Eric Miche

Eric Miche a réalisé plus de 200 pièces radiophoniques.
  • Culture et arts
  • Vidéo 2 min.

13 octobre 1965

Carrefour


Les pièces radiophoniques, un univers aujourd'hui disparu. Elles connurent pourtant un succès remarquable jusque dans les années quatre-vingt. Des comédiens appuyant leur voix, des bruitages pour marquer l'action, une intrigue à rebondissement… La série «Enigmes et aventures», diffusée le lundi soir sur les ondes de Radio-Genève, rendit célèbres des personnages comme Durtal, Picoche ou le commissaire Gallois. Des pas sur le trottoir… une porte qui grince… un coup de feu…
Eric Miche a été metteur en onde à Radio-Genève, principalement pour «Enigmes et aventures» et il a monté plus de 200 pièces dans sa carrière. Invité du site des archives, il revient sur ce document de 1965 dans lequel Carrefour dévoile les coulisses de l'enregistrement d'une pièce policière.

Le web éditeur: une pièce radiophonique chaque lundi, quel défi!
Eric Miche: C'était même plus que ça. Nous diffusions jusqu'à sept enregistrements par semaine, alors il fallait y aller. Comme metteur en onde, je me suis spécialisé dans les pièces policières. Mais nous faisions aussi de la science-fiction, des feuilletons, des émissions pour les enfants. La pièce policière du lundi durait une cinquantaine de minutes.

Comment travailliez-vous?
Quand je recevais le texte d'un auteur, la première chose à faire, c'était de concevoir la distribution. Je pouvais compter sur plus de 200 comédiens. Nous avions ensuite trois matinées pour travailler, le vendredi, le samedi et le lundi. La pièce passait en général le lundi soir.

Le vendredi, les comédiens faisaient une première lecture et je préparais la mise en scène. Il fallait bien sûr penser au bruitage, imaginer un personnage qui marche dans le jardin où il y a du gravier puis qui entre dans la cuisine et avance sur le carrelage… C'était très intéressant. J'avais une assistante et un bruiteur de studio, Georges Millaud. Car le comédien ne peut pas faire du bruitage, vu qu'il doit tenir son texte et de concentrer sur son rôle.

Le samedi, nous enregistrions la première partie de la pièce. La deuxième partie se faisait le lundi matin, puis je terminais les coupures avec mon assistante avant la diffusion le soir. J'avais parfois des surprises, comme cette pièce enregistrée avec le comédien Gérard Carrat. Tout se passe bien le vendredi et le samedi. Mais le dimanche matin il m'appelle, la voix complètement enrouée. J'ai dû changer des répliques et Gérard est allé chez un médecin qui lui a fait une piqûre. La pièce était programmé le lundi, c'était dans tous les journaux, on ne pouvait pas la reporter.

Qui écrivait ces pièces?
Des gens de toute la Suisse romande nous envoyaient des manuscrits. Nous avions un comité de lecture qui les retenait. Nous étions attentif à la manière d'écrire et de nouer l'intrigue. Après 20 minutes, il fallait un rebondissement pour relancer l'intérêt des auditeurs. Des écrivains ont également écrit des pièces radiophoniques. Alice Rivaz, par exemple, ou Friedrich Dürrenmatt qui avait imaginé trois fins possibles d'une même histoire: une pour le théâtre, une pour la radio et une pour son livre.

Nous avions d'ailleurs mis en onde sa pièce La Panne. C'est l'histoire d'un représentant de commerce qui tombe en panne dans un petit village perdu. Il est recueilli chez un ancien juge qui organise un copieux repas avec plusieurs de ses collègues et ils vont bien sûr faire le procès de ce pauvre gars. Nous avons enregistré la pièce comme d'habitude, mais le dimanche, nous avons décidé de la rejouer en mangeant exactement ce que Dürrenmatt avait écrit dans son texte: des viandes, du vin, beaucoup de vin. C'était désolant… Les acteurs éructaient, ne savaient plus ce qu'ils disaient après deux bouteilles… C'était indiffusable!

Vos pièces étaient-elles toujours morales?
Oui, le coupable était toujours démasqué. Mais c'est difficile d'écrire une bonne pièce policière. Il faut une victime, un coupable, un témoin… Parfois il y avait quinze personnages! Nous avions de grands acteurs, comme François Simon. Et d'autres très connus en Suisse romande, comme René Habib qui interprétait le personnage de Durtal, Sacha Solnia dans le rôle de Picoche ou André Davier qui prêtait sa voix au commissaire Gallois. Les diriger n'était pas toujours facile. Il fallait engueuler certains, traiter d'autres avec douceur.

Comment réagissait le public?
Très bien. Les gens nous écrivaient. On nous reprochait d'avoir toujours les mêmes sons, comme par exemple le bruit d'une Citroën 2 CV. J'allais alors faire des enregistrements dans la nature pour compléter notre répertoire. Il faut se rendre compte que certains bruits pouvaient demander un grand travail, jusqu'à deux heures de préparation pour 20 secondes d'antenne.

Malheureusement, nous avons subi la rivalité entre les deux radios de Lausanne et de Genève. Notre passage à l'antenne a d'abord été déplacé. Mais le public a écrit pour se plaindre. Ensuite nous avons été diffusé à 21h, ce qui était tard. Puis suppression du générique, etc. C'est un peu malheureux. L'arrivée de la télévision dans tous les foyers nous a aussi fait beaucoup de tort et les archives écrites de ces pièces ont été perdues dans l'incendie de la radio, le 22 mars 1971…

Vous pouvez commander les CD de plusieurs pièces de la série «Enigmes et aventures» à la boutique de la RSR, sur le site www.rsr.ch


En 1965, Radio-Genève fête ses 40 ans. A cette occasion, la TSR diffuse dans Carrefour une série de courts sujets sur les studios du boulevard Carl-Vogt, dont un sujet sur la série policière «Enigmes et Aventures».

Dans cet extrait, nous assistons à l'enregistrement, le 17 août 1965, de «Eternels regrets», une pièce de Robert Schmid sur un thème de Robert Arthur. Mise en onde de Roland Sassi, assisté d'Eric Miche, avec: Robert Schmid, Gérard Carrat, Isabelle Villars, Iris Avichay et Andrée Ammon. Cette pièce a été diffusée le 20 septembre 1965.