Cher Farah,

Merci pour votre question! Une remarque tout d’abord: par "Bible", on parlera ci-dessous avant tout de la Bible hébraïque, composée de vingt-quatre livres séparés en trois parties. Il s’agit de la Torah (cinq livres, aussi appelés Pentateuque), des Prophètes (recueils de prophéties) et des Écrits (contenant des prières, des sagesses et divers récits). La Bible chrétienne, elle, est séparée en deux parties, l’Ancien et le Nouveau Testament. L’Ancien Testament reprend une grande partie des textes de la Bible hébraïque, mais pas tous, tandis que le Nouveau Testament a été mis par écrit après la mort du Christ: la Bible hébraïque et la Bible chrétienne sont donc deux "livres" (c’est le sens du mot biblion en grec) très différents.

Lors de sa leçon inaugurale au Collège de France en 2009, le professeur Thomas Römer comparait la Bible à la comédie musicale et film "Mamma Mia!", dont l’histoire a été inventée dans le but de lier entre eux plusieurs chansons du groupe suédois ABBA. C’est un peu la même chose avec la Bible: pour la composer, ses auteurs (au sujet desquels on ne sait que peu de choses) ont parfois lié entre eux plusieurs récits plus anciens qui étaient indépendants, voire parfois en concurrence les uns avec les autres. On sait en particulier que certains de ces récits bibliques sont des adaptations d’histoires plus anciennes qui circulaient en Mésopotamie et au Proche-Orient (entre les royaumes successifs d’Akkad, Sumer, Ougarit, Assur, Babylone, etc.). C’est surtout avec le déchiffrement, à la fin du XIX siècle, d’un récit du déluge sur des tablettes de cunéiforme découverte à Ninive et racontant l’épopée du héros Gilgamesh que l’on a réalisé à quel point les textes bibliques s’inspiraient des traditions qui les avaient précédées. De nombreux exemples ont depuis renforcé ce constat, en particulier avec la découverte d’autres tablettes de la civilisation ougaritique dont les récits mythologiques font écho à des passages de la Bible. Quelques autres textes bibliques sont également influencés par l’Égypte antique.

Donc oui, on peut dire que la Bible est un "plagiat" de récits plus anciens. Mais il faut préciser que la notion de "plagiat" n’existait pas vraiment dans l’Antiquité: au contraire, réutiliser un récit plus ancien était le plus souvent perçu comme un gage de qualité et de sérieux. Quand un texte était censé forger l’identité d’un peuple, comme c’est le cas pour plusieurs passages de la Bible, l’ancrer dans une tradition reconnue était une manière de lui donner plus de poids et de lui conférer un aspect vénérable. C’est au contraire la nouveauté qui pouvait être considérée d’un œil suspicieux, en tant que manque de respect envers les traditions ancestrales.

Bibliographie:

Römer Thomas, "Les Cornes de Moïse. Faire entrer la Bible dans l’histoire: Leçon inaugurale prononcée le 5 février 2009", in Les cornes de Moïse. Faire entrer la Bible dans l’histoire, Paris, Collège de France, coll. "Leçons inaugurales", 2013.