Le bouillonnement des années 70
Graphiste, architecte ou musicien, mais surtout mordus de théâtre, Eric Jeanmonod, Véronique Berthet et Sandro Rosetti sont, avec la chorégraphe Monique Décosterd, membres du collectif théâtral La Lune Rouge au début des années 70. Ensemble, ils animent les rues en utilisant d'immenses marionnettes à l'image de la troupe progressiste américaine Bread and Puppet Theatre. En 1977, ils participent à la création du Festival du Bois de la Bâtie avec d'autres acteurs de la contre-culture genevoise. Cette même année, la troupe de La Lune Rouge se sépare.
Issu de cette scission, en juin 1978 le Théâtre du Loup est fondé.
Le Théâtre du Loup
Dès les premiers spectacles, Le Loup séduit avec son langage théâtral utilisant masques, costumes burlesques, accessoires délirants et la présence d’un orchestre. En 1980, c'est lors du Festival du Bois de la Bâtie que l'on retrouve la troupe pour sa dernière création Monsieur le Parrain inspiré des frères Grimm.
La Fanfare du Loup
L'identité artistique du Théâtre du Loup est indissociable de l'ensemble musical La Fanfare du Loup, également fondée en 1978, à l'initiative d'Eric Jeanmonod et Sandro Rosetti. C’est elle qui accompagne la plupart des représentations de la compagnie et qui annonce les spectacles lors de parades dans les rues de Genève. Se nourrissant d'influences musicales multiples, elle joue aussi pour d'autres metteurs en scène, dans des fêtes populaires, des bals ou des festivals. En 1996, elle s'est constituée en association autonome.
En 2002, La Fanfare du Loup présente un concert original pour orchestre et instruments atypiques au théâtre Am Stram Gram. Il s'agit d'une reprise de leur création Hors de portées. Dans ce spectacle, les musiciens s'approprient des objets comme des bouteilles de plastique vides ou des ceintures de cuir pour créer de la musique. Voyage sonore garanti.
Une compagnie itinérante et indépendante
Au début des années 80, la compagnie s’agrandit avec l’arrivée de la danseuse et comédienne Rossella Riccaboni et du comédien et musicien François Berthet. Pendant près de 25 ans, ils seront, avec le trio de base, le noyau dur du Théâtre du Loup, s'exprimant dans des mises en scène le plus souvent signées collectivement. En 1981, Le Loup monte Le Bal tragique, un spectacle musical où l’orchestre de La Fanfare du Loup joue le rôle central. Décryptage avec Eric Jeanmonod et Sandro Rosetti, co-directeurs, au micro de Jean-Charles Simon dans l'émission Sur un plateau.
Krazy Kat au Muzoo [RTS]
Entre 1983 et 1987, le Théâtre du Loup est invité au-delà du canton de Genève et plusieurs de ses spectacles, comme Buddy et Flappo brûlent le planches, d’après une bande dessinée de Gérald Poussin ou Krazy Kat qui s’inspire de l’auteur de BD américain, ont les honneurs de plusieurs festivals internationaux
On a créé une nouvelle scène qui en remplace une autre, pour montrer l’action plutôt de l’angle des jeunes, plutôt que du côté des parents.
Dès ses premières créations, Le Loup associe toutes les générations dans ses spectacles, enfants, adolescents et comédiens adultes. Cette particularité le distingue d’autres compagnies du monde théâtral genevois. En 1983, cette richesse intergénérationnelle se retrouve dans la mise en scène de la tragédie de William Shakespeare Roméo et Juliette, où les rôles principaux sont tenus par deux adolescents, Olga et Marc.
Un spectacle lacustre avec Viva la Musica
En 1990, le Théâtre du Loup se constitue en association, un tournant qui marque la professionnalisation de la compagnie. La même année, Rossella Riccaboni créé les ateliers de formation théâtrale pour enfants et adolescents de 7 à 18 ans. Les années 90 débutent par la création d'un ambitieux spectacle lacustre imaginé dans le cadre du 700e anniversaire de la Confédération helvétique.
Depuis une scène aménagée au large des Bains des Pâquis, le Théâtre du Loup et l'Association pour l’encouragement de la musique improvisée (AMR), présentent le spectacle Viva la Musica. Dans cette super-production, près de 90 exécutants, musiciens et comédiens se retrouvent dans un scénario et une mise en scène d'Eric Jeanmonod, coordonnée par Sandro Rosetti et le Collectif de compositeurs.
Le Prix romand du spectacle indépendant
Toujours itinérant, le Théâtre du Loup est invité, en 1992, par Claude Stratz, alors directeur de la Comédie de Genève, à présenter trois de ses productions. Parmi elles, la compagnie reprend le spectacle Krazy Kat qui, renommé Le Retour de Krazy Kat, connaîtra un joli succès et se verra attribuer le Prix romand du spectacle indépendant.
Une entrechat de grâce et d'ironie pour cette fable à rebours, burlesque et poétique, où tous les animaux jouent un rôle à contre-emploi.
Le Loup trouve son port d'attache en 1993
Affiche Théâtre du Loup [RTS]
L’attribution de ce prix, doté d’une aide financière, permet au Théâtre du Loup de rêver à la construction d’une salle fonctionnelle et modulable, un espace vide ouvert à toutes sortes de mises en scène. L’occasion également d’entreposer son stock de décors, de costumes et de masques, créés depuis le début de l’aventure de la compagnie en 1978.
La période semble idéale. Le metteur en scène franco-allemand Matthias Langhoff, qui apprécie le travail de la troupe, va également lui offrir un financement important.
Le bâtiment du Théâtre du Loup, qui sera construit en cinq mois par les architectes genevois Daniel Baillif et Roger Loponte, est inauguré le 21 novembre 1993 aux sons de la Fanfare du Loup.
Théâtre du Loup [RTS]
Désormais sédentaire sur les bords de l'Arve, le Théâtre du Loup poursuit la création de spectacles, et reste fidèle à sa philosophie d'ouverture, de transmission aux plus jeunes ou d'échanges avec d'autres acteurs culturels genevois.
En 2014, il a inauguré l'espace muséal, nommé Le Muzoo. Dans cette galerie, le public peut voyager dans l'histoire du collectif grâce à l'exposition permanente de sa collection de costumes, de masques, de décors, d'affiches et d'accessoires.
Masques, Le Muzoo [RTS]
Martine Cameroni pour les Archives de la RTS