Un reportage inédit de la TSR - jamais diffusé - éclaire les jeunes années de Jean-Luc Godard. Intitulé Godard avant Godard, il a été réalisé durant l'année 1970. Donnant la parole à de nombreux témoins, il fait une première halte à Nyon, la ville où la famille du cinéaste s'est installée en 1936. Le père de Godard est un médecin exerçant entre Paris et la Suisse. Sa mère est issue d'une grande famille protestante. En révolte contre son milieu, le jeune Jean-Luc effectue une scolarité chaotique. Son ancien professeur de latin se souvient.
Jean-Luc Godard, pas à pas
Grand Format
Introduction
La RTS possède un riche fonds d'archives sur le cinéaste franco-suisse, décédé en septembre dernier. Un fonds qui s'est constitué dès le début des années 60, alors que le réalisateur se profile comme une figure phare de la Nouvelle Vague. A partir de 1980, Jean-Luc Godard sera un invité régulier de Christian Defaye, producteur et présentateur de l'émission Spécial cinéma. Pendant plus de 15 ans, les téléspectateurs de Suisse romande pourront suivre de près les sorties de films et l'actualité de leur "voisin de Rolle" et homme de cinéma à la renommée mondiale.
Chapitre 01 Les années d'apprentissage
L'auteur et écrivain Jean-Pierre Laubscher est un vieil ami de Jean-Luc Godard. Ensemble, ils ont conçu le documentaire Opération béton, consacré au barrage de la Grande Dixence. Au moment de leur rencontre au début des années 50, Jean-Pierre Laubscher travaille lui-même comme ouvrier sur le chantier du barrage. Mais avant de connaître Godard, c'est à la mère de ce dernier qu'il a d'abord eu affaire.
Toujours dans le documentaire Godard avant Godard, le journaliste Rodolphe-Maurice Arlaud s’entretient avec Jacques Doniol-Valcroze, critique de cinéma, créateur en 1951 des Cahiers du cinéma. Ce dernier a été le témoin des débuts de Jean-Luc Godard dans le milieu du cinéma parisien. Il raconte sa rencontre avec le futur maître de la Nouvelle Vague, à une époque où lui-même animait un ciné-club d’avant-garde.
Chapitre 02 Nouvelle Vague
Aux côtés de François Truffaut, Claude Chabrol ou encore Eric Rohmer, Jean-Luc Godard est une des figures de la jeune garde du cinéma français émergeant à la fin des années 50. Fréquentant les mêmes ciné-clubs, ces jeunes hommes ont d’abord rejoint, en tant que critiques, la revue des Cahiers du cinéma, laboratoire théorique des films à venir. Passés à la réalisation, ils inventeront une nouvelle façon de faire du cinéma. Les tournages légers, en extérieur, tendent à remplacer le travail en studio. Les films sont réalisés avec peu de moyens. De nouveaux thèmes, de nouvelles esthétiques émergent, revendiqués par des cinéastes qui se définissent comme des auteurs à part entière.
Les Cahiers du cinéma [RTS]
En 1960, l’émission Ecrans du monde interviewe Jean-Luc Godard, alors âgé de 29 ans. Le cinéaste vient de réaliser A bout de souffle, un film qui a connu un succès immédiat. Godard revient rapidement sur ses débuts dans le monde du cinéma et évoque le mouvement de la Nouvelle Vague.
En 1965 sort le film Alphaville, une étrange aventure de Lemmy Caution. Jean-Luc Godard a déjà accumulé une riche filmographie: Une femme est une femme (1961), Le mépris (1963) ou encore Bande à part (1964). Avec Alphaville, il reprend et détourne les codes des films d'espionnage et de science-fiction. Pour ce faire, il redonne vie au personnage de l'agent secret Lemmie Caution, héros populaire de films de série B. Et c'est à l'acteur d'origine, Eddie Constantine, qu'il demande de réendosser le rôle. Un choix qu'il explique au micro de Rodolphe-Maurice Arlaud, dans le cadre d'une émission Cinéma-vif.
Présente dans la distribution d'Alphaville, l’actrice Anna Karina. Elle a déjà une longue expérience de tournage avec Godard, qu’elle a épousé en 1961. Celle qui la même année a partagé l'affiche avec Jean-Paul Belmondo dans Pierrot le fou tient à corriger les rumeurs colportées autour de la « méthode Godard ».
Qui aurait pu penser qu'un jour le chemin d'Eddie Constantine croiserait celui de Jean-Luc Godard ? Entre l'acteur de films populaires et le plus intellectuel des cinéastes du moment, le fossé semblait infranchissable. Et pourtant Eddie Constantine voue une admiration sans borne à Jean-Luc Godard.
Chapitre 03 Après mai
Mai 1968 : les rues de Paris s’embrasent. Les étudiantes et étudiants appellent à la révolution. Les valeurs bourgeoises, y compris celles qui dominent la culture, sont vilipendées. La vague de mai déferle aussi sur le Festival de Cannes. Certains cinéastes réclament sa suspension, en signe de solidarité avec les étudiants et les ouvriers. Avec François Truffaut, Claude Berry, Carlos Saura, Géraldine Chaplin, Jean-Luc Godard et d'autres tentent d’interrompre la projection d’un film et provoquent un débat tendu. Le Festival de Cannes s’arrêtera quatre jours avant sa clôture officielle.
Jean Luc Godard et François Truffaut au Palais des Festivals de Cannes occupé, 1968 [RTS]
Acquis au maoïsme, Jean-Luc Godard opère un virage radical dans sa façon de faire et de considérer le cinéma. Avec Jean-Pierre Gorin, il créé le groupe Dziga Vertov et signe désormais ses films sous ce pseudonyme collectif. Le mythe vivant de la Nouvelle Vague se consacre désormais à des films politiques, diffusés dans des cercles restreints. En novembre 1971, Godard est à Genève pour présenter Luttes en Italie. L'émission Cinéma en liberté s'invite à la projection. En présence de personnalités suisses du cinéma (on reconnaît Francis Reusser en arrière-plan et on entend la voix d’Alain Tanner), Godard s’explique sur cette nouvelle manière de vivre le cinéma.
Je ne prétends pas toucher la masse, je commence à prétendre toucher un certain nombre de gens réellement
Lien à l'intégrale de l'émission Cinéma en liberté du 08.11.1971
Chapitre 04 Retour au cinéma
Jacques Dutronc et Nathalie Baye dans Sauve qui peut (la vie) [RTS]
En 1980, Sauve qui peut (la vie) marque le retour de Jean-Luc Godard au cinéma, après des années de travaux expérimentaux et militants réalisés en vidéo. Le film, qui réunit Nathalie Baye, Isabelle Huppert et Jacques Dutronc, suit le parcours de personnages aux prises avec un monde aliénant, où les relations humaines et la culture sont réduites à l’état de marchandises. A sa sortie, le film suscite la polémique, notamment à cause de scènes crues évoquant la sexualité.
La TSR a joué un rôle actif en tant que co-productrice du film, mais pas seulement. Avec pour objectif d'ébranler les frontières érigées entre le cinéma et la télévision, Raymond Vouillamoz, chef du département fiction de la TSR, et Jean-Luc Godard ont imaginé un prolongement télévisuel au film, diffusé le 2 février 1981 dans le cadre de l'émission Spécial Cinéma. Un concept que Raymond Vouillamoz défend sur le plateau de Christian Defaye.
Lien à l'intégrale de la présentation de Raymond Vouillamoz du 3 février 1981.
Construite à la manière d'un film de Godard, l'émission expérimentale propose notamment un dialogue entre le réalisateur et Isabelle Huppert, alors âgée de 27 ans. L'actrice fait part de ses interrogations face à un metteur en scène déconcertant, qui a la réputation de ne pas aimer les comédiens.
Quand je suis avec toi, j’ai toujours l’impression d’être dans un film de Godard.
Lien à l'intégrale de l'émission Spécial Cinéma Sauve qui peut (la vie) du 3 février 1981.
Avec Anne-Marie Miéville
Après Sauve qui peut (la vie), Jean-Luc Godard va enchaîner une série de films : Passion (1982), Prénom Carmen (1983), Je vous salue Marie (1985) et Détective (1985). Anne-Marie Miéville marque de sa présence artistique ces cinq années de productions, en y participant comme scénariste et monteuse. En 1983, elle et Jean-Luc Godard, qui forment un couple à la ville, sont présents sur le plateau de Spécial Cinéma. Complices, ils évoquent leur travail en commun.
J'ai toujours été trop discontinu et Anne-Marie m'apporte un sentiment de continuité.
Chapitre 05 Coups de gueule et monstres sacrés
En 1990, Jean-Luc Godard est en compétition officielle à Cannes avec son film Nouvelle Vague. Après la projection, c'est au tour de la traditionnelle conférence de presse. Le réalisateur va profiter de cette tribune pour se livrer à une magistrale leçon d'éthique du cinéma. Il déteste le star-système et le fait savoir. Pour lui, la notion d'auteur, fondamentale pour la Nouvelle Vague, a été totalement dévoyée. Les cinéastes cherchent moins à devenir des personnes que des personnalités.
Alain Delon
Retour en arrière, en automne 1989: Jean-Luc Godard et Alain Delon se rencontrent sur le tournage de Nouvelle vague. Connaissant le caractère des deux hommes, on pourrait s’attendre à quelques explosions. En visiteur privilégié sur le tournage, Christian Defaye doit bien le constater: la sérénité règne entre l'acteur et son metteur en scène.
Soyez mon Karajan, je serai votre instrument.
Gérard Depardieu
Tannay, 1992. Jean-Luc Godard et son équipe tournent au bord du lac Léman des séquences du film Hélas pour moi. Le cinéaste a accepté la présence d’une équipe de Spécial Cinéma durant deux jours. Les pieds dans l’eau, on retrouve Gérard Depardieu répétant une scène avec Laurence Mashlia, sous la direction précise de Jean-Luc Godard. Concentrés, humbles, l’air parfois inquiet et dérouté, les deux acteurs suivent scrupuleusement les consignes du maître.
Chapitre 06 Le cinéma, toujours
Jean-Luc Godard en 2010 [Gaëtan Bally - Keystone]
Avec la fin de Spécial cinéma au milieu des années 90, la présence de Jean-Luc Godard se fait plus discrète à la télévision romande. Les émissions culturelles généralistes prennent parfois le relais. C'est notamment le cas de Faxculture en 2001. A l'occasion de la sortie de son film Eloge de l'amour, le cinéaste est convié sur le plateau de l'émission. Il y retrouve le comédien Bruno Putzulu, interprète de son film, le critique de cinéma Christophe Gallaz et un groupe d'étudiants de l'Ecole d'art de Lausanne (DAVI). Bravant leur timidité, ces derniers adressent leurs questions au maître.
Lien à l'intégrale de l'émission Faxculture du 7 juin 2001
En 2014, Jean-Luc Godard est l'invité de l'émission Pardonnez-moi. Durant les 25 minutes d'entretien, le cinéaste parle de son dernier film "Adieu au langage", revisite quelques épisodes de sa carrière et de sa vie et redit son amour du débat, de la "dispute", au sens qu'on donnait à ce terme au Moyen Âge.
Quand j'étais aux éclaireurs, mon totem était Moineau chamailleur
Lien à l'intégrale de l'émission Pardonnez-moi du 25 mai 2014