Bonjour la Suisse, parcours d'étrangers

Grand Format

Introduction

Chaque année, plus de 100'000 étrangers s'installent en Suisse. Pour le feuilleton documentaire "Bonjour la Suisse", diffusé cet été, la RTS a passé un an avec quatre familles venues de Syrie, de France, d'Inde et du Portugal.

Le choix de partir

Lisa, divorcée, la cinquantaine, a quitté le Portugal pour un emploi dans un EMS des Grisons. La moitié de son salaire est envoyée à sa mère, âgée, et à ses fils, l'un au chômage, l'autre étudiant. La famille al-Sheikh, réfugiée au Tessin après un long périple à travers la Méditerranée, a laissé derrière elle Homs et la Syrie en guerre.

Jeune couple français, Fabien et Julie ont choisi Neuchâtel pour sa qualité de vie et les conditions de travail offertes par la Suisse. Quant à Rahul et Megha, ainsi que leur petite fille de 3 ans, ils quittent non sans mal leur vie confortable à New Dehli pour Zurich pour tenter une nouvelle aventure, professionnelle, et familiale.

L'étranger, au coeur des débats politiques

Au-delà de leurs parcours individuels, tous incarnent à leur façon cette population "étrangère" qui, en Suisse, est au coeur des débats politiques depuis des décennies.

Leur façon d'appréhender leur terre d'accueil, de s'y adapter et d'en parler en dit long sur la Suisse d'aujourd'hui, où un quart de la population ne possède pas le passeport rouge à croix blance et où chaque année des dizaines de milliers de personnes du monde entier s'installent (lire les chiffres ci-dessous).

>> Voir l'épisode 1: "Vers l'inconnu et au-delà" :

2017. Bonjour la Suisse. Vers l'inconnu et au-delà.
Le doc feuilleton - Publié le 30 juin 2017

Qui sont les étrangers en Suisse?

La Suisse est l'un des pays qui compte la plus forte proportion d'étrangers (24,6% en 2015) sur son territoire. Or plus de 80% de cette population vient de pays européens. Les ressortissants d'Allemagne, d'Italie, du Portugal et de France constituent à eux seuls près de la moitié des étrangers résidant en Suisse.

Ce taux élevé d'immigrés fait régulièrement l'objet de votations cherchant à le réguler. Le 9 février 2014, les électeurs ont ainsi approuvé à une courte majorité une initiative populaire demandant un contrôle plus strict de l'immigration européenne.

Ce contexte associé à une situation plus tendue sur le marché du travail suisse explique en partie le repli du solde migratoire enregistré en 2016 (lire ci-dessous). Elle a aussi entraîné une hausse des demandes de naturalisation.

En 2016,42'974 personnes ont obtenu le passeport rouge à croix blanche, dont 32'155 dans le cadre d'une procédure ordinaire.

L'immigration en baisse depuis trois ans

En 2016, pour la troisième année consécutive, l'immigration étrangère en Suisse était à la baisse. En 2016, le solde migratoire s'affichait à 60'262 habitants en 2016, soit 15% de moins qu'en 2015, selon le Rapport sur la migration 2016. Cela s'explique par la baisse continue des entrées sur le territoire et de l'augmentation des départs.

Au total, la Suisse a toutefois attiré 100'217 résidents issus de pays de l'UE/AELE, pour 58'042 départs enregistrés sur la même période.

Asile accordé à près de 6000 personnes

Enfin, 5985 personnes ont obtenu l'asile et 7369 une admission provisoire alors que 3750 requérants ont été transférés vers un autre Etat Dublin.

A noter, dans le même temps, 662 réfugiés syriens ont été réinstallés en Suisse et 368 requérants accueillis dans le cadre du programme européen de relocalisation.

Au total, 27'207 demandes d'asiles avaient été déposées.

L'exil, entre rêves et réalités

Derrière les statistiques, la réalité. Car avant de partir, il faut renoncer à sa vie actuelle pour effectuer un saut dans l'inconnu dans des conditions qui varient selon qu'on fuit une guerre ou qu'on est muté par son entreprise.

Visiblement tendu au moment des derniers préparatifs avant de quitter New Dehli pour Zurich, Rahul doit dire au revoir à ses proches et faire face au départ, seul, avant d'être rejoint quelques semaines plus tard par son épouse et sa fille de 3 ans. Quant à ceux qui sont déjà sur place, comme Lisa, c'est plutôt la solitude qui pèse sur ses épaules et la distance avec ses proches dont sa mère, âgée, qui aurait besoin d'elle.

Pour ceux dont l'arrivée en Suisse n'a pas été guidée par un choix économique, l'immigration représente d'autres enjeux. Comment en effet fêter le Ramadan loin de son pays et dans un canton qui vient d'interdire la burqa?

>> Voir l'épisode 2: "Rêves et réalités" :

2017. Bonjour la Suisse 2
Le doc feuilleton - Publié le 7 juillet 2017

Le travail, principale motivation

C'est avant tout pour des raisons professionnelles que les migrants choisissent de s'installer en Suisse, confirme "Migration-Mobility Survey", une étude menée par l'Université de Genève dont des résultats préliminaires ont été publiés le 24 juillet.

Questionnés sur leurs motivations, près des deux tiers (62%) des 6000 personnes interrogées -et arrivées en Suisse depuis 2006- ont invoqué des raisons professionnelles.

Variation selon les pays

Les scientifiques relèvent toutefois de fortes variations selon les pays: alors que cette part dépasse 65% des citoyens du Royaume-Uni ou des pays voisins de la Suisse, elle est inférieure à 60% pour les personnes d’Espagne, du Portugal, d’Amérique du Nord et d’Inde.

Seuls 20% environ des migrants d’Afrique de l’Ouest et d’Amérique du Sud ont affirmé que leur immigration était motivée par des facteurs professionnels. Pour eux, la famille représente l’une des principales raisons citées (65%).

Niveau de satisfaction élevé

Près de 70% des personnes interrogées ont associé l'immigration en Suisse à une amélioration de leur situation professionnelle. Seuls 12% ont estimé qu'elle était meilleure auparavant.

Des différences importantes sont observées en fonction de l’origine. Pour plus de 75% des immigrants d’Europe du Sud, la situation s’est améliorée, alors que l’amélioration est moins prononcée pour les personnes d’Amérique du Nord et du Sud, ainsi que du Royaume-Uni (60%).

En outre, la situation se dégrade plus souvent pour les femmes (15%) que pour les hommes (10%). Pour les personnes originaires d’Inde, l'amélioration de la situation professionnelle concerne essentiellement les hommes (ats).

Allers et retours

Entre solitude, différences culturelles, découverte et aisance économique, l'arrivée en Suisses réserve bien des émotions à ceux qui y déposent leurs cartons. A Zurich, Rahul, habitué en Inde à vivre avec sa famille chez ses propres parents, fait ses premiers pas et doit s'organiser seul dans sa vie quotidienne tandis qu'à Neuchâtel, les Français Julie et Fabien découvrent la vie de pendulaires.

Pour les deux adolescentes syriennes, l'immigration rime aussi avec une émancipation favorisée par les coutumes suisses et la tolérance de leurs parents. Sans voiles, elles découvrent les joies des colonies de vacances et de la montagne...

>> Voir l'épisode 3: "Allers et retours" :

2017. Bonjour la Suisse 2
Le doc feuilleton - Publié le 14 juillet 2017

>> Voir l'épisode 4: "Petits ajustements" :

2017. Bonjour la Suisse 2 [RTS/CHRISTIN Philippe - Philippe Christin]
Le doc feuilleton - Publié le 21 juillet 2017

L'heure du bilan

"Le migrant est parti, il peut repartir", observe le sociologue Sandro Cattacin (lire l'interview ci-dessous). Et les quatre familles suivies pendant un an n'échappent pas à cette question. Resteront-ils en Suisse?

Si un quart de la population résidant en Suisse ne possède pas la nationalité du pays, des données citées par Swissinfo indiquent que quinze ans après leur arrivée (en 1998), plus de 80% des ressortissants du Japon, des Etats-Unis ou encore de Chine avait quitté la Suisse, dont la moitié dans les deux ans qui ont suivi leur installation.

Quant aux migrants provenant des pays voisins de la Suisse (Italie, France, Allemagne et Autriche), 60% d'entre eux étaient repartis en 2013.

>> Voir l'épisode 5: "L'heure du bilan" :

Le doc des fêtes
Le doc feuilleton - Publié le 28 juillet 2017

"La migration n'est pas forcément associée à un traumatisme"

Alors que jusque dans les années 1970 une vision misérabiliste de la migration prévalait, les caractéristiques individuelles qui conduisent à s'exiler sont désormais mises en avant par certains chercheurs.

"Dans les études menées en Suisse, l'idée du traumatisme du déracinement était bien présente", rappelle à la RTS Sandro Cattacin, sociologue à l'Université de Genève.

Face à une même situation, certains choisissent de partir, d'autres pas. Pourquoi?

Sandro Cattacin, sociologue

"Si certains décident de partir, c'est qu'ils ont une motivation plus grande à se mettre en mouvement, peut-être parce qu'ils ont des qualités que les autres n'ont pas, qu'ils sont plus débrouilles par exemple".

Pour le sociologue, ce qui devient étranger, ce sont plutôt les gens qui ne bougent pas alors que la mobilité est de plus en plus requise, notamment dans les carrières professionnelles.

La migration n'est plus un choix définitif

Tenu par une dette morale à l'égard de son pays d'origine, le migrant fait face à un travail continuel d'adaptation de sa propre identité.

"Il fait des choix entre des choses qu'il aime dans son pays d'accueil, et d'autres un peu moins. C'est ce qu'on appelle l'inclusion différenciée", relève Sandro Cattacin.

Sandro Cattacin, spécialiste de l’intégration. [Keystone - Lukas Lehmann]
Sandro Cattacin. [Keystone - Lukas Lehmann]

Une personne peut aimer le chocolat et pas la fondue, cela ne veut pas dire qu'elle est mal intégrée en Suisse

Sandro Cattacin, sociologue

"Les politiques publiques reposent encore trop souvent sur une volonté d'assimilation. Or c'est faux de considérer que les gens ne s'assimilent pas à cause de leur culture", relève-t-il. Et de donner un exemple: "Une même personne peut aimer le chocolat mais pas la fondue, cela ne veut pas dire qu'elle est mal intégrée en Suisse". En revanche, le migrant a l'avantage de toujours pouvoir se référer à sa culture d'origine alors que le local doit toujours justifier ses choix.

"Par sa présence, il amène une force à nos sociétés auxquelles il offre de nouvelles options", estime Sandro Cattacin qui souligne toutefois que la migration n'est plus un choix définitif. "Le migrant est parti, il peut repartir".

"Nous avons voulu mettre des visages sur les statistiques"

"En Suisse, le thème de l'immigration a toujours été sensible et suscite toujours des débats virulents. Avec 'Bonjour la Suisse', nous avons voulu mettre des visages sur les statistiques pour mieux comprendre l'attirance que notre pays exerce dans le monde entier", explique Gaspard Lamunière, le producteur de la série documentaire "Bonjour la Suisse - saison 2", dans l'émission Interface.

"Même si on est Suisse, de voir cela à travers des yeux d'étrangers, cela apporte un point de vue très intéressant", relève pour sa part Natalie Rufer, chef de projet à l'unité documentaires de SRF.

Davantage de diversité sociale

Deux ans après la première saison, l'accent a été mis sur une plus grande diversité sociale, et deux des quatre familles suivies étaient déjà installées en Suisse au moment du tournage.

>> Retour sur la fabrication des cinq épisodes :

Décryptage - Bonjour la Suisse, ou comment se prépare la série qui fait la part belle aux arrivants dans notre pays
Interface - Publié le 24 juin 2017

Crédits

Réalisation web: Juliette Galeazzi

RTSinfo / Unité des documentaires TV

Radio Télévision Suisse - 2017