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D.Bertarelli: "Tous les marins rêvent un jour de le rajouter à leur palmarès"

Dona Bertarelli vise un 3e succès en 5 ans sur le Léman. [Chris Schmid/Spindrift racing]
Dona Bertarelli vise un 3e succès en 5 ans sur le Léman. - [Chris Schmid/Spindrift racing]
Pas facile de mettre la main sur Dona Bertarelli. Normal, me direz-vous, pour la femme la plus rapide du monde. Entre deux entraînements sur le lac en vue du Bol d'Or (16-18.06), la femme d'affaire et navigatrice a accepté de répondre par mail aux questions de RTSsport.ch.

RTSsport.ch: D'où vous vient votre passion pour la voile?

DONA BERTARELLI: La voile est une passion familiale que mon père nous a transmise depuis notre enfance. Nous allions l’été naviguer sur un bateau en bois de sept mètres en Toscane et autour de l’île d’Elbe. J’aimais ces moments en famille hors du temps où il y avait le plaisir d’être ensemble et de vivre en mer. La compétition est arrivée beaucoup plus tard.

Mon premier succès au Bol d'Or? Une très grande émotion

Dona Bertarelli

RTSsport.ch: Justement, qu’est-ce qui vous a poussé à faire de la compétition?

DONA BERTARELLI: J'ai suivi avec passion pendant plus de 10 ans les aventures de mon frère avec Alinghi sur le lac d’abord et ensuite lors de la Coupe de l’America. Pendant toutes ces années, j’étais régulièrement approchée par des navigatrices professionnelles qui ne trouvaient pas de place à bord d’équipes masculines. Elles me demandaient souvent «à quand un équipage féminin?» L’envie à mon tour d’être acteur d’un projet est donc venue progressivement. J’ai toujours aimé entreprendre, construire, mettre en place des projets et y participer ensuite. Le sport de compétition offre de nombreuses opportunités: apprendre, tester, repousser ses limites et vivre des aventures humaines incroyables. Ce sont toutes ces raisons qui m’ont poussée à faire de la compétition en 2007.

RTSsport.ch: En 2010, vous devenez la première femme à remporter le Bol d’Or à la barre de Ladycat. Quels souvenirs gardez-vous de ce premier sacre?

DONA BERTARELLI: Une très grande émotion. C’est une course mythique que tous les marins rêvent un jour de rajouter à leur palmarès. Lorsque j’ai débuté sur le circuit des D35 avec Ladycat et un équipage 100% féminin, j’étais au chariot de Grande Voile. Un poste physique et technique où j’ai dû faire mes preuves n’ayant jamais navigué en multicoque et encore moins en compétition. Après 3 ans à ce poste, mon désir de barrer est devenu une évidence. J’ai pris donc le poste de skipper et la même année je remportais mon premier Bol d’Or devant des skippers de renommée internationale. J'en garde donc une très grande émotion et un souvenir de grande satisfaction personnelle et sportive.

Cette course est fédératrice.

Dona Bertarelli

RTSsport.ch: Qu’est-ce qui vous plaît dans cette course?

DONA BERTARELLI: C’est une course extrêmement exigeante du point de vue physique, mental et sportif. Mais c’est plus que ça: c’est une ambiance, une atmosphère. Ce qui me plaît, c’est la beauté du parcours, les conditions souvent inattendues avec des retournements de situation, cette flotte de 500 bateaux qui régate ensemble. On voit aussi des amateurs de tous âges, qui viennent en famille, passent des week-end entiers après l’hiver à préparer leur bateau pour ce Bol d’Or. C’est toute la magie de cette course, elle est fédératrice.

RTSsport.ch: Comment navigue-t-on sur le Léman?

DONA BERTARELLI: Naviguer sur le plus grand Lac d’Europe est toujours un bonheur que ce soit pour sa vue sur les cimes enneigées, sur les vignobles en terrasses de Lavaux ou la rade de Genève avec son jet. Niveau sportif, on doit naviguer "stratège" et cela est passionnant. C’est un plan d’eau complexe pour régater et le changement de climat peut parfois être très brutal et rapide. C’est le relief abrupt aux abords du plan d’eau qui crée cela. Les vents dévalent les pentes à vitesse grand V et peuvent s’abattre sur le lac avec une violence étonnante.

RTSsport.ch: Quelles sont les grosses différences avec les mers et océans?

DONA BERTARELLI: A l’inverse, au large, sur les mers ou les océans, on peut davantage anticiper ces changements de conditions car le plan d’eau est sans frontière et dégagé.  L’océan est synonyme de grand espaces, de puissance de nature, d’inconnue, on se sent privilégiés d’aller dans des endroits reculés. Au-delà de la contemplation et de mon amour pour la mer, il y a surtout un bateau: Spindrift 2, le plus grand trimaran océanique du monde, taillé pour le large et les records. Alors forcément naviguer sur ce bateau exceptionnel au large procure des sensations exceptionnelles, de vitesse, de liberté et d’adrénaline. Mais que ce soit sur le Léman, ou sur les océans, naviguer sur un multicoque de haute technologie requiert une cohésion d’équipe irréprochable. C’est avant tout un sport d’équipe et l’humain est au centre de la réussite d’un projet.

Gagner un nouveau Bol d’Or reste un objectif

Dona Bertarelli

RTSsport.ch: Si Ladycat s’impose cette année, vous conquerrez définitivement le Bol d’Or, promis à l’équipe qui le remporte trois fois en cinq ans. J’imagine que c’est un de vos objectifs, qu’est-ce que cela vous inspire?

DONA BERTARELLI: Nous sommes une écurie de voile professionnelle et la performance sportive nous motive. Nous mettons tout en oeuvre pour maintenir une dynamique de résultat et nous plaçons chaque année la barre un peu plus haut. Donc oui gagner un nouveau Bol d’Or, reste un objectif et le remporter définitivement serait une belle récompense pour toute l’équipe. Mais nous restons lucides car le Bol d’Or est semé d’embûches et de retournements de situations. Nous ferons tout ce que nous pourrons.

Floriane Galaud - @FlorianeGalaud

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D.Bertarelli: "Une certaine fierté"

RTSsport.ch: L’année dernière, vous êtes devenue la femme la plus rapide autour du monde à la voile mais l’équipe n’a pas réussi à battre le record établi par Loïck Peyron lors du Trophée Jules-Verne. Allez-vous retenter l’aventure l’hiver prochain?

DONA BERTARELLI: Je ne me suis pas encore prononcée. J’ai des responsabilités familiales et professionnelles autres que celles liées à Spindrift racing. Mais quelle que soit ma décision je serais tout aussi impliquée dans cette seconde tentative au sein de l’équipe.

RTSsport.ch: Qu’est-ce que cela fait d’être la femme la plus rapide du monde?

DONA BERTARELLI: Bien sûr, je ressens une certaine fierté à être devenue la navigatrice la plus rapide autour du monde. Au-delà de ça, comme je l’ai dit à mon arrivée, ce tour du monde m’a surtout permis d’atteindre les objectifs que je m’étais fixés pour moi, personnellement, mais aussi ceux de l’équipe: boucler le tour du monde et partager notre aventure avec les jeunes générations.

D.Bertarelli: "Je suis avant tout une maman"

RTSsport.ch: Voyez-vous des similitudes entre la voile de compétition et votre rôle de businesswoman?

DONA BERTARELLI: Oui on retrouve des similitudes notamment en termes de leadership. Dans les deux cas, il y a des prises de décisions parfois immédiates et un degré d’imprévus qui nécessite de l’anticipation dans un milieu souvent compétitif et parfois stressant. La réussite dans le business tout comme dans la voile de compétition nécessite des compétences humaines et techniques avec une stratégie et des objectifs communs. Il est important de se connaître, d’être conscient de ses propres capacités et celles de son équipe que ce soit en mer, à terre ou dans la gestion d’entreprise.

RTSsport.ch: Est-ce que vous vous considérez plus comme une navigatrice que comme une femme d’affaire?

DONA BERTARELLI: Je suis avant tout une maman, ensuite femme d’affaires, philanthrope et en dernier lieu navigatrice. Mais la voile est ma passion et dès que j’en ai l’occasion je navigue en compétition ou pour le plaisir en essayant de me maintenir à un haut niveau.

D.Bertarelli: "Le milieu m’a laissé ma chance"

RTSsport.ch: Vous êtes issue d’une famille fortunée, comment avez-vous été accueillie par le milieu de la voile?

DONA BERTARELLI: J’ai été très bien accueillie en Suisse lorsque j’ai commencé à naviguer en compétition mais la plus grande inconnue était d’arriver en Bretagne, dans cet univers de navigateurs au long cours. C’est sûr qu’au début on me regardait avec curiosité. Une femme d’affaires suisse, mère de 3 enfants qui rachète le plus grand trimaran océanique du monde pour se lancer à la conquête de records.

Cela interpelle! Mais à bord d’un bateau de course au large, qu’on vienne d’une famille fortunée ou non, cela n’a aucune importance. On ne peut pas tricher, et c’est l’humain, la personne que vous êtes qui ressort et non pas ce qu’elle possède. On va vous juger pour votre courage, votre travail, votre sens marin, votre capacité à bien vivre en mer et en équipe dans des conditions souvent difficiles mais autour d’un projet commun. Lorsque je suis arrivée dans la course au large en 2013, c’est évidemment avec beaucoup d’humilité puisque je n’avais j’avais jamais passé plus d’une nuit en mer. Mais le "milieu" m’a laissé ma chance. J’ai travaillé dur pour progresser, j’ai fait ma part du travail comme n’importe quel marin à bord et j’ai ainsi gagné ma place à bord et au large, comme sur le Trophée Jules Verne.

RTSsport.c
h: Votre famille -votre frère notamment- vous a-t-elle conseillée, soutenue lors de vos débuts?

DONA BERTARELL
I: Oui, certainement. Ses exploits en voile m’ont servi d’exemple et donné le courage à mon tour de me lancer dans la compétition. Au début de Ladycat, nous avons été accompagnés par toute l’équipe Alinghi et avons bénéficié de leurs conseils. Ensuite, Ladycat a grandi et fait ses preuves. Mon projet s’est nettement professionnalisé à la création de Spindrift racing avec mon mari Yann Guichard. Sur l’eau, la confrontation reste sportive. A quai, nous nous félicitons chacun des résultats et sommes fiers de voir le nom Bertarelli associé à d’aussi beaux projets.