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Marc Maury est la voix du meeting

Marc Maury donnera de la voix jeudi soir à la Pontaise. [F.Galaud]
Marc Maury donnera de la voix jeudi soir à la Pontaise. - [F.Galaud]
Si son visage ne vous dit peut-être rien, sa voix, elle, résonne dans les plus grandes arènes sportives, que ce soit du côté de Roland-Garros ou de Paris-Bercy. Depuis près de 12 ans, le Français Marc Maury fait également vibrer le public d’Athletissima. Quelques heures avant d’animer la 40e édition du meeting lausannois, l’ancien décathlonien, véritable amoureux de sport, a rencontré RTSsport.ch à son hôtel, en toute décontraction.

RTSsport.ch: Professeur d'éducation physique, comédien, consultant, mannequin et enfin speaker sur de nombreux événements sportifs, vous êtes un vrai touche-à-tout…

MARC MAURY: Oui j’ai un parcours assez éclectique. Au départ, j’étais professeur d’éducation physique. Puis, j’ai eu envie de prendre des cours d’art dramatique. Et pour les payer, je me suis lancé dans le mannequinat. J’ai tourné ensuite quelques pubs et joué dans des films de Jean-Pierre Mocky et Cédric Klapisch. J’ai enchaîné les films pendant 6 ans et après le dernier, j’ai laissé tomber la comédie afin de m’orienter vers le sport en tant que commentateur et consultant.

RTSsport.ch: Et comment êtes-vous passé de consultant à speaker?

MARC MAURY: En 1983, alors que je participais aux championnats de France de décathlon, je me suis blessé sur la deuxième épreuve lors du saut en longueur. L’entraîneur national m’a alors proposé de prendre le micro pour commenter le concours pendant deux jours. Tout le monde a apprécié. J’ai  donc décidé de poursuivre dans cette voie en parallèle de ma carrière d’athlète. Puis, tout s’est vite enchaîné: j’ai travaillé dans différents meetings et lors des championnats du monde à Rome en 1987. Mais au départ je ne pensais pas en faire un métier. D’ailleurs, on n’est pas nombreux en France à pouvoir en vivre.

"Lausanne, un public de connaisseurs"

RTSsport.ch: Vous avez donné de la voix lors de différents événements sportifs en France. Comment êtes-vous arrivé à Lausanne?

MARC MAURY: La première fois que je suis venu à Lausanne, c’était en 1988. J’accompagnais mon ex-femme Maryse Éwanjé-Épée (ndlr : médaillée d'argent du saut en hauteur aux championnats d'Europe en salle 1985) qui participait au meeting. J’ai officié ensuite en tant que commentateur et consultant sur deux chaînes françaises. Lorsque cela s’est arrêté, Jacky (ndlr : Delapierre) m’a proposé de venir travailler sur le terrain. Et cela fait maintenant douze ans que j’officie pour le meeting de Lausanne. Trois ans plus tard, j’ai fait venir mon collègue Christian Charbonnel avec lequel je travaille en liaison étroite lors d’Athletissima. C’est important d’être les deux. Nous sommes très complémentaires. Je suis plus dans l’animation et lui, la présentation.

RTSsport.ch: Justement, comment est-ce que l’on anime une telle soirée?

MARC MAURY: On raconte une histoire au public et on essaie de le maintenir dans le feu de l’action. C’est une vraie continuité malgré l’enchaînement des épreuves. On a un lien avec les spectateurs. On a besoin d’eux dès le début. C’est important de maintenir le public sous pression car les athlètes, eux, le sont. On essaie d’aller crescendo vers un feu d’artifice de performances.

RTSsport.ch: Le public lausannois est-il réceptif à vos paroles?

MARC MAURY: C’est un public bon enfant, sympa et de connaisseurs. Je pense qu’il y a toute une population qui revient chaque année. Les gens sont fidèles même si ils ne sont pas au fait de tout ce qui se passe dans l’athlétisme, on va les aider à se remémorer tout ça.

RTSsport.ch: Vous devez connaître l’athlétisme sur le bout des doigts…

MARC MAURY: Oui, il faut avoir des connaissances générales mais cela s’entraîne. Je suis un boulimique d’informations et j’en prends un maximum. Je lis énormément et suis abonné à un grand nombre de site de statistiques. Par contre, je ne vais pas les recracher. J’essaie de faire à ma sauce. On essaie de rendre simple un sport complexe. Le but est d’orienter le public afin qu’il voie par exemple le sauteur et le lanceur avant qu’il ne s’élance. Sinon, c’est trop tard (sourire).

RTSsport.ch: Pour être certain de ne rien oublier, avez-vous des fiches durant le meeting ?

MARC MAURY: On a des pense-bêtes qui permettent d’avoir un maximum d’informations sur chaque athlète. Il y a toute une partie lecture et surlignage. Au final, on ne va ressortir que 10% des textes que l’on a préparés. On va évoquer les performances sportives  et les rivalités entre les athlètes. On va jouer sur les petites piques qu’ils se lancent parfois lors des conférences de presse. Le but est de valoriser le sportif et le mettre dans la situation la plus confortable possible.

RTSsport.ch: Avez-vous déjà été confronté à des plaintes de sportifs?

MARC MAURY: Certains sont venus me voir pour me dire que le texte ne leur avait pas convenu. Mais c’est assez rare. Souvent ce sont les Français. Parce qu’ils comprennent les textes contrairement aux sportifs qui ne parlent pas la langue.

"Important de garder le rythme"

RTSsport.ch: Lorsqu’on anime un événements sportifs, a-t-on peur d’avoir des blancs?

MARC MAURY: A la différence de la présentation, lorsqu’on est animateur, il faut parfois savoir se taire. Le rythme nécessite qu’on ne parle pas tout le temps. En athlétisme, si on veut que les gens regardent à un endroit précis, il faut qu’on leur amène l’information avant. Il faut garder le bon rythme. Il faut faire vite pour annoncer les événements avant qu’ils ne se produisent. C’est une question de timing. On est sur quelque chose qui doit être réglé mais qui est aussi dans l’improvisation. Car pour ne pas perdre le public, il ne faut pas qu’on soit perdu. Et avoir le bon timing s'acquiert par l’expérience.

RTSsport.ch: Avez-vous le temps de vibrer aux exploits?

MARC MAURY: Oui. Quand on est dans le bon rythme, on vibre avec eux. Mais il faut vite repasser à autre chose. On a eu des records à Lausanne mais il ne faut pas oublier que derrière un record, il y a une épreuve. Si on se décale, on met tout le monde en retard. On a le temps de savourer mais c’est court.

RTSsport.ch: Quelle est votre journée type?

MARC MAURY: On a une réunion à 7h30 le matin du meeting, ensuite on refait un point sur l’organisation. Vers 16h30 on monte au stade pour faire des essais. Et dès 17h45, on est au stade, prêt pour la soirée. Puis, on ressort de là, à 1h du matin et là, c’est impossible de dormir. On est dans l’excitation comme tout le monde et on met du temps pour relâcher la pression.

"Avec Bolt, on s'envoie des textos"

RTSsport.ch: Qu’est-ce qui vous plaît tant dans ce métier?

MARC MAURY: C’est le contact avec le public. J’adore ça. On me met devant un public de 80'000 personnes, je suis heureux. C’est un vrai plaisir. Ce qui me plaît c’est de voir la réaction positive du public. Lorsque je me lève le matin, je suis content d’aller travailler. Je pense que tout le monde ne peut pas en dire autant. C’est un privilège de faire ce que l’on aime.

RTSsport.ch: Comment sont vos relations avec les athlètes?

MARC MAURY: Très bonnes. Je suis quelqu’un d’assez empathique. Sans être naïf, je veux faire confiance au genre humain. Je pars du principe que par nature l’homme est bon. J’ai été dans le milieu donc je sais ce qu’il en coûte pour réaliser une performance. On suit le circuit et on les voit très souvent. Je m’entends bien avec la plupart des athlètes francophones. Mais avec des stars internationales également. Avec Sanya Richards (ndlr: athlète américaine spécialiste du 400 mètres, quadruple championne olympique), on s’appelle souvent et avec Usain Bolt on s’envoie des textos. On a une relation privilégiée qui s’entretient au fur et à mesure des événements.

RTSsport.ch: Votre voix est votre outil de travail. Vous en prenez soin?

MARC MAURY: J’ai du bon miel, c’est primordial. Mais il faut faire attention aux coups de froid. Ce qui est le plus dur, c’est la climatisation dans les hôtels et les différences de température avec l’extérieur. Mais en 35 ans, je n’ai pas eu beaucoup de problèmes (sourire).

Lausanne, Floriane Galaud - @FlorianeGalaud

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