Publié

"L'homme qui vaut un milliard"

Ramon Vega a troqué la tenue du footballeur pour l'élégant costume de financier. [Daniel Burkhalter]
Ramon Vega a troqué la tenue du footballeur pour l'élégant costume de financier. - [Daniel Burkhalter]
Ramon Vega, vous vous souvenez? L'ex-défenseur de Grasshopper a connu une belle carrière à l'étranger, à Cagliari d'abord puis à Tottenham et au Celtic, avant de connaître une brillante reconversion, comme financier à Londres. RTSsport.ch l'a rencontré dans ses bureaux de la "City".

Le soleil brille sur Londres, Hyde Park invite à la promenade. Non loin de là, dans le quartier de Mayfair - le plus cher du monopoly anglais -, nous retrouvons Ramon Vega. L'ex-défenseur de Grasshopper, Cagliari, Tottenham et du Celtic Glasgow est devenu un financier reconnu de la "City", "l'homme qui vaut un milliard".

L'ex-gamin d'Olten aurait pu prendre la grosse tête. A 41 ans, et après une brillante reconversion, il est le propriétaire du célèbre restaurant Rosalp de Verbier, ainsi qu'un VIP de la capitale anglaise. Il aurait même été invité au mariage princier de William & Kate, en 2011.

Vega est pourtant resté le même, élégant costume et barbe taillée au millimètre exceptés. Il a abandonné un smartphone très actif pendant une heure pour se confier à RTSsport.ch. En toute simplicité.

Avec Tottenham, Ramon Vega a remporté la Coupe de la Ligue, en 1999 face à Leicester. [EQ Images - Robin Parker]
Avec Tottenham, Ramon Vega a remporté la Coupe de la Ligue, en 1999 face à Leicester. [EQ Images - Robin Parker]

RTSsport.ch:

Vous avez connu une brillante carrière de footballeur et, aujourd'hui, vous êtes un financier reconnu à Londres. Un sacré parcours, non?

RAMON VEGA: Cela fait près de 10 ans que je suis dans la finance, depuis la fin de ma carrière à Créteil. J'ai joué dans de grands clubs, et y ai toujours été titulaire! J'ai également porté le maillot de l'équipe de Suisse, joué l'Euro ici en Angleterre en 1996. Oui, je crois pouvoir être fier de ma carrière, surtout que j'étais "juste" un défenseur.

Puis, à un moment, s'est évidemment posée la question de "l'après": je fais quoi, je vais où? Pour un footballeur, c'est le moment le plus difficile. Comment quitter, après 17 ans, ton hobby, ton job? Tu n'as jamais rien fait d'autre et, tout à coup, ça s'arrête et tu dois entamer une nouvelle vie, à 30-35 ans et alors que tu as peut-être une famille.

"J'ai toujours été considéré comme un bosseur"

RTSsport.ch: Allez, 98% des joueurs pensent à leur après-carrière une fois qu'ils sont au bout. Vous, vous y avez pensé dès vos débuts pro, à Grasshopper...

RAMON VEGA: Je suis né en Suisse, mais j'ai le caractère et la culture de mes parents, débarqués en Suisse avec les autres Espagnols à l'époque du général Franco. Mon père et ma mère n'ont jamais rien considéré comme acquis, ont toujours travaillé fort pour obtenir quelque chose. Et moi, j'ai hérité de cette mentalité-là. En tant que footballeur, c'était pareil: j'ai toujours été considéré comme un bosseur. Mais je savais aussi que ma carrière ne durerait pas 30-40 ans, mais seulement 15-20.

Mon après-carrière, j'y ai donc toujours un peu pensé. Ma chance, c'est que GC me proposait de suivre un apprentissage en parallèle. Ce que j'ai fait, dans une grande banque. Ciriaco Sforza et Alain Sutter en avaient fait de même. Aujourd'hui, quand j'y repense, je me dis que c'est la meilleure chose que j'ai faite. Et même si le travail n'est plus le même 17-18 ans plus tard, j'exerce aujourd'hui le métier que j'ai alors appris à Zurich.

RTSsport.ch: Mais à quel moment, véritablement, vous vous êtes dit: "c'est ce que je ferai plus tard, quand j'aurai fini!"?

Ben Curtis
Ramon Vega (no 36) a été prêté 6 mois au Celtic Glasgow, début 2001. Il y remportera 3 titres.

RAMON VEGA:

Ca doit remonter à ma période au Celtic (réd: janvier à juin 2001), ou même un peu avant. Je savais, là, qu'il me restait encore 2-3 ans comme footballeur. Mais on m'avait quand même déjà proposé de m'associer dans une nouvelle société financière, que je rejoindrais pleinement à la fin de ma carrière (2003). Cette société se porte aujourd'hui encore extrêmement bien. Moi, j'ai revendu mes parts en 2007, alors que nous gérions un portefeuille d'environ 2,5 milliards USD. Cette société m'a servi de tremplin. Pour une 1ère expérience après le foot, il n'y avait pas mieux.

RTSsport.ch: Et aujourd'hui, vous êtes à la tête de Vega Swiss Asset Management (VSAM), propriétaire notamment du célèbre restaurant Rosalp, à Verbier...

RAMON VEGA: J'ai commencé de zéro, une année environ après avoir revendu mes parts. J'ai tout construit petit à petit, en faisant les choses parfois un peu différemment. Aujourd'hui, nous sommes environ 10 et gérons des avoirs d'environ un milliard de dollars!

RTSsport.ch: Votre passé de footballeur vous aide-t-il dans votre business?

RAMON VEGA: Nos clients sont en grande partie des institutions, mais nous avons quelques footballeurs parmi nos clients privés. Le foot m'a permis de me créer un réseau, c'est certain.

"La crédibilité, ça peut se perdre en un jour"

RTSsport.ch: Donc, sans le foot, vous n'en seriez peut-être pas là aujourd'hui?

RAMON VEGA: Je pense que si, mais le chemin pour y arriver aurait été très très différent! Mais vous savez, même avec un nom connu, c'est la qualité du produit qui doit suivre. La crédibilité, ça se construit pendant longtemps, mais ça peut se perdre en un jour!

RTSsport.ch: A part le réseau, en quoi le football vous a-t-il aidé?

RAMON VEGA: Le foot m'a appris la discipline et m'a transmis cet instinct de gagneur. Il m'a aussi offert une certaine crédibilité. Puis, évidemment, le fait d'être à Londres, capitale mondiale de la finance, a aidé aussi.

RTSsport.ch: Après moins d'un an à Cagliari, vous signez à Tottenham. Rejoindre Londres, c'était donc déjà un signe?

RAMON VEGA: On pourrait le croire, oui (rires)! Mais en fait, à cette époque, le foot était clairement ma priorité no1. En plus, en signant en Italie, j'avais intégré le championnat réputé pour ses défenseurs. A mon poste, il n'y avait alors pas mieux! Mais voilà, le foot anglais m'attirait. Je sentais que la Premier League prenait de l'importance. D'ailleurs, 2-3 ans plus tard, tout le monde est venu ici! J'ai senti qu'il y avait quelque chose à faire à Londres. Mais uniquement au niveau du foot, à cette époque-là...

Ramon Vega (ici en 2003) est désormais bien établi dans la "City", dans sa nouvelle vie. [Roger Parker]
Ramon Vega (ici en 2003) est désormais bien établi dans la "City", dans sa nouvelle vie. [Roger Parker]

RTSsport.ch:

Aujourd'hui, le foot reste d'actualité pour vous, mais plutôt d'un point de vue business. Il avait été question que vous rachetiez Bologne, puis Portsmouth un peu plus tard...

RAMON VEGA: Bologne, ça a été vite abandonné. Le projet de Portsmouth nous a davantage intéressé, un an avant la faillite du club (réd: 2009). On aurait d'ailleurs pu l'avoir pour presque rien, mais les gens au club espéraient bien trop d'argent...

RTSsport.ch: Vous n'auriez pas voulu aider GC, votre club de coeur, quand il a connu ses différents soucis financiers?

RAMON VEGA: Vous savez, ma vie est au jourd'hui en Angleterre, et je n'ai plus beaucoup de contacts à Zurich. GC m'a beaucoup apporté dans ma carrière, et savoir le club en difficulté m'a vraiment fait de la peine. Mais personne ne s'est jamais approché de moi. Tout le monde sait pourtant où je suis. Racheter un club un jour m'intéresserait vraiment. Mais après, c'est toujours quand, et avec qui?

RTSsport.ch: Les joueurs actuels gagnent des sommes incroyables. Ils n'ont pas for besoin de travailler après, eux...

RAMON VEGA: Oui, ils gagnent plus, c'est certain, mais il faut encore sa voir gérer son patrimoine! Et, n'oublions pas que plus tu gagnes, plus tu dépenses! C'est humain. Ca te prendra peut-être plus de temps pour tout dépenser... Le problème, de nos jours, c'est l'entourage des joueurs. On te conseille de super placements, mais 3-4 ans après, tu n'as plus rien. J'en connais beaucoup dans ce cas-là...

A Londres, Daniel Burkhalter

Publié

"Gagner, c'est important, au football comme au travail"

RTSsport.ch: Aujourd'hui, vous vous rendez encore au stade de Tottenham?

RAMON VEGA: Oui oui, avec mes enfants. Il fallait que je leur montre où papa avait "travaillé". C'était d'ailleurs assez impressionnant car je suis désormais plutôt concentré sur ma nouvelle carrière, je regarde plutôt devant que derrière. Et là, à White Hart Lane, tout est brusquement remonté, mon histoire, ma carrière. J'ai fait ça moi? Parfois, je n'en reviens pas. Puis je vois mes trophées à la maison, et je réalise. Gagner des titres, pour un footballeur, c'est important, où que tu joues. Si tu ne gagnes jamais rien, on te demandera toujours: "mais tu as fait quoi dans ta vie?". Au travail, c'est pareil, tu dois être un gagneur sinon tu n'es que le no2 ou même le no3 dans ton entreprise.

RTSsport.ch: Vous n'avez joué que 6 mois au Celtic alors que vous dites toujours que c'était votre meilleure période...

RAMON VEGA: Je serais bien resté mais ils ne me proposaient qu'un an de contrat. A 30-31 ans, tu veux davantage, question sécurité. J'ai alors signé pour 4 ans à Watford (Division 1), pour y finir tranquillement ma carrière.

RTSsport.ch: Mais le club, lâché par Elton John, s'effondre un an plus tard. Et vous signez alors à Créteil, dans l'anonymat le plus complet!

RAMON VEGA: Watford m'a payé mes 3 dernières saisons, et je pensais alors vraiment arrêter, surtout que j'avais déjà un pied dans la finance. Mais tout arrêter, c'était difficile, et Créteil me proposait un contrat "à la carte" - il ne pouvait pas me payer grand-chose, moins qu'à GC! - pour faire une dernière saison, tranquille. Alors que j'avais bien des libertés, que je ne devais pas être à tous les entraînements, je me suis quand même vite pris au jeu alors que nous étions dans le top-3 en L2 après 6 mois. Et j'étais toujours là à l'entraînement!

Ramon Vega express

Repas préféré: les tapas, ou la cuisine italienne dans son ensemble.

Lieu de vacances favori: la Sardaigne.

Programme TV préféré: Homeland.

Genre de musique: la House music.

Un regret? Quand j'étais à Cagliari, Fabio Capello, alors coach du Real, me voulait. Pour moi, madrilène d'origine, c'était un rêve. Mais il est parti après un an, et mon rêve s'est envolé.

Personne la plus connue de votre répertoire de téléphone: Pfff, il y en a tellement... Quel nom ai-je le droit de donner (rires)? Allez, David Ginola, Boris Becker ou encore l'actrice d'origine suisse Renee Zellweger.