Vous reprendrez bien un ver
Les vers parasites intestinaux pourraient-ils se montrer utiles dans le traitement de certaines maladies auto-immunes du tube digestif? Un reportage signé Isabelle Moncada et Jean-Dominique de Weck.
Parasites thérapeutiques
Les oxyures ont une habitude passablement
désagréable: les femelles descendent l'intestin jusqu'à l'anus,
elles sortent pour pondre sur le pourtour de l'anus mais restent
fixées par leur garniture buccale sur le pourtour du rectum de
telle sorte que ça démange horriblement. C'est comme cela que l'on
détecte en premier lieu l'oxyure. Aujourd'hui, c'est encore
possible d'attraper des parasites, comme des oxyures, des ascaris,
des trichocéphales.
Le parasitisme parfait consiste à ne pas nuire à l'organisme
occupé pour pouvoir accomplir son cycle de reproduction en toute
tranquillité. Mais parfois le parasite se trompe d'hôte. Les puces
de canard sont des larves qui ne sont pas adaptées à l'humain, donc
elles vont mourir sur place et provoquer une réaction inflammatoire
avec beaucoup de démangeaisons. On n'aime pas les parasites, mais
il faut se faire à l'idée que nous portons sur nous et en nous tout
un écosystème. 40% de notre génome provient de virus qui nous ont
colonisés et que nous avons intégrés. Sans cet écosystème, nous ne
pourrions pas survivre et l'humain n'existerait tout simplement pas
sous sa forme actuelle.
Une trop faible exposition aux agents infectieux ne permettrait
pas un bon développement du système immunitaire dans l'enfance.
Cela expliquerait que les populations riches, propres et urbaines
souffrent plus souvent de maladies inflammatoires chroniques
intestinales. Chez les personnes génétiquement prédisposées, la
réponse immunitaire va se diriger à tort contre la flore
intestinale. La maladie de Crohn par exemple peut toucher le
système digestif de la bouche jusqu'à l'anus.
Ce sont des scientifiques américains qui ont eu l'idée de se
servir de vers comme leurre pour distraire le système immunitaire
et casser le cercle vicieux de l'inflammation. C'est le trichuris
suis qui a été choisi. C'est un ver de la famille des helminthes et
son hôte habituel c'est le cochon. Il est suffisamment adapté à
l'homme pour être capable de survivre dans son tube digestif, sans
s'installer durablement, mais il a le temps d'induire la réaction
voulue, c'est-à-dire de freiner l'inflammation, ça c'est la
théorie. Les essais cliniques américains qui rapportent de bons
résultats ne portent cependant que sur un tout petit groupe de
patients. Outre les espoirs, il reste à savoir si réintroduire des
vers dans l'organisme peut réellement conduire à une diminution des
maladies dans nos pays aseptisés sans en provoquer d'autres.