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La vie d'arbitre selon Pascal Maria

Pascal Maria dans ses oeuvres lors de l'Open d'Australie en janvier 2012. [Greg Wood]
Pascal Maria dans ses oeuvres lors de l'Open d'Australie 2012. - [Greg Wood]
"Nous avons la meilleure place sur le court!" On ne peut pas donner tort à Pascal Maria (40 ans). Professionnel depuis 2002, le Français est l'un des meilleurs arbitres de chaise du monde. A ce jour, il a dirigé 9 finales de Grand Chelem, dont la plus longue de l'histoire entre Djokovic et Nadal à l'Open d'Australie 2012 (5h53' de jeu).

A Roland-Garros, le sympathique Niçois nous a accordé un entretien mercredi après-midi entre deux matches. "Décidément, je suis abonné aux Suisses", rigole-t-il quand on lui fait part de la provenance de notre média. "Mardi soir, j'ai arbitré Wawrinka. Là, je viens de diriger Vögele et je m'apprête à faire le 2e tour de Federer"! Interview.

"Bruno Rebeuh m'a transmis sa passion"

RTSsport.ch:Devenir un jour arbitre professionnel, était-ce un rêve de gamin?

PASCAL MARIA: Non, pas du tout! J'ai toujours été passionné de tennis, j'en jouais énormément. Mais je me suis vite aperçu que mes qualités étaient très limitées et que je n'aurais jamais l'occasion de jouer un jour à Roland-Garros, le rêve de tout joueur français.

Dans mon club, il y avait un certain Bruno Rebeuh (réd: arbitre professionnel de 1988 à 2001, également né à Nice). Il m'a transmis sa passion et de là je me suis dit que j'irai à Roland-Garros en tant qu'arbitre. J'y suis arrivé et maintenant c'est un vrai plaisir d'arbitrer ces grands champions.

RTSsport.chAu fil des années, vous avez grimpé tous les échelons et êtes devenu professionnel en 2002. Aujourd'hui vous êtes badge d'or, le plus haut niveau possible de l'arbitrage...

PASCAL MARIA:Oui, c'est un long processus. Il faut passer le badge blanc puis celui de bronze, ce sont des examens pratiques et oraux, essentiellement du droit. Ensuite argent et or, ce sont les quatre grandes entités - les Grand Chelem, la Fédération internationale, l'ATP et la WTA - qui décernent ces distinctions. Cela dépend bien sûr de vos capacités et de votre expérience sur le circuit professionnel.

"Il faut toujours se remettre en question" 

Maria (au centre) tente de calmer Murray (à gauche) et Berdych lors de l'US Open 2012. [AFP - Cameron Spencer]

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: Arbitre de tennis, est-ce un job de rêve? Comment peut-on se l'imaginer vu de l'extérieur?

PASCAL MARIA: Moi, je suis privilégié d'avoir pu faire de ma passion un travail. Mais il n'y a pas que des moments roses! C'est sûr qu'on vit dans le mon-de du sport, qu'on côtoie de grands champions et qu'on voyage dans les qua-tre coins du monde. Du coup, on est souvent absent de la maison et pour la famille ce n'est pas toujours évident.

En tant qu'arbitre, il faut toujours se remettre en question! Sinon, on va droit dans le mur. Ce n'est pas parce qu'on fait un bon match tel jour qu'on va en faire un bon le lendemain. Il faut toujours rester concentré.

RTSsport.chRester assis pendant des heures sur la chaise d'arbitre, n'est-ce pas physiquement difficile, notamment au niveau du cou?

PASCAL MARIA: On me pose souvent la question, mais y a beaucoup de métiers où on reste également assis toute la journée. Je n'ai pas de torticolis à force de tourner la tête.

On n'effectue pas un programme physique spécifique, y a qu'à voir certains arbitres (rires)! Moi, j'essaie de garder la forme. Je fais pas mal de jogging pour rester fit, mais on ne nous impose aucun entraînement.

"On a un salaire de docteur en France"

RTSsport.chParlons un peu argent, un arbitre professionnel est-il bien payé?

PASCAL MARIA: On est très loin ce que les joueurs peuvent gagner. On a le salaire d'un docteur en France.

RTSsport.chSi l'on dit 3000 euros par mois, est-on dans la bonne tranche?

PASCAL MARIA: Oui, c'est la bonne fourchette. Mais je ne me plains pas. On a beaucoup de frais pris en charge, notamment en ce qui concerne les voyages ou hôtels. Je le répète encore une fois, c'est un bonheur que de pouvoir travailler dans sa passion.

RTSsport.chL'arrivée du hawk-eye en 2006 (l'arbitrage vidéo) a-t-elle changé votre approche de l'arbitrage?

PASCAL MARIA:Déjà, c'est une belle innovation. Cela permet de corriger nos erreurs, car aucun arbitre n'est infaillible! Je pense que maintenant, on change la décision d'un juge de ligne seulement s'il y a une erreur claire.

C'est vrai qu'on intervient peut-être un peu moins qu'avant. Certains arbitres ont sans doute peur de se tromper. Je pense que c'est une erreur. Si on pense que la balle est faute ou bonne, il faut l'annoncer. Tant pis si on se trompe. Mais je ne pense pas que cela a modifié notre façon d'arbitrer. Ce système a aussi montré qu'on avait souvent raison.           

"Faire preuve de bon sens"

Pascal Maria [AFP - Greg Wood]

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Les joueurs et joueuses ont droit à 20 secondes de "pause" entre chaque point en Grand Chelem (25 secondes dans les autres tournois). On a le sentiment que certains joueurs sont souvent à la limite, comme Djokovic ou Nadal...

PASCAL MARIA: On doit faire preuve de bon sens. Il y a plein de facteurs qui entrent en jeu comme la chaleur ou un public qui encourage les acteurs. On ne peut pas appliquer cette règle à la lettre sans la moindre réflexion.

Concernant Djokovic et Nadal, je vous garantis qu'on ne reçoit aucune consigne. Au contraire, si on doit leur donner un avertissement, on va le faire.

RTSsport.chVous avez arbitré des centaines de matches dans votre carrière. Y en a-t-il un en particulier qui vous a marqué?

PASCAL MARIA: Celui qui m'a sans doute le plus marqué est la finale de Wimbledon 2008 entre Nadal et Federer conclue dans la pénombre (réd: Le Marjorquin l'avait emporté en 5 sets). C'était un match intense entre deux immenses champions dans un endroit mythique.

Après, c'est vrai qu'il y a la finale 2012 de l'Open d'Australie entre Djokovic et Nadal (réd: le Serbe s'était imposé après 5h53' de jeu). C'était une partie d'une intensité physique incroyable. J'ai indéniablement eu la chance d'arbitrer des grands matches!

Paris, Stéphane Altyzer

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