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Sergei Aschwanden: "Il a fallu taper aux portes"

Aschwanden tout sourire, une semaine après s'être remis de l'annonce de sa retraite sportive. C'était en 2008. [Peter Eggimann]
Aschwanden tout sourire, une semaine après s'être remis de l'annonce de sa retraite sportive. C'était en 2008. - [Peter Eggimann]
D'un ippon, il avait fait chavirer la Suisse le 13 août 2008 à Pékin. Avec cette médaille de bronze, Sergeï Aschwanden était devenu le premier judoka suisse à monter sur le podium aux Jeux ainsi qu'en championnat du monde (3e en 2001, 2e en 2003) et d'Europe (1er en 2000/2003, 3e en 2005/2007) avant de prendre sa retraite et de commencer une nouvelle vie. Interview

Le Vaudois de 38 ans, appelé à intervenir sur différents thèmes, dont la reconversion, lors de la Convention internationale des métiers du sport à Lausanne, revient sur son parcours et évoque les défis qui l'attendent, avec le sourire.

"Cela s'est terminé mieux que je le pensais"

RTSsport.ch: Comment se passe cette Convention?

SERGEI ASCHWANDEN: Bien. C'est très intéressant. Je suis amené à participer aujourd'hui à trois tables rondes.

Le Vaudois savoure après avoir décroché le bronze sur les tatamis pékinois. [KEYSTONE - Alessandro Della Bella]

RTSsport.ch:

Dont une sur la reconversion. On l'a dit souvent difficile pour les sportifs de haut niveau. Comment s'est déroulée la vôtre après cette fin de carrière en apothèose aux JO de Pékin?

SERGEI ASCHWANDEN: Assez facilement. Ca s'est bien terminé, mieux que ce que je pensais. Ce qui fait que vous êtes sur un flot positif qui amènent les choses à bien se passer. Mais cela ne s'est pas passé tout seul. Il a fallu aller taper aux portes, chercher du soutien pour avoir la reconversion souhaitée. J'avais commencé un Bachelor en sport à Macolin. J'ai décidé après ma carrière de terminer ma première année. J'ai poursuivi à l'Université de Lausanne pour avoir un diplôme reconnu dans le canton de Vaud, ce qui n'aurait pas été le cas à Macolin.

Après mon Bachelor, j'ai poursuivi avec un Master en management du sport et j'ai complété cela avec une formation à l'IDHEAP (Institut de hautes études en administration publique). J'ai fini mon mémoire en septembre dernier. Il fallait bien après ma carrière que je fasse des études pour avoir des diplômes qui m'ouvrent les portes d'un travail qui m'intéresse.

"Un défi qui me fascine"

RTSsport.ch: Et cela vous a réussi, puisque vous êtes devenu directeur du Centre des Sports à Villars.

SERGEI ASCHWANDEN: J'ai eu de la chance, car j'ai vu l'annonce par hasard et je ne m'attendais pas forcément à avoir ce poste au vu de mon manque d'expérience professionnelle pure.

RTSsport.ch: Comment cela se passe-t-il?

SERGEI ASCHWANDEN:

Très bien. Vous êtes un peu lancé dans l'eau froide et après il faut nager. Il a fallu s'organiser, car il y a seize personnes à gérer, c'est un Centre qui fait un chiffre d'affaires entre 1,5 et 2 millions. Il y a des grosses infrastructures, un projet de rénovation de la piscine.

Aschwanden avait été porté en triomphe lors d'une cérémonie en son honneur après Pékin. [KEYSTONE - Jean-Christophe Bott]

Il y a des gros investissements avec des chiffres que je n'avais jamais vus, hormis pour les gains à la loterie. Ca fait bizarre. Mais je suis heureux d'aller travailler, c'est intéressant. C'est un défi qui me fascine.

RTSsport.ch: A côté de cette fonction, vous travaillez sur nombre de projets, dont celui du judo dans les écoles.

SERGEI ASCHWANDEN: Avec l'association Trako, reconnue d'utilité publique, on essaie d'éduquer les enfants au travers du sport, du judo. Pour certains, le judo est intégré au cursus scolaire, pour d'autres c'est facultatif. On est implanté sur Genève et Vaud. A Genève, près de 700 enfants font du judo une fois par semaine à l'école. Il faut savoir que c'est un projet unique au monde et nous sommes très fiers de ces collaborations avec les autorités locales.

"Vivre une aventure"

RTSsport.ch: A ce projet, s'ajoute l'organisation de camps pour les enfants, dont un soutenu par le CIO. C'est important pour vous de transmettre aux jeunes?

SERGEI ASCHWANDEN: On en parlait justement ce matin (mercredi 7 mai) lors d'une table ronde sur la responsabilité sociale des entreprises, en lien avec l'éducation à travers le sport. C'est important d'expliquer les valeurs du sport, mais cela ne suffit pas. Il faut les mettre en pratique pour permettre aux enfants de les intégrer. La première étape c'est à l'école. La deuxième étape consiste à offrir l'occasion aux enfants de vivre une aventure, tant pour ceux qui se destinent au haut niveau, avec des camps comme vous l'avez vu soutenus par le CIO et encore la Fédération internationale de judo, que pour les autres.

Confronter les cultures, amener les échanges, la découverte autour du judo, c'est une magnifique aventure pour les futurs judokas. L'idée est la même pour ceux qui pratiquent le judo comme un loisir en accueillant des enfants valides et invalides.

Sergeï et son épouse Sonja lors de la soirée d'aide sportive en mai 2013. [KEYSTONE - Sandro Campardo]

Nous avons organisé avec la fondation Sport-Up un camp durant les vacances de Pâques. C'était incroyablement enrichissant, un énorme plaisir.

"La chance d'avoir une femme qui me soutient"

RTSsport.ch: Petite question impertinente. Il vous reste du temps pour votre famille avec ce programme très chargé?

SERGEI ASCHWANDEN: Oui, il me reste du temps (rires). Il faut être bien organisé. Ma famille est présente durant les camps. Il est vrai que mon métier me prend du temps, mais j'essaie de passer du temps avec ma fille (il sera père pour la deuxième fois dans un peu moins d'un mois). J'ai aussi la chance d'avoir une femme qui me soutient dans mes projets, y adhère. Sinon, ce ne serait tout simplement pas possible de pouvoir faire tout cela.

RTSsport.ch: Revenons au judo plus précisément. Quel regard portez-vous sur le niveau suisse actuel après les Européens plutôt décevants de Montpellier (avril)?

SERGEI ASCHWANDEN: Il y a deux aspects. Au niveau global, nous avons une bonne Fédération qui a beaucoup de potentiel, mais celui-ci n'est pas pleinement exploité. Il en va de même pour le sport d'élite. Il y a des jeunes et des athlètes confirmés qui ont un excellent niveau et qui ont fait leurs preuves. Il manque cependant de la régularité dans les résultats. Il faut optimiser ce qui existe pour atteindre cette régularité pour éviter d'avoir des pics avec certains athlètes, puis des traversées du désert, ce que le judo suisse a déjà connu par le passé. Il y a d'excellentes choses qui existent, comme les centres régionaux de performance. Mais il y a un gros problème de fond qui a toujours été là: le manque d'argent. Certains judokas, pas tous, j'insiste là-dessus, doivent financer eux-mêmes leurs déplacements, ce qui pose des difficultés.

Propos recueillis par Ludovic Perruchoud

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Candidat à la présidence de la FSJ

RTSsport.ch: Vous êtes candidat à la présidence de la Fédération suisse de judo et de jujitsu, dont l'élection se tiendra le 17 mai ("opposé" à Daniel Kistler et Nico Oana). Vous êtes confiant?
SERGEI ASCHWANDEN: Oui, je crois en mes projets. Je pense que cela sera serré. Nous voulons tous la même chose, mais les moyens d'y arriver diffèrent.

RTSsport.ch: Vous avez été candidat à la Commission des athlètes du CIO, vous l'êtes pour ces élections de la Fédération suisse. Est-ce que c'est un premier pas vers la politique?
SERGEI ASCHWANDEN: Vous m'auriez posé la question il y a dix ans, je vous aurais dit "jamais" sans aucun doute (rires). Mais mes expériences (il a été consultant et stagiaire au CIO) m'ont appris que la composante politique a un énorme impact sur la mise en place des structures. Si on veut faire bouger les choses, la critique est trop facile, il faut proposer, essayer de changer les choses. Oui, on peut dire que c'est un premier pas dans la politique du sport.

"Mettre en place des synergies"

RTSsport.ch: Si l'on quitte le cadre du judo, qu'on s'intéresse aux sports de combat en général. On a récemment fêté une médaille d'or européenne en karaté avec Fanny Clavien, une autre en taekwondo avec Nina Kläy. Est-ce qu'il s'agit du bénéfice d'une progression commune ou au contraire chaque Fédération agit plutôt de son côté?
SERGEI ASCHWANDEN
: C'est un des points à améliorer. Sans les connaître en profondeur, les autres Fédérations ont très certainement les mêmes problèmes que nous. Les soucis financiers, ceux concernant les structures et les infrastructures. Si on arrivait à mettre en place des synergies, il en ressortirait sans aucun doute de bonnes choses. Aujourd'hui, dans les sports de combat ou arts martiaux, on n'a pas assez de ces échanges qui pourraient être bénéfiques à tout le monde.