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Michel Bühler: "J’y ai laissé une partie de mon cœur"

Michel Bühler
Michel Bühler
Le chanteur et écrivain vaudois raconte dans cette interview les souvenirs de son séjour en Haïti. En 1991, il se rend sur l'île pour soutenir pendant un peu plus de trois mois le travail de l'ONG Nouvelle Planète. Une expérience qu'il n'a jamais oubliée.

Comment connaissez-vous Haïti?

En fait, j’ai demandé à y aller. C’était il y a longtemps maintenant. En 1991, la Suisse fêtait son 700ème anniversaire. Dans ce cadre, RSR La Première, avec Franck Musy, mettait sur pied un jumelage entre un des pays les plus riches du monde - la Suisse - et un des plus pauvres – Haïti – et y réalisait une série de reportages durant quelques mois. Parallèlement, l’ONG  Nouvelle Planète envoyait de jeunes suisses sortant d’apprentissage à Camp Perrin où se trouvent des ateliers-école pour jeunes haïtiens. J’ai persuadé la radio et Nouvelle Planète qu’il fallait encadrer ces jeunes suisses en Haïti. J’étais libre, j’y suis allé un peu plus de trois mois pour superviser une partie de l’opération.

Qu'en avez-vous  retiré?

(Soupir).  Énormément de choses. C’est un pays d’une pauvreté épouvantable. En plus, on ne peut pas se dire "ça ira mieux demain". Parce qu’on sait que ça n’ira pas mieux. Fondamentalement. C’est à la fois désespérant et envoûtant.  Parce qu’il y a là-bas une chaleur humaine, une joie de vivre extraordinaire que je n’ai jamais retrouvée ailleurs. Des gens fraternels, gais, ouverts. Mais quel contraste!

Et pourtant, ça ne suffit pas…

Non, ça ne suffit pas. J’étais là-bas le jour de l’investiture du père Aristide (le 7 février 1991, ndr). C’était l’espoir. C’était extraordinaire. Les  Haïtiens, à Camp Perrin, ont fêté cela, il y avait une confiance en l’avenir hallucinante. On aurait dit qu’ils avaient nettoyé chaque grain de sable de la ville pour célébrer l’événement. Et puis on sait que cela n’a pas duré…

Aujourd’hui, vous aimeriez y retourner?

J’adorerais. Je m’y sentais utile. Et comme pour chaque être humain, se sentir utile est très gratifiant. Je ne pratiquais pas mon métier, du tout, mais j’étais là, présent, faisant des livraisons de matériel, supervisant les mômes. Aujourd’hui, envoyer de l’argent, c’est bien mais quand on connaît le niveau de corruption là-bas, on se demande constamment si ça arrive à bon port. Une des apprenties envoyées à Camp-Perrin y est restée. Elle s’appelle Corinne Wiser et est graphiste. Il n’y a rien là-bas. Elle veut sortir un livre pour les enfants. Un livre d’éducation. Elle a besoin d’argent. Je me dis que soutenir de petits projets peut être utile…

Aujourd’hui, les ateliers-école de Camps Perrin fonctionnent toujours. C’est une bonne manière de faire avancer les choses.  On y forme des jeunes à certains métiers, ceux du fer par exemple, pour apprendre à fabriquer des outils et des machines agricoles. Les jeunes haïtiens rentrent ensuite dans leur village et y exercent un métier utile.

Propos recueillis par Tania Chytil, le 10 janvier 2011.

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