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Caroline Abbé s'est fait un nom au Bayern Munich

Caroline Abbé est devenue une titulaire indiscutable au Bayern Munich depuis son arrivée l'été dernier. [Jennifer Blanchard]
Caroline Abbé est devenue une titulaire indiscutable au Bayern Munich depuis son arrivée l'été dernier. - [Jennifer Blanchard]
Le Mondial se rapproche à grands pas pour l'équipe de Suisse! Dans un mois, les protégées de Martina Voss-Tecklenburg feront leur entrée dans le tournoi contre le Japon à Vancouver. L'occasion de partir à la rencontre de la capitaine Caroline Abbé, qui s'épanouit au Bayern Munich.

Sélectionnée à 104 reprises (un record), Caroline Abbé attend avec impatience le coup d'envoi de ce Mondial. Avant de s'envoler pour le Canada, une échéance importante attend la Genevoise, puisqu'elle jouera dimanche pour le titre en Bundesliga avec le Bayern Munich qu'elle a rejoint cet été.

Les Bavaroises, deuxièmes du classement à un point de Wolfsburg, recevront Essen lors de cette dernière journée de championnat, alors que les "Louves" retrouveront Francfort.

A 6 jours de cette "finale", Caroline Abbé nous a donné rendez-vous au Sportpark d'Aschheim, le centre d'entraînement des filles du Bayern bien plus modeste, il faut l'avouer, que celui de leurs homologues masculins. L'arrière centrale (27 ans) a évoqué son expérience à Munich, le foot féminin romand sans oublier l'équipe nationale.

"On ne côtoie pas spécialement les joueurs du Bayern"

RTSsport.ch: Comment se passe votre première saison au Bayern Munich?

CAROLINE ABBE: Je n’aurais pas pu rêver mieux. Mon objectif en venant ici était de m’imposer, d’avoir ma place. J'ai réussi à jouer chaque week-end. Du point de vue collectif, on voulait être dans les deux premiers. Cela ne tient qu’à nous de gagner ce week-end et nous verrons ensuite ce qui se passe entre Wolfsburg et Francfort. Pour l’instant, c’est une saison presque parfaite. Si on gagne le titre, la saison sera alors parfaite.

RTSsport.ch: La pression monte-t-elle avant cette "finale"?

CAROLINE ABBE: Je vois en ville les affiches qui annoncent le match décisif de dimanche. Pour l’instant, cela me fait sourire. Il reste encore 6 jours pour se préparer. Je pense que la pression va monter samedi et dimanche. Mais on a tout entre nos mains ou plutôt entre nos pieds. C’est à nous de gagner. Si on n’est pas championnes, on n’aura pas de regrets. Cet été, 10 joueuses sont parties et 10 nouvelles sont arrivées. On n’aurait pas espéré gagner le championnat aussi vite.

RTSsport.ch: Comment vivez-vous en tant que joueuse du Bayern ? Vous reconnaît-on dans la rue?

CAROLINE ABBE: Non, on ne m’a pas encore fait le coup (rires) ! Quand on va au centre d'entraînement des hommes, le personnel et les dirigeants savent qui on est. On va manger là-bas tous les midis. Par contre, on ne côtoie pas spécialement les joueurs, on les voit juste s’entraîner. Sinon, j'ai une vie normale, je peux marcher tranquillement dans la rue. Sur ce point, je ne suis pas jalouse des garçons qui ne peuvent pas sortir sans être harcelés. C’est un des bons côtés du foot féminin.

"Le nom du Bayern fait beaucoup"

RTSsport.ch: Avez-vous eu des contacts avec Xherdan Shaqiri lorsqu'il était au Bayern?

CAROLINE ABBE: Non. Je sais qu’il connaît Lara (réd: Dickenmann) car ils ont fait des pubs ensemble, mais moi non. Je n’ai pas cherché plus que cela à le connaître. On laisse les joueurs vivre leur vie.

Caroline Abbé est la joueuse la plus capée de l'équipe de Suisse. [EQ Images - Ennio Leanza]
Caroline Abbé est la joueuse la plus capée de l'équipe de Suisse. [EQ Images - Ennio Leanza]

RTSSport.ch: Le nom du Bayern Munich est-il autant important chez les femmes que chez les hommes?

CAROLINE ABBE: Oui. Quand on joue contre certaines équipes, on sait qu’elles veulent absolument nous battre. Quand j’étais à Freiburg, je me rappelle, on voulait vraiment gagner contre le Bayern. Les équipes s'imaginent que le Bayern est riche, alors qu'on n'est pas l'équipe la plus riche de Bundesliga chez les femmes. Le nom fait beaucoup. Quand je disais aux gens que je jouais au Freiburg, c’était « ah ». Maintenant, quand je dis que je joue au Bayern, c’est « ah ouais cool ». Mais on ne peut pas comparer avec les garçons. Tout le monde connaît le Bayern Munich des hommes, nous peut-être pas (rires).

RTSsport.ch: Qu'en est-il du nombre de spectateurs lors de vos matches?

CAROLINE ABBE: Je ne suis pas déçue, mais disons que je m’attendais à mieux. On a eu le record contre Wolfsburg cette année avec 2700 spectateurs, mais sinon cela tourne autour des 600 spectateurs. Je pense qu’on va battre le record de Wolfsburg dimanche. Si on fait la Ligue des champions l’année prochaine, peut-être qu’il y aura encore plus de monde. On verra déjà dimanche si les gens suivent ou pas.

RTSsport.ch: Avec une quinzaine de Suissesses en Bundesliga et Lara Dickenmann qui rejoindra Wolfsburg cet été, on peut dire que les Suissesses ont la cote en Allemagne!

CAROLINE ABBE: C'est vrai. On est attirées par la Bundesliga, car on sait que c’est le meilleur championnat d’Europe, voire du monde. Il y a beaucoup d’étrangères, les Allemandes jouent quasi toutes ici, donc ça relève le niveau. En Suisse, on n’arrive pas à retenir les joueuses. Il ne faut pas s’étonner alors que le niveau du championnat ne soit pas très haut, que Zurich écrase la concurrence.

"J'ai vécu 5 années géniales à Yverdon"

RTSsport.ch: Le FC Zurich ( 7 fois championnes de Suisse lors des 8 dernières saisons) aurait-il sa place en Bundesliga?

CAROLINE ABBE: Je pense que oui. Les dernières de notre championnat n’ont eu que 2 points. A Zurich,  il y a vraiment des joueuses pas mal. Je pense qu'elles se maintiendraient.

RTSsport.ch: Quel est votre regard sur le foot féminin romand? Il n'y a qu'Yverdon en LNA et Chênois en LNB...

CAROLINE ABBE: J’ai l’impression que les clubs n’ont pas envie d’investir dans le foot féminin, de dépenser pour les filles. Certaines joueuses sont vraiment douées. Je trouve dommage qu’elles doivent toutes aller à Yverdon, faire ces déplacements. Elles ne reçoivent rien en contrepartie. Je l’ai fait pendant 5 ans, je sais ce que c’est. Je comprends que celles qui ne sont pas motivées à 200% en aient marre au bout d’un moment.

Caroline Abbé affiche deux Coupes de Suisse gagnées avec Yverdon à son palmarès. [KEYSTONE - Ennio Leanza]
Caroline Abbé affiche deux Coupes de Suisse gagnées avec Yverdon à son palmarès. [KEYSTONE - Ennio Leanza]

RTSsport.ch: Que retenez-vous de vos cinq saisons passées à Yverdon?

CAROLINE ABBE: J’ai énormément progressé là-bas. C’est sûr que ce n’est pas la même chose qu’ici, où en un an j’ai progressé comme jamais. C’est normal, Yverdon n’a pas les mêmes infrastructures. Mais j’ai vécu 5 années géniales là-bas, on a gagné 2 fois la Coupe, on avait une super équipe. Je n'ai que des bons souvenirs quand je pense à Yverdon.

RTSsport.ch: En 2011, vous avez rejoint Freiburg. Qu'est-ce qui vous a marqué à votre arrivée en Bundesliga?

CAROLINE ABBE: L’intensité lors des entraînements et des matches. J’ai mis deux bons mois avant de m’adapter, car le nombre d’entraînements et les charges physiques ont triplé voire quadruplé. C’était assez impressionnant. J’ai aussi senti la différence entre Freiburg et le Bayern. A Freiburg, on s’entraînait tous les jours, mais ce n'était pas la même intensité. Ce n'était pas non plus les mêmes objectifs, on jouait le maintien donc il n'y avait pas la même qualité de joueuses. Ici, on joue pour les premières places. La concurrence est haute. Tu dois être à 100% à chaque entraînement sinon tu perds ta place.

"Je suis plus une leader sur le terrain qu'en dehors"

RTSsport.ch: Un match spécial vous attend le 27 mai, puisque l'équipe de Suisse défiera l'Allemagne en amical à Baden!

CAROLINE ABBE: Oui, on se réjouit. On est une quinzaine de joueuses qui évoluent en Allemagne, c’est un peu notre derby à nous. Je me réjouis tout particulièrement, car la dernière fois qu’on a joué contre l’Allemagne, on en a pris 6 (réd: 6-0 en 2012, en qualifications pour l'Euro 2013). On veut leur montrer qu’on a progressé dans plusieurs secteurs de jeu, qu’on n’est plus la petite Suisse. Il faudra qu’on soit toutes dans un bon jour, mais je pense qu’on a tellement progressé ces dernières années qu’on ne peut que faire mieux que la dernière fois.

RTSsport.ch: Vous avez battu 3-1 la Suède (5e au classement FIFA) en amical en avril dernier. Avez-vous été surprises du résultat?

CAROLINE ABBE: Surprises, non. Je pense plutôt qu'elles étaient surprises du jeu qu’on a produit. On sait qu’on est capable de battre des grosses équipes. Si on tire toutes à la même corde, on y arrive. C’était la confirmation de ce qu’on pensait de nos qualités. Cela a aussi envoyé un signe aux autres équipes.

RTSsport.ch: Comment vivez-vous votre rôle de capitaine?

CAROLINE ABBE: Je suis plus une leader sur le terrain qu’en dehors. Avec cette position d’arrière centrale, c’est plus facile car je peux voir tout le jeu. Je peux aussi mieux diriger mes coéquipières. En dehors du terrain, on est quatre joueuses à faire le lien entre Martina Voss-Tecklenburg et l’équipe.

"On a envie d'être la surprise du Mondial"

RTSsport.ch: Depuis plusieurs années, l'équipe de Suisse a gagné en stabilité défensive. Comment expliquez-vous cette progression?

CAROLINE ABBE: Comme on dit, la première défense, c’est l’attaque. Les filles nous allègent le travail derrière grâce à leur pressing. Du coup, on récupère le ballon plus facilement. C’est sûr que l'aspect offensif est notre atout. On jouera là-dessus pendant la Coupe du monde et les prochains matches. On a réussi à gagner une stabilité en défense comparé aux autres années, mais cela ne m’étonne pas. C’est aussi la tactique à l’allemande. On est compactes, on se déplace toutes ensemble en bloc.

RTSsport.ch: Aux JO de Sotchi, les hockeyeuses suisses ont remporté le bronze. Représentent-elles une source d'inspiration pour vous?

CAROLINE ABBE: Aller aux JO, cela serait le rêve absolu. Il faut être dans les 3 meilleures nations européennes, donc c’est un sacré challenge. Ce qu’elles ont fait nous inspire et nous donne envie de les imiter. Personne ou presque ne pensait que les hockeyeuses allaient y arriver et elles l’ont fait. On a aussi évidemment envie d’être la surprise du Mondial, alors oui, pourquoi ne pas s’inspirer d’elles.

Propos recueillis à Munich par Jennifer Blanchard - @jenni_blanchard

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Caroline Abbé express

Meilleur souvenir: Ma première victoire en Coupe de Suisse avec Yverdon en 2010 et la qualification pour la Coupe du monde

Pire souvenir: Je n'en vois pas

Joueur préféré: Thiago Silva

Equipe préférée: AC Milan

Si vous n'aviez pas été footballeuse: Je ne me voyais pas faire autre chose. Comme j'ai fait mon apprentissage dans l'administration, j'aurais sûrement fini derrière un bureau

Principale qualité: On peut toujours compter sur moi

Principal défaut: Je m'énerve un peu facilement

Film préféré: Le dîner de cons

Musique préférée: J'écoute de tout

Hobbies: Tennis, ski, passer du temps avec mes amis

Biographie

Née le 13 janvier 1988 à Genève

Défenseur

1996-2003: Meyrin
2003-2006: Chênois
2006-2011: Yverdon
2011-2014: Freiburg (Allemagne)
2014-???: Bayern Munich (Allemagne)

2x vainqueur de la Coupe de Suisse avec Yverdon en 2010 et 2011

104 sélections, 9 buts

Elue footballeuse suisse de l'année en 2010