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Guy Boucher, le "cerveau" du CP Berne

Boucher est venu à Berne pour y rester. [Daniel Christen]
Boucher est venu à Berne pour y rester. - [Daniel Christen]
Guy Boucher, l'entraîneur qui montait en NHL -il avait atteint les demi-finales à 39 ans avec Tampa Bay- il n'y a pas si longtemps que cela, officie désormais au CP Berne. RTSsport.ch est allé à la rencontre du Québécois, qui a rendu leur férocité aux Ours de la capitale.

La banderole géante surplombant l'entrée du restaurant de la patinoire de Berne donne le ton. Les joueurs du SCB entourent Guy Boucher, qui figure exactement au milieu de ses ouailles. Oui, pour une fois, la star des Ours, c'est le coach!

Arrivé trop tardivement la saison dernière, fin janvier, pour éviter les playout, le Québécois de 43 ans a refait du SCB un prétendant au titre.

Diplômé en psychologie du sport, passionné d'Histoire, le "Scarface" de la rondelle -il porte une grande et mystérieuse balafre sur sa joue droite- est l'un des entraîneurs les plus intelligents de la planète hockey. RTSsport.ch a rencontré l'ancien coach prodige de Tampa Bay dans la capitale.

"J'ai refusé deux offres de NHL cet été"

La silhouette de Boucher (au centre) trône fièrement au-dessus de l'entrée du restaurant de la BernArena. [Michaël Taillard]
La silhouette de Boucher (au centre) trône fièrement au-dessus de l'entrée du restaurant de la BernArena. [Michaël Taillard]

RTSsport.ch:

Etes-vous venu en Suisse pour suivre l'exemple de Bob Hartley? L'Ontarien a retrouvé un job en NHL, à Calgary, après son séjour aux ZSC Lions (2011-2012).

GUY BOUCHER: Non! Je ne suis l'exemple de personne. J'étais venu visiter les infrastructures de Berne avant de signer. Ce que j'avais vu m'avait plu. J'ai eu le sentiment qu'ici, il y avait les moyens d'accomplir quelque chose. Et je me suis tout de suite bien entendu avec Sven Leuenberger. Avoir un bon feeling avec le directeur sportif, c'est quelque chose qui m'a toujours tenu à coeur dans ma carrière. 

RTSsport.ch: On imagine pourtant que la NHL continue d'être un objectif pour vous?

GUY BOUCHER: J'ai reçu deux offres de NHL cet été, que j'ai déclinées.

RTSsport.ch: Pourquoi? Et de quelles équipes?

GUY BOUCHER: Je ne veux pas dévoiler de noms, par respect. Je me sens simplement bien à Berne. J'aime beaucoup la mentalité des Suisses, qui sont des gens plutôt calmes. J'apprécie aussi la proximité de la campagne et des montagnes. J'ai ça à deux pas de ma maison. Je suis très chanceux! Et c'était aussi le rêve de mon épouse de venir vivre en Europe. Elle est en or, alors je lui devais bien ça.

RTSsport.ch: Vous avez donc fait passer le bien-être de votre épouse avant tout?

GUY BOUCHER: Quand je suis tombé malade, à 25 ans, ma femme s'est occupée de moi et ne m'a pas laissé tomber. Notre relation est donc très forte. Et quand j'ai entraîné Tampa Bay en NHL, c’était difficile de consacrer plus de temps à ma famille. Ici, je peux les voir.

RTSsport.ch:Coacher en NHL, ça veut dire travailler 7 jours/7 et 24 heures/24?

GUY BOUCHER:Je pense que c'est difficile de faire pire au niveau du stress. Quand tu n'es pas en voyage ou dans une aréna pour un match ou un entraînement, tu passes ton temps au téléphone ou devant un ordinateur. C'est usant.

"Je ne vais pas à la Coupe Spengler pour être vu à la TV"

RTSsport.ch: Certes, mais entraîner un jour Montréal, ça doit trotter dans un coin de votre tête, non? En plus, vous connaissez bien certains joueurs du Canadien, dans un club où il est impératif, pour le coach, de maîtriser la langue française.

GUY BOUCHER:  J'ai entraîné Max Pacioretty, David Desharnais et P.K. Subban à Hamilton en 2009/2010 (réd: le club ferme de Montréal, en AHL). C'est sûr que j'ai le profil pour entraîner cette équipe, car je suis Québécois. Et des entraîneurs de ma région qui ont dirigé en NHL, il n'y en a pas énormément. Du coup, mon nom a circulé dans les médias canadiens à divers moments, quand Montréal cherchait un entraîneur. Mais je le répète, je me sens bien à Berne.

RTSsport.ch:Vous dirigerez bientôt le Team Canada lors de la Coupe Spengler. Un moyen de ne pas être oublié au pays?

GUY BOUCHER: C'est d'abord le challenge qui m'intéresse. Je n'y vais pas pour être vu à la TV au Canada. Ce dont je me réjouis, plutôt, c'est d'affronter des équipes de KHL, par exemple. C'est certain qu'en étant en Suisse, je sors du champ médiatique canadien. Mais après ma nomination comme coach du Team Canada, j'ai quand même dû répondre à plus de 20 appels téléphoniques de compatriotes journalistes. De toute façon, on ne m'oubliera pas si facilement en NHL. J'y ai tissé beaucoup de relations durant mes années passées à Tampa Bay.

"La demi-finale avec Tampa Bay? Comme dans un rêve"

Boucher a entraîné Tampa Bay entre 2010 et 2013. [EQ Images - EQ Images]
Boucher a entraîné Tampa Bay entre 2010 et 2013. [EQ Images - EQ Images]

RTSsport.ch:

En NHL, vous avez atteint les demi-finales dès votre première saison, avec Tampa Bay en 2011. Un beau souvenir?

GUY BOUCHER: C'était comme dans un rêve! On s'est rendu au 7e match contre Boston en Finale de conférence. Mais les Bruins étaient meilleurs que nous. Avec mon staff, on avait réussi à faire du Lightning une équipe solide cette année-là. Et pourtant, notre défense et nos gardiens n'étaient pas bien cotés au début de la saison. Atteindre ce stade de la compétition en NHL est si compliqué qu'on ne sait jamais si on aura la chance de le refaire un jour…

RTSsport.ch:Votre limogeage à Tampa en mars 2013 vous a-t-il profondément affligé?

GUY BOUCHER: Non. La NHL est une telle machine, avec tellement d'argent investi dans les équipes, que je m'attendais à être licencié un jour ou l'autre. Et puis, quand on est comme moi passé par une longue maladie, on relativise certaines choses. Ensuite, lors de mes trois premiers mois d'inactivité, ça allait. Mais plus tard, j'ai commencé à bouillonner. Même lorsque je jouais avec mes enfants, je ne voulais pas perdre! La compétition commençait à me manquer. Je ne supporte pas de rester inactif. J'aime résoudre des problèmes, en trouver les causes.

RTSsport.ch: Des problèmes, vous en avez eu à Berne. Comment les avez-vous résolu?

GUY BOUCHER: Tout le monde pense que j'ai voulu tout changer. Mais en fait, j'ai gardé la même ligne de conduite qu'au début. On s'en est simplement tenu au message qu'on voulait donner.

RTSsport.ch:Du coup, après un début de saison difficile, "votre" CP Berne se porte de mieux en mieux!

GUY BOUCHER: Berne est une organisation très exigeante. On sait aussi récompenser nos joueurs quand ils atteignent les objectifs fixés. On a une approche personnelle et les joueurs répondent bien à tout cela.

"Niederreiter a tout juste"

Jim Mone [KEYSTONE - JIM MONE]
Le Grison a donné le tournis aux Sabres de Buffalo. [KEYSTONE - JIM MONE]

RTSsport.ch:

Selon vous, le hockey suisse est à son apogée. Quels Helvètes de LNA auraient le format pour évoluer en NHL?

GUY BOUCHER: S'il y avait ici des joueurs clairement de calibre supérieur, ça se saurait et ils y évolueraient déjà. Il y en a peut-être qui y parviendront. A Berne, Christoph Bertschy me fait une excellente impression. Dur à dire s'il réussira à y jouer un jour. Mais en tout cas, il a la bonne attitude.

RTSsport.ch:En ce moment, le seul attaquant suisse qui a un réel impact en NHL, c'est Nino Niederreiter (Minnesota)...

GUY BOUCHER: Niederreiter a tout juste. C'est l'exemple à suivre pour les jeunes attaquants suisses. Il n'essaie pas de se comparer à Alexander Ovechkin ou à d'autres attaquants vedettes. Lui, la plupart des buts qu'il marque, c'est en travaillant devant le filet. C'est d'ailleurs comme ça que la majorité des buts sont inscrits. Il n'y a pas que des beaux buts en NHL!

"J'ai des origines amérindiennes"

RTSsport.ch: Plus tôt dans l'interview, vous avez mentionné que la proximité de la nature jouait un rôle important pour vous en Suisse. Pourquoi?

GUY BOUCHER:C'est dû à mes origines amérindiennes. Du côté de ma mère, je descends du peuple des Hurons. Ca se voit un peu à mes yeux en amande.

RTSsport.ch: Oui, maintenant que vous le dites!

GUY BOUCHER: Mes origines amérindiennes me rendent fier. L'été, j'aime bien m'isoler, couper tous les appareils électroniques. Et rester tranquille, au milieu d'endroits naturels. C'est pour ça que je me sens si bien en Suisse, où la nature est si accessible. Ici, vous prenez soin de votre environnement, de l'eau en particulier. Au Canada, on pourrait être plus minutieux. Ce respect des Suisses vis-à-vis de la nature, cela fait partie des choses que mon épouse et moi aimerions léguer à nos enfants.

Propos recueillis par Michaël Taillard - twitter @michaeltaillard

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Guy Boucher express

Musique préférée: J'aime beaucoup la musique classique, surtout Beethoven et Vivaldi. Je tiens ça de mon père.

Film préféré: Mission, avec Robert De Niro.

Plat/boisson préférés: Du homard avec un verre de Sauternes. Mais j'adore aussi le vin suisse!

Un lieu de vacances: J'ai voyagé dans de nombreux pays différents, mais rien ne vaut mon chalet à Notre-Dame-du-Lac, dans ma ville natale. Je m'y recueille, c'est un lieu qui me rappelle mon père, que j'ai perdu à l'âge de 17 ans.

Hobbies: la pêche. Je peux y passer des heures, j'adore ça. Et l'Histoire, plus particulièrement celle de la Guerre de Sécession.

Si vous n'étiez pas hockeyeur: Je serais devenu ingénieur en environnement.

La plus belle patinoire de Suisse
: la nôtre (rires)! J'adore l'ambiance que mettent les supporters à Berne, quand ils chantent et agitent leurs drapeaux.

La moins belle
: Zoug! Mais seulement car on y joue en général mal (rires). C'est plutôt une belle aréna, en fait.

Meilleur souvenir
: les titres que j'ai gagnés, dans les ligues juniors au Québec ou en tant que coach assistant des sélections nationales juniors du Canada. Ca génère des émotions incroyables.

Pire souvenir
: La maladie qui m'a affecté quand j'avais 25 ans, et qui a duré trois années. J'ai été contraint d'arrêter ma carrière de joueur en Amérique du Nord, en IHL (réd: ancienne ligue mineure du même niveau que l'AHL, désormais disparue).

La Suisse romande: On aime beaucoup y aller, en famille. Ca nous permet de parler le français. J'ai visité Vevey, Gruyères et le Valais, entre autres.

Plus grand joueu
r jamais entraîné: Sidney Crosby (réd: centre de 2003 à 2005 à Rimouski, actuellement à Pittsburgh en NHL). Il n'est pas le meilleur joueur au monde actuellement pour rien. John Tavares, Mike Ribeiro, Martin St-Louis, Steven Stamkos, Duncan Keith ou Dion Phaneuf, d'autres vedettes canadiennes que j'ai aussi entraînées, sont aussi des joueurs d'un grand professionnalisme.

Votre cicatrice s
ur la joue droite: J'attends que mes enfants grandissent avant de leur dire ce que c'est.

Guy Boucher en bref

Nom: Boucher
Prénom: Guy

Nationalité: Canada
Né le: 3 août 1971

Poste: entraîneur

Carrière d'entraîneur (chez les adultes):
Hamilton/AHL (2009-2010), Tampa Bay/NHL (2010-2013), Berne (2014-?)

Palmarès:
- Champion de la ligue junior majeur du Québec avec Drummondville en 2009
- Coach de l'année en AHL avec Hamilton en 2010
- Demi-finaliste en NHL avec Tampa Bay en 2011