Ci-dessous, la réponse donnée par le Dr Sebastian Korb à une question similaire en 2009.

Pleurer décrit le fait de verser des larmes. Les larmes sont des gouttes qui contiennent plusieurs substances comme des sels, des huiles, et même des anticorps et des enzymes. Les larmes sont produites en permanence et secrétées par les glandes lacrymales, situées à proximité des yeux. La fonction de base des larmes est de protéger et de maintenir l'humidité du globe oculaire. Leur sécrétion peut être fortement augmentée dans certaines situations. Ces dernières se divisent essentiellement en deux catégories : 1) les irritations des yeux dues à des facteurs externes, et 2) les fort états émotionnelles de l'individu.

Pleurer à cause d'irritations aux yeux dues à des facteurs externes:

Ce type de larmes implique des réactions incontrôlables du type réflexe dues à la douleur physique (comme le fait de se cogner le genou contre un angle d'une table), ou à l'irritation des yeux (comme quand on coupe des oignons, quand on rentre dans un bar plein de fumée, ou encore quand il y a un vent froid qui nous pique les yeux). Pleurer par réflexe n'a en général pas de causes ni d'effets liés à nos pensées et à nos émotions. Verser ce type de larmes ne nous fait pas sentir mieux ou moins bien qu'avant.

Pleurer à cause d'états émotionnels:

On peut aussi pleurer pour des causes affectives, c'est à dire des émotions et des humeurs. Par exemple, quand on ressent de la détresse parce qu'on a été rejeté par une personne que nous aimons, ou parce que cette personne est partie loin de nous pour un long voyage. Ou encore on peut pleurer de joie, quand quelque chose de merveilleux nous arrive alors qu'on ne s’y attendait pas.

Pleurer pour des causes émotionnelles n'est qu'un des multiples effets physiologiques que les émotions ont sur notre corps. D'autres effets sont, par exemple, les changements de la respiration, du rythme cardiaque, de la pression sanguine, de la sudation, et du taux de diverses hormones (comme l'adrénaline ou l'oxytocine) dans le corps. C'est pour ça qu'on dit des choses comme « devenir rouge de rage », ou « trembler de peur », ou encore « sauter de joie ».

Ces effets physiologiques des émotions sur le corps utilisent le système nerveux autonome, qui se divise en système sympathique et système parasympathique. Le système sympathique est essentiellement impliqué dans les réactions de « fight or flight », c’est à dire de fuite ou combat. C'est par exemple ce qui se passe quand on rencontre soudainement un ours agressif dans la forêt, et que notre corps mobilise toute son énergie pour qu'on puisse fuir ou, s'il n'y a pas de possibilités de fuite, pour qu'on puisse nous battre. Le système sympathique est donc celui de l'action. Par contre, le système parasympathique est le système du calme et du repos. Il est par exemple actif après un bon et copieux repas, ou encore quand on se détend en prenant un bain chaud. Le système parasympathique permet la digestion et la guérison, et est donc complémentaire et tout aussi important que le système sympathique. C'est le système parasympathique qui nous fait pleurer pour une cause émotionnelle.

Même si on sait que des états émotionnels peuvent nous amener à pleurer, et même si on connaît une bonne partie des étapes physiologiques sous-jacentes, il est difficile de répondre à la question pourquoi pleurer nous fait sentir mieux.

Une des raisons possible est que le fait d'extérioriser, de « faire sortir » nos émotions, et donc d'évacuer une tension interne, nous soulage. Cette idée est ancienne, car déjà le philosophe Aristote (384-322 AC) avait décrit le concept de la catharsis, c'est-à-dire l'épuration ou purification émotionnelle par le moyen de la représentation dramatique. Selon Aristote la catharsis a lieu quand on vit des émotions fortes à travers les figures d'un spectacle ou d'une histoire tragique. Ainsi, il serait possible de se libérer de ses propres pulsions ou angoisses. En d'autres termes, il est sain de nous identifier aux personnages d'un spectacle, d'un film, ou d'un bon livre, et de vivre à travers eux des émotions fortes. Pleurer quand il se passe quelque chose de très triste dans un film nous soulagerait donc de nos peurs et angoisses. En élargissant le concept de catharsis, on peut dire que l'expression de nos émotions, par exemple en pleurant, nous fait sentir mieux, et ceci indépendamment du fait qu'on s’identifie à des figures virtuelles (comme dans un film) ou pas.

Une autre raison liée au bienfait de pleurer est que l'on communique ainsi aux gens qui nous entourent que l'on se sent pas bien (à part quand on pleure de joie). Suite à cette manifestation, ces personnes peuvent nous aider et nous réconforter. Dans cette optique ça ne serait donc pas le fait de pleurer en soi, qui nous fait sentir mieux, mais plutôt les réactions de soutiens et réconforts que nos larmes et sanglotements déclenchent chez des tiers (surtout des amis et des membres de la famille).

Enfin, il y a aussi des raisons purement physiologiques qui peuvent expliquer le fait de se sentir mieux après avoir pleurer. Ainsi, les larmes qu'on verse quand on est triste sont chimiquement différentes de celles qui protègent nos yeux en continuité ou de celles qui sont secrétées quand les yeux sont irrités par des facteurs externes (mouches, vent, etc.). Les larmes émotionnelles contiennent plus d'hormones de stress, que les autres larmes, et permettent ainsi de réduire la concentration de certaines substances dans le corps. Une de ces hormones de stress est la prolactine, qui se trouve en plus forte concentration chez les femmes que les hommes. Comme on a trouvé que les taux de prolactine sont corrélés à la fréquence des pleurs émotionnels, il a été supposé que les femmes tendent ainsi à pleurer plus souvent que les hommes. Mais les facteurs culturels (le fait que ce soit socialement accepté de voir une femme pleurer, mais moins pour un homme) sont certainement également tout aussi importants.