le peintre Fra Angelico l'a imaginé, les précédents dans la nature et dans les expériences aux laboratoires ne seraient pas encourageants.

Il semble qu'il y ait eu de nombreux cas de transformation des bras en ailes au cours de l'évolution des vertébrés. Pensez au ptérodactyle, aux oiseaux et aux chauves-souris. Le fait que le "plan de base" des quatre appendices soit également resté préservé dans ces cas-là est remarquable, ainsi que le fait que ce plan n'ait pas été augmenté au cours des centaines de millions d'années d'évolution des vertébrés, malgré des changements massifs dans l'anatomie et la fonction des membres antérieurs. Dans des expériences de laboratoire, il a été possible de dupliquer les ailes d'embryons de poulet, mais ces animaux n'ont pas pu atteindre l'âge adulte. En outre, il se trouve que certains polluants environnementaux ont induit la duplication des pattes dans des grenouilles, dans la nature. Même s'ils sont vivants, ces animaux ne se reproduisent pas et finiront par disparaître de la population. Il y a des limites que même la nature est incapable de surmonter.

Il faut remarquer que, lorsque des transformations importantes se sont produites au cours de l’évolution, le nouvel organisme a été changé de plusieurs façons, en plus des modifications observées dans ses membres. C'est la manifestation d’un phénomène appelé pléiotropie. Il faut savoir que la plupart des milliers de gènes qui contrôlent le développement ont des fonctions dans de nombreux types cellulaires et organes différents. Pour construire des organes, les gènes agissent comme des composants de divers systèmes d'action hiérarchiquement organisés. Chaque composant d'un tel système d'action doit s'adapter à tous les autres, et ce dans tous les contextes possibles. Le changement d'un gène doit être toléré et validé par tous les autres. Les interférences artificielles devraient donc être conçues de telle sorte à ce que toutes ces adaptations réciproques dans la régulation et la fonction des composants des systèmes d'action soient productives plutôt qu'invalidantes. C'est une exigence très élevée. En conclusion, non, je ne peux pas répondre positivement à votre question, actuellement.

A contrario, le fait de perdre des membres est possible, comme cela s’est produit chez les serpents et certains lézards, qui ont perdu leurs quatre appendices simultanément, au cours de leur évolution. Pour "supprimer"génétiquement le développement des pattes antérieures des souris, il a suffit d'éliminer la fonction d'un seul gène (Tbx5), en laboratoire. C’est aussi une illustration marquante de l'importance de la pléiotropie, car la perte de ce gène a également empêché le développement cardiaque.

Nul ne peut prédire ce que l'avenir apportera. Notons toutefois que, en ce qui concerne les ailes, nous, les humains, sommes très efficaces pour inventer des machines qui nous évitent de prendre des risques dans l'apprentissage du vol par nous-mêmes. Pensez aux drones, ou aux navettes spatiales, entre autres.