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Moubandje: La sélection? On veut y retourner

Après une première année marquée par une grave blessure à une cuisse, François Moubandje "revit" pour sa deuxième saison au Toulouse FC. Le défenseur international a reçu RTSsport.ch sur les bords de la Garonne. L'occasion pour lui de parler de son acclimatation, son avenir, l'équipe de Suisse et du Servette FC.

Le rendez-vous est donné début mars au Stadium de Toulouse, le quartier général du "Téfécé". Pile à l'heure, le Genevois nous accueille le sourire aux lèvres. Le sourire d'un homme qui savoure ce qui lui arrive depuis quelques mois.

Devenu titulaire indiscutable au sein de la défense des Violets, il sera de la partie pour les deux prochains matches de l'équipe de Suisse contre l'Estonie à Lucerne et face aux Etats-Unis, à Zurich.

RTSsport.ch: vous êtes au Toulouse FC depuis 18 mois. Comment jugez-vous votre bilan jusqu'à maintenant?

FRANCOIS MOUBANDJE: le bilan est plutôt positif, ça veut dire que je ne me suis pas trompé dans mon choix malgré une première année difficile avec des blessures. J'ai beaucoup travaillé pour revenir et avoir une place à Toulouse et, par la suite, une vie en équipe nationale.

RTSsport.ch: votre première saison galère est-elle oubliée ?

FRANCOIS MOUBANDJE: oui, car j'ai pu rejouer. Mais elle est encore là car elle m'a appris beaucoup de choses. On peut même presque parler de positif car cela m'a fait grandir.

RTSsport.ch: vous est-il arrivé de douter?

FRANCOIS MOUBANDJE: c'est vrai que ce n'est jamais facile. Je suis arrivé seul dans un championnat que je ne connaissais pas et c'est dans ces moments-là que la famille est importante, comme mes amis ou ma copine. Tous m'ont beaucoup aidé. C'était dur car, comme j'étais blessé, je ne pouvais pas me montrer et les gens ne me voyaient pas comme le joueur que j'étais avant d'arriver. Mais je connais mes qualités et je savais qu'avec le travail, ça allait finir par passer.

"Rien à voir avec le championnat suisse"

RTSsport.ch: vous vivez votre première expérience à l'étranger près de la Suisse. Est-ce un avantage?

FRANCOIS MOUBANDJE: le gros avantage c'est surtout que je n'ai pas eu la barrière de la langue. Lorsque j'étais blessé, j'ai pu parler à certains coéquipiers qui ont pu me réconforter par rapport à ça. François Sirieix m'a beaucoup parlé et m'a dit que j'avais les qualités pour être titulaire dans cette équipe. C'était plutôt bon signe. Ca aurait été beaucoup plus difficile d'être blessé un an dans un pays où je n'aurais pas bien compris la langue. Après, il y a tout de même une différence dans la mentalité, tu le sens quand tu arrives. J'ai eu un peu de mal au début, mais après tu vois comment ça fonctionne et tu te fonds dans le moule.

Première sélection en équipe de Suisse contre la Lituanie, le 15 novembre dernier. [Keystone - Gian Ehrenzeller]

RTSsport.ch:

quelle est cette différence?

FRANCOIS MOUBANDJE: les Français ont un côté un peu... (il hésite) Pas hautain, mais un peu "moi je..."

RTSsport.ch: et au niveau football? La Ligue 1 est réputée pour être physique...

FRANCOIS MOUBANDJE: au niveau des duels et de l'intensité, ça n'a rien à voir avec ce que j'avais connu en Suisse. J'ai eu un peu de mal à m'adapter mais j'ai travaillé pour y arriver. Ce sont les points sur lesquels j'ai le plus progressé depuis que je suis là, avec le placement.

RTSsport.ch: d'un point de vue personnel, vous connaissez une saison pleine. Mais le "Téfécé" est menacé de relégation. Comment le vivez-vous?

FRANCOIS MOUBANDJE: c'est vrai que d'un point de vue personnel, je n'ai pas à me plaindre, mais je le vis mal pour le club car j'aimerais qu'on soit plutôt aux alentours de la 8e-10e place, surtout qu'on a les joueurs pour le faire. Mais je suis sûr qu'on a les capacités pour se sauver et pour enchaîner avec une belle saison derrière.

"J'espère jouer un jour en Angleterre"

RTSsport.ch: vous êtes un joueur polyvalent, mais où vous sentez-vous le plus à l'aise?

FRANCOIS MOUBANDJE: j'ai commencé chez les pros au poste de latéral gauche, c'est plus mon poste. Mais je m'adapte à ce qu'on me demande. Chez les jeunes, j'ai même joué ailier. Je préfère jouer sur le côté, ça me permet de monter un peu et ne pas que défendre. Je suis appliqué pour les relances, ça peut permettre de casser les lignes et de porter le jeu rapidement vers l'avant. Aujourd'hui, un défenseur doit aussi savoir le faire.

RTSsport.ch: comment vous occupez-vous une fois sorti du terrain?

FRANCOIS MOUBANDJE: j'ai quelques amis qui viennent me voir, principalement de Suisse, je vais au cinéma, au restaurant, etc. Je suis une personne un peu réservée, je ne fais pas trop de choses extravagantes. Je ne suis pas une personne qui va se faire énormément d'amis. Je sais que je suis ici pour un temps donné, je n'ai donc pas envie de faire des connaissances et de perdre contact par la suite.

RTSsport.ch: pour un temps donné?

FRANCOIS MOUBANDJE: je ne suis pas venu à Toulouse pour y finir ma carrière. Tout le monde le sait, c'est un passage et je donnerai le meilleur de moi-même. J'ai signé un contrat de 4 ans, ça m'a permis d'avoir une base solide. C'est important quand on est jeune et qu'on arrive d'un autre championnat. J'espère un jour jouer en Angleterre. Mais pour cela, il faut beaucoup travailler, c'est encore un autre niveau. Je pense que c'est un championnat qui va bien avec mon style de jeu.

RTSsport.ch: une préférence pour un club en particulier?

FRANCOIS MOUBANDJE: non, je n'ai pas vraiment de préférence. J'aime bien Manchester City, Arsenal. Mais les cinq grands clubs de Premier League sont excellents.

"La promotion en Super League? C'était incroyable"

RTSsport.ch: seriez-vous prêt à tenter l'aventure anglaise dans un club de milieu de tableau?

FRANCOIS MOUBANDJE: c'est différent. Si on me fait une proposition équivalente, sportivement parlant, à ce que j'ai en France, je pense que je resterai en France. Ca voudrait dire que je n'ai pas encore tapé dans l'oeil d'un club du "Big five". Donc autant rester dans un championnat que je connais pour ensuite viser une équipe top. Mais je ne me prends pas la tête, j'espère pour moi que ce moment viendra. Je sais d'où je viens et où je veux aller.

Moubandje a évolué durant trois saisons sous le maillot de Servette. [Keystone - Laurent Gillieron]

RTSsport.ch:

un mot justement sur vos années servetiennes?

FRANCOIS MOUBANDJE: j'ai vécu de belles années là-bas. Le match de la montée en Super League devant 23'000 spectateurs restera l'un de mes plus beaux souvenirs. C'était juste incroyable. C'était la première fois que ma mère me voyait jouer. Pendant longtemps, elle considérait que jouer au football n'était pas un métier. Maintenant, elle est très heureuse, elle m'encourage. Tout comme mon grand frère, qui me suit depuis le début. C'est lui qui m'a acheté mes premières chaussures de foot. Il a 7-8 ans (31 ans) de plus que moi.

RTSsport.ch: vous suivez toujours l'évolution du SFC?

FRANCOIS MOUBANDJE: Oui j'essaie le plus possible. Mais c'est plus difficile avec la distance. Ca me fait super plaisir qu'ils soient premiers. Il ne faut rien lâcher. C'est maintenant que ça va être dur, les points vont valoir cher. C'est la dernière ligne droite.

"Il faut être sur ses gardes"

RTSsport.ch: vous jouez en Ligue 1 et vous êtes international, cela signifie une exposition plus importante....

FRANCOIS MOUBANDJE: quand on a un peu de réussite, on attire de nouvelles "connaissances". En franchissant un palier, j'ai plus de demandes d'interviews, etc. On ne peut pas comparer ça avec mes années à Servette. J'étais l'enfant de Genève, c'était mon petit cocon. Maintenant, j'ai gagné en visibilité et cela m'apporte plus de choses. Mais je suis une personne tranquille et réservée.

RTSsport.ch: pas trop difficile de se faire à cette nouvelle notoriété?

FRANCOIS MOUBANDJE: c'est important de savoir s'ouvrir sur les autres. Mais dans ce milieu, il faut quand même être sur ses gardes. Comme je l'ai dit, on attire des personnes intéressées par cette célébrité. Je parle facilement aux autres, ma mère m'a élevé comme ça. Mais ce n'est pas pour autant que tout le monde va être mon ami.

RTSsport.ch: vous avez 24 ans, les tentations doivent être nombreuses...

FRANCOIS MOUBANDJE: je suis jeune, mais je sais quand je peux sortir et quand je peux moins le faire. Mais il ne faut pas se priver de tout. J'arrive à prendre beaucoup de recul par rapport à tout ça. Mon grand frère me parle beaucoup. Il me place face à mes responsabilités. J'ai vraiment de la chance de l'avoir. Il me conseille, il est toujours là. Il a sa vie, son travail, mais c'est comme si c'était lui mon agent. Je préfère traiter avec lui qu'avec une autre personne. Il a un vécu, une expérience de la vie. Ceux qui veulent parler sérieusement de moi, de ma carrière, je les envoie vers mon frère. Je sais qu'il ne me fera pas de mauvais coup. Je le suis les yeux fermés. Comme je n'ai pas connu mon père, il a occupé ce rôle. On s'appelle tous les jours, même si ce n'est que pour 5 minutes.

"Je ne pensais pas que ça irait aussi vite"

RTSsport.ch: titulaire à Toulouse et appelé en équipe de Suisse. Les choses se sont vite enchaînées pour vous ces derniers mois...

FRANCOIS MOUBANDJE: je ne pensais pas que la convocation en équipe de Suisse viendrait aussi vite. Mais j'étais prêt dans ma tête et j'ai eu la chance d'être appelé et de jouer assez rapidement. Je digère tout ça tranquillement en continuant de faire des bonnes performances avec mon club. Je ne me prends pas plus la tête que ça.

RTSsport.ch: quel est votre statut dans le vestiaire toulousain?

FRANCOIS MOUBANDJE: on m'a appelé "le p'tit Suisse", ça n'a pas manqué (rires). Mais il y a une bonne ambiance. Même quand la France a battu la Suisse à la Coupe du monde, c'était quand même sympa.

RTSsport.ch: vous avez pu vous rattraper avec la victoire en Coupe Davis...

FRANCOIS MOUBANDJE: oui, c'est exactement ça! Par contre, les Français ont une grande admiration pour Roger Federer, mais qui n'en a pas?

RTSsport.ch: vous possédez également la nationalité camerounaise, mais vous avez choisi la Suisse. Choix du coeur ou de la tête?

FRANCOIS MOUBANDJE: je suis né au Cameroun et je suis arrivé en Suisse à 8 ans. Les deux pays sont dans mon coeur. Mais après réflexion, j'ai choisi la Nati. J'ai grandi en Suisse et j'ai joué quelques mois avec les espoirs qui m'ont permis de me montrer un peu. J'en ai discuté avec ma famille et elle m'a soutenu dans ma décision. Mais il y aura toujours des gens pour contester mon choix.

RTSsport.ch: l'Euro 2016 en France, vous y pensez?

FRANCOIS MOUBANDJE: maintenant que j'ai été convoqué avec l'équipe A, je travaille pour y être à nouveau. Une fois qu'on a goûté à l'équipe nationale, on n'a qu'une envie: y retourner. C'est à moi d'être performant et de convaincre le sélectionneur. Ca me ferait super plaisir d'être dans le groupe, si la Suisse se qualifie. On va se donner à fond pour y arriver. Mais c'est encore loin.

RTSsport.ch: avez-vous eu des échanges avec Vladimir Petkovic?

FRANCOIS MOUBANDJE: non. Je ne pense pas que ce soit forcément nécessaire qu'on s'appelle ou quoi que ce soit. Par contre, je suis souvent en contact avec Gelson Fernandes, qui joue à Rennes. On s'écrit souvent vu qu'on joue dans le même championnat.

Propos recueillis à Toulouse par Axel David - Twitter @axel_david7

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Biographie

Né le 21 juin 1990 au Douala (Cameroun)

Professionnel depuis 2010

Défenseur

2007-2010: Meyrin
2010-2013: Servette FC
2013- ...: Toulouse FC

2 sélections en équipe de Suisse

François Moubandje Express

Musique préférée: le rap américain

Film préféré: Je suis une légende, avec Will Smith

Meilleur souvenir: la promotion en Super League avec Servette. De la folie...

Pire souvenir: la relégation en Challenge League, toujours avec Servette

Si vous n'aviez pas été footballeur: j'aurais aimé travailler dans le marketing

Principale qualité: mon pied gauche

Principal défaut: mon pied droit (rires)

Hobby: j'adore le cinéma

Destination préférée: les Etats-Unis en général

Une personne marquante: Joao Alvès. Il m'a découvert, il m'a fait signer pro. Il m'a donné ma chance, je lui dois énormément.