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Homme fort du FC Sion, Bigon évoque le métier d'entraîneur

Pour Alberto Bigon, le ballon n'est pas prêt de se dégonfler
Pour Alberto Bigon, le ballon n'est pas prêt de se dégonfler
De retour au FC Sion depuis février, Alberto Bigon évoque l'évolution du métier d'entraîneur. Interview du "Dottore" qui a dirigé Maradona de 89 à 91 à Naples.

On connaissait l'Alberto Bigon entraîneur, mais il y a aussi eu
l'Alberto Bigon joueur. Ses titres, l'ex-milieu offensif les a
conquis au Milan AC. Sous le maillot rossonero de 1971 à 1980 (56
buts en Championnat), le natif de Padova a remporté un scudetto
(1979), 3 Coupes d'Italie (1972/1973/1977) et une Coupe des
vainqueurs de Coupe (1973).



Bigon rangera ses crampons à Vicenza en 1984. Coach depuis 1987,
"Il Dottore" connaîtra son moment gloire avec le "Napoli" de Diego
Maradona en 1990 (scudetto et Super Coupe d'Italie) et le FC Sion
des Stefan Lehmann, Raphaël Wicky, Alain Gaspoz, et autres Johann
Lonfat avec lesquels il réussit le doublé en 1997.



TXT: Quelle différence y-a-t-il entre le FC Sion
cuvée 1996/1997 et le FC Sion d'aujourd'hui?



ALBERTO BIGON: Un peu comme toutes les autres
nations européennes, le football a beaucoup progressé. J'ai trouvé
à mon arrivée à Sion en février un environnement plus mûr et
professionnel. Mais il y a 10 ans, il faut aussi admettre que Sion
disposait de joueurs avec beaucoup de charisme. Le noyau suisse et
valaisan était très présent. Je pense à des Lehmann, Gaspoz,
Chassot, Bonvin, Wicky, Lonfat, Zambaz... A ce niveau-là, ce groupe
était vraiment très spécial.

"Le football a énormément changé"

- Comment voyez-vous l'évolution du
football ces 20 dernières années?



ALBERTO BIGON:

Le football a énormément changé.
Tout le monde dit que les joueurs courent plus aujourd'hui. Je
pense plutôt qu'ils courent de manière différente car ce sport est
devenu beaucoup plus tactique, physique, rapide, agressif et
collectif. Désormais la technique seule ne suffit plus. A l'époque,
il y avait plus d'espaces, ce qui permettait à certains joueurs de
traverser le terrain ballon aux pieds sur 60m.



Aujourd'hui, il faut être complet, à l'image de Thierry Henry:
grand, rapide, endurant, bon dans les passes.

"Avant, les gens se déplaçaient au stade"

- N'avez-vous pas l'impression qu'aujourd'hui il y a trop de
rencontres de football en direct à la TV?



ALBERTO BIGON: Disons que de nos jours, nous ne
savourons pas le football comme avant. Je me rappelle qu'il y a 10
ans j'étais allé voir un match de Liverpool que Sion devait
affronter plus tard. Cette rencontre de Championnat s'était jouée
un jour férié à 11h45 du matin! Après renseignements, j'ai appris
que la chaîne détentrice des droits TV avait un creux dans cette
tranche horaire-là! Le football est devenu esclave de la
télévision. Il faut aussi admettre que sans cette manne financière,
le foot aurait de la peine à tourner.



- La répétition des rencontres en Ligue des Champions par exemple
ne risque-t-elle pas de lasser le public?



ALBERTO BIGON: A l'époque, les gens se
déplaçaient au stade. La couverture télévisuelle était beaucoup
moins développée qu'aujourd'hui. Concernant la lassitude, je dirais
que le public regardera toujours un match pour une seule raison: le
foot est le plus beau sport, le plus fascinant et surtout le plus
simple. Le ballon n'est pas prêt de se dégonfler. Par contre, je
pense effectivement que le public se lassera d'aller au stade étant
donné que l'offre sur des chaînes payantes est bien là.



- Le métier d'entraîneur est-il devenu plus difficile qu'à vos
débuts?



ALBERTO BIGON: De nos jours, les équipes sont
beaucoup plus proches les unes des autres. Avec les moyens
techniques actuels (ndlr: internet, TV...) toutes les équipes
savent tout sur leurs adversaires. D'un côté, la tâche de
l'entraîneur s'en retrouve facilitée mais, de l'autre côté, il est
beaucoup plus difficile de surprendre l'adversaire.

"Pas vu un seul match pendant 3 ans"

- En février 2000, vous avez été limogé par l'Olympiakos après
seulement 3 mois. L'équipe occupait pourtant la première place du
Championnat de Grèce...



ALBERTO BIGON: C'est un vrai paradoxe. Je cherche
encore à comprendre... Après mon licenciement en Grèce, je n'ai pas
regardé un seul match pendant 3 ans. Mon programme était très
simple: jouer au golf et m'occuper de mes petits-fils. Après 35 ans
de travail, 20 en tant que joueur et 15 en tant qu'entraîneur,
j'avais pris la décision de m'octroyer une pause. Puis, le feu et
la passion sont progressivement revenus et la proposition de
Monsieur Constantin en février passé est venue à point nommé.



TXT. Propos recueillis par Miguel Bao

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Bigon et Maradona

TXT: Quel souvenir gardez-vous de votre passage à Naples, de 1989 à 1991?
ALBERTO BIGON: Naples a, à mes yeux, le meilleur public au monde. L'amour, la passion et la proximité des tifosi pour son équipe sont vraiment uniques. A Naples, l'on est totalement immergé dans le football. Et en cas de victoire, je peux vous assurer que l'on vit des émotions absolument incroyables

- Donc c'est une bonne chose que ce club soit à nouveau en Serie A?
ALBERTO BIGON: Absolument. A ce propos, j'ai lu que les arrivées de la Juventus et de Naples en Serie A pourraient coûter jusqu'à 100 millions d'euros en plus que la saison passée aux chaînes TV qui diffusent les matches du calcio.

- Un mot sur Diego Armando Maradona. que vous avez entraîné à Naples?
ALBERTO BIGON: On peut décrire Diego en peu de mots. Lors de ma première saison à Naples, en 89, Diego a été très proche et très généreux avec ses compagnons d'équipe. Dans le vestiaire, il ne se considérait absolument pas comme une étoile. Il était extrêmement discipliné. Quelqu'un d'adorable également. Ses coéquipiers l'aimaient énormément. Ils étaient prêts à se sacrifier sur le terrain pour lui. C'était un joueur vraiment exceptionnel. Malheureusement, ma deuxième année a été marquée par la suspension de Diego suite à un contrôle positif à la cocaïne. La situation a été très difficile pour tous à Naples.

Le questionnaire de Proust

La 1ère chose que vous faites le matin: je bois un jus de fruit et un café.

Votre meilleur souvenir: le scudetto remporté en tant que joueur avec le Milan AC en 1979.

Votre pire souvenir: toujours avec le Milan AC. En 1973, nous avions perdu le scudetto lors de la dernière journée. Cette saison-là, nous avions gagné la Coupe d'Italie et la Coupe des Coupes.

Pour vous, le football c'est: tout. Si je devais partir sur une île déserte, je prendrais un ballon.

Votre idole: ce sont 3-4 coéquipiers de mon époque au Milan AC.

Si vous n'aviez pas été joueur/entraîneur: médecin orthopédiste.

Votre devise: discipline, droiture, professionnalisme.

Le dopage c'est: une absurdité.

Principale qualité: l'équilibre.

Principal défaut: la prétention parfois

Votre salaire: il me convient.