Les festivités du 1er août se sont achevées sans feux d’artifice pour un grand nombre de communes, en raison de l’exceptionnelle période caniculaire et de sécheresse inouïe. Il est d’ailleurs probable que les effets pyrotechniques feront dans un avenir proche partie du passé; en effet, les feux d’artifice sont de plus en plus couramment remplacés, pour des raisons environnementales, climatiques et de sécurité, par des armadas de drones programmés pour offrir une symphonie lumineuse parfaite aux yeux des spectatrices et spectateurs mais peu sonore.

L’art de la pyrotechnie, consistant à créer des effets visuels et sonores magistraux à l’occasion de grands événements est basé chimiquement parlant sur deux phénomènes distincts: d’une part la mise à feu puis l’explosion d’un mélange hautement énergétique (le plus généralement, c’est de la poudre noire qui est utilisée pour ce phénomène de combustion), et d’autre part l’utilisation de l’excès d’énergie produit lors de l’explosion pour "déstabiliser" des constituants métalliques qui produiront les effets visuels attendus (lumières colorées, étincelles) lorsqu’ils se restabiliseront.

La poudre noire tout d’abord. Connue en Chine depuis 1000 ans à 1800 ans (les spécialistes n’ont pas arrêté définitivement l’âge exact de l’invention), la poudre noire, aussi appelée poudre à canon, est constituée d’un mélange ternaire de carbone élémentaire (C) qu’on produit par pyrolyse de charbon de bois, de soufre élémentaire (S) qu’on trouve aux abords des volcans, ainsi que de nitrate de potassium (salpêtre ; KNO3) qu’on peut récolter lorsque des eaux riches en ions potassium (K+) et en ions nitrate (NO3) cristallisent par évaporation. Notez que le nitrate de potassium est chimiquement différent du nitrate d’ammonium (NH4NO3) rendu tristement célèbre par l’explosion – considérée à ce jour comme la plus importante des explosions non-nucléaires – de silos de stockage de cette substance en 2020 dans le port de Beyrouth.

Selon les proportions de chacun des constituants (10-30% de carbone, 10-30% de soufre, 40-75% de salpêtre) et leur formulation (grains de dimensions contrôlées), on obtient des poudres noires de caractéristiques différentes, allant de l’explosif guerrier (munitions et bombes), à l’explosif géologique (industrie minière), en passant par l’explosif sportif (tir de précision) et l’explosif des feux d’artifice; tout est question de dosage…

Une fois l’engin pyrotechnique mis à feu et probablement envoyé dans les airs, l’explosion de la poudre noire génère d’importante quantités d’énergie (traduites, entre autres, par l’effet sonore et la création de la lumière caractéristique d’une combustion rapide) et une haute température. Cette énergie peut alors être transférée aux sels de métaux (ou dans certains cas aux métaux purs) contenus dans la capsule de l’engin.

C’est là que réside l’aspect "magique" (mais finalement tout à fait explicable chimiquement et physiquement) du feu d’artifice: la création d’effets lumineux colorés spectaculaires! Lorsque les sels de métaux absorbent l’énergie de l’explosion, ils se scindent en leurs constituants (par analogie, le sel de cuisine NaCl peut se scinder sous l’effet d’un excès d’énergie en atomes et ions sodium (Na0, Na+) et en atomes et ions chlore (Cl0, Cl-), et les constituants individuels vont littéralement exciter leurs électrons. Ces constituants, électroniquement excités, ne sont pas du tout stables et ne peuvent exister tels quels; ils doivent se désexciter en perdant leur excès d’énergie pour revenir à leur état énergétique le plus stable, ce qu’ils réalisent en …émettant de la lumière. Pour faire simple: l’énergie de la combustion-explosion de la poudre noire est transmise aux sels métalliques, qui absorbent cette énergie, s’excitent électroniquement, puis convertissent cet excès d’énergie en lumière pour se restabiliser. Le tour est joué!

Reste à aborder la question des couleurs émises. Il faut savoir que chaque élément du fameux tableau périodique des éléments (qui en comporte 118, dont 91 naturels) possède ses propres caractéristiques électroniques, distinctes des autres.

Lorsque l’électron d’un élément est excité à un niveau énergétique supérieur puis que l’excès d’énergie est converti en lumière pour que l’élément se restabilise, la différence d’énergie n’est pas la même que pour les éléments voisins. Et comme l’énergie peut être traduite en lumière, la couleur de la lumière émise lors de la stabilisation de l’élément excité sera directement caractéristique dudit élément, et différente (parfois/souvent de manière très subtile, non discernable à l’œil) de la couleur de la lumière émise par un autre élément. Chaque élément possède ainsi sa propre "signature spectrale", sous forme de rais de lumières possédant des couleurs et des intensités propres.

Dans la très grande majorité des cas, les sels utilisés dans les feux d’artifice contiennent les éléments suivants: le sodium pour le jaune (essayez de saupoudrer du sel de cuisine sur une flamme ouverte, et vous verrez clairement cette dernière se colorer en jaune, pour les raisons évoquées ci-dessus), le calcium pour l’orange, le strontium pour le rouge, le baryum pour le vert, le cuivre pour le bleu, respectivement le potassium pour le violet/pourpre. Lorsque de la poudre de magnésium pur ou de fer pur est utilisée (pas sous forme de sels), ce sont des étincelles intensément lumineuses et blanches (pour le magnésium) ou plus modérément lumineuses et de couleur chaude (pour le fer) qui sont produites.