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Réforme des retraites: les exemples tendancieux qui brouillent le débat

La campagne sur la réforme des retraites amène chaque camp à prendre les exemples qui servent le plus leur propos. Certains sont parfois caricaturaux. Réagissant à l'exemple de Christian Lüscher dans Infrarouge, Alain Berset s'est trompé.

L'EXEMPLE D'ALAIN BERSET

Pour vanter les mérites de sa réforme dans l'émission Infrarouge, Alain Berset a donné l'exemple d'une femme, avec deux enfants, qui cumule deux emplois à 50% pour un salaire annuel de 51'000 francs. "Avec la réforme, elle pourrait continuer à partir à la retraite à 64 ans, en anticipant d'une année, et elle aurait presque 2000 francs de rente de plus par année par rapport à la situation actuelle", a souligné le conseiller fédéral socialiste.

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L'exemple donné par Alain Berset
L'exemple donné par Alain Berset / Info en vidéos / 56 sec. / le 1 septembre 2017

Un profil pas choisi au hasard

En Suisse, seule une femme sur dix cumule plusieurs emplois. En outre, "ce type de profil est particulièrement désavantagé dans le système actuel", relève Giuliano Bonoli, professeur de politique sociale à l'IDHEAP. Avec ses deux emplois à 50%, cette femme "subit" deux fois la déduction de coordination, ce qui a pour effet de réduire ses rentes.

Si cette femme n'avait qu'un seul travail à 100%, la différence entre la situation actuelle et celle avec la Prévoyance 2020 serait cette fois de 193 francs... en sa défaveur, selon les calculs de l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS).

L'exemple donné par Alain Berset n'est pas faux, mais il s'agit d'un cas spécifique et guère représentatif.

L'EXEMPLE DE CHRISTIAN LÜSCHER

La réforme Prévoyance 2020 favorise la génération 45-64 ans, a affirmé quant à lui Christian Lüscher (PLR/GE), en comparant deux cas: un couple marié de 63 ans face à un autre de 65 ans, qui est déjà à la retraite. S'ils vivent tous jusqu'à 85 ans, "cela fait une différence de 55'000 francs en faveur du couple de 63 ans".

Le conseiller national pointe la hausse de la rente AVS (1er pilier) pour les couples mariés prévue par la réforme. Elle s'élève à 226 francs par mois. Multipliée par 12 mois et par 20 ans, cela donne effectivement 54'240 francs.

"L'exemple est faux, il est partiel", a répondu en direct le conseiller fédéral Alain Berset. "Le couple déjà à la retraite ne bénéficiera pas des 226 francs, mais il aura des rentes du 2e pilier qui sont garanties à un niveau beaucoup plus élevé", a-t-il ajouté. Or ce n'est pas le cas.

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L'exemple donné par Christian Lüscher
L'exemple donné par Christian Lüscher / Info en vidéos / 1 min. / le 1 septembre 2017

Alain Berset "n'a pas compris"

La réforme prévoit de baisser le taux de conversion du 2e pilier, diminuant ainsi les rentes de ceux qui arriveront à la retraite après l'entrée en vigueur de la loi. Mais, pour la génération 45-64 ans, qui représente 29% de la population, un fonds de garantie prévoit le maintien du niveau des rentes. Contrairement à ce qu'affirme Alain Berset, le couple de 65 ans ne bénéficiera donc pas de rentes du 2e pilier d'un "niveau beaucoup plus élevé".

"La phrase [prononcée par Alain Berset] est fausse", a reconnu lundi Nicole Lamon, cheffe de la communication du Département fédéral de l'intérieur (DFI). La porte-parole assure qu'Alain Berset "n'a pas compris" l'exemple de Christian Lüscher. Elle maintient cependant que ce cas est "partiel", car "il ne prend pas en compte la perte de rente AVS d'une année des femmes" qu'induit le relèvement de l'âge de départ à la retraite de 64 à 65 ans. Cette perte pourrait atteindre 24'000 francs.

En résumé, "chaque exemple a été choisi exprès pour aller dans le sens de l'argumentaire développé", conclut le professeur de l'IDHEAP, Giuliano Bonoli.

Théo Allegrezza et Valentin Tombez

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