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La question du sort des djihadistes de l'EI se pose aussi en Suisse

Djihadistes: retours compromis
Le témoignage de la maman d'un djihadiste français / 19h30 / 2 min. / le 29 janvier 2018
Que faire des ressortissants européens qui ont combattu dans les rangs du groupe Etat islamique? La question est épineuse pour tous les pays concernés, notamment la Suisse, d'où sont originaires près de 90 "voyageurs du djihad".

Après la débâcle militaire du groupe Etat islamique en Irak et en Syrie, des centaines de djihadistes européens qui ont combattu dans les rangs de l'organisation sont désormais aux mains des autorités locales, ou libres et susceptibles de vouloir rentrer chez eux.

Pour leurs pays d'origine, l'avenir de ces encombrants ressortissants présente un triple défi: sécuritaire, juridique, politique.

En ce qui concerne la Suisse, 93 djihadistes (dont 52 ayant la nationalité helvétique) sont partis combattre à l'étranger depuis 2001, selon les derniers chiffres du Service de renseignement de la Confédération (SRC).

La grande majorité de ces "voyageurs du djihad" (78) se sont rendus sur la zone irako-syrienne au cours des trois dernières années. Une vingtaine d'entre eux ont été tués, une quinzaine sont rentrés, ils seraient donc encore une quarantaine sur place.

Ambiguïté sur la peine de mort

De nombreux djihadistes étrangers faits prisonniers au cours des derniers mois risquent la peine de mort. L'Irak est l'un des pays au monde où les exécutions sont les plus fréquentes.

Cette situation met la plupart des pays européens face à leurs contradictions (voir encadré). Officiellement opposés à la peine capitale, ils s'illustrent en l'espèce surtout par leur absence de prise de position claire.

Politiquement, il leur est difficile de se démener pour voler au secours de ces combattants, largement honnis et redoutés dans l'opinion publique. Certains responsables politiques s'en cachent à peine, cela les arrangerait que les djihadistes soient neutralisés sur place.

Mais les organisations de défense des droits humains ne l'entendent pas de cette oreille. En Suisse, la FIDH et Human Rights Watch réclament ainsi que les Etats fassent pression pour empêcher l’exécution de la sentence.

Aucune demande d'extradition déposée par la Suisse

Reste que du point de vue du droit international, la Syrie et l'Irak sont souverains pour juger et faire exécuter les peines liées à des exactions commises sur leur sol, y compris par des combattants mineurs. Juridiquement, rien n'oblige non plus ces Etats à livrer les prisonniers à leur pays d'origine.

La Suisse pourrait demander l’extradition de certains individus seulement si des infractions graves, voire un attentat, avaient été commis sur son sol. Ce n'est pas le cas, et le Ministère public de la Confédération (MPC) confirme n'avoir formulé aucune demande d'extradition de djihadiste.

Finalement, la seule solution pour qu’un combattant suisse soit jugé sur le territoire helvétique serait qu’il rentre clandestinement et se livre à la justice suisse.

Annabelle Durand / Pauline Turuban

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Aucune demande de rapatriement de femme ou de mineur

Les non combattants, qu'il s'agisse de femmes ou de mineurs, posent un autre problème. S’ils veulent - et peuvent rentrer - en Suisse, il leur faut passer par le Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM). A ce jour, ce dernier dit n'avoir reçu aucune demande de rapatriement .

Les gouvernements peu enclins à voler au secours des djihadistes

La France vient d'assouplir sa position au sujet des combattants qui encourent la peine capitale. La ministre de la Justice Nicole Belloubet a déclaré dimanche que "l'Etat français interviendrait" si des djihadistes français étaient condamnés à la peine de mort. Il s'agirait de "négocier avec l'Etat en question", "au cas par cas", selon la ministre. Jusqu'alors, Paris se bornait à réclamer des procès équitables, dans les pays où il avaient été capturés. De son côté, la ministre française des armées, Florence Parly, avait même lancé: "Les djihadistes n'ont jamais eu d'état d'âme et je ne vois pas pourquoi nous en aurions pour eux".

Au Royaume-Uni, le discours est plus martial encore. Le ministre de la Défense Gavin Williamson a déclaré en décembre "qu'aucun combattant britannique de l'EI ne devrait pouvoir revenir sur le territoire" et qu'"un terroriste mort ne pourrait pas faire de mal à la Grande-Bretagne".

En Belgique, les autorités ont exclu en décembre d'accéder à la demande d'un djihadiste belge incarcéré en Irak, qui proposait de collaborer avec les autorités du royaume en échange de son extradition. "Il n'y a pas de négociation possible avec de telles personnes. Il n'y a pas d'espace pour ces gens dans notre société", a déclaré le Premier ministre Charles Michel.

Des exécutions ont d'ailleurs déjà eu lieu. Le 22 janvier, une Allemande d'origine marocaine a été condamnée à la pendaison en Irak pour avoir rejoint l'EI, une première à l'encontre d'une femme européenne. En décembre, un Suédois d'origine irakienne a été exécuté par Bagdad avec 37 autres personnes, après avoir été condamné en 2010 pour "terrorisme". Les gouvernements suédois et allemand ont simplement réagi en réitérant leur opposition de principe à la peine capitale.