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Percer deux tubes au Lötschberg, 4 fois plus cher aujourd'hui qu'en 2002

Infrarouge: Adolph Ogi regrette que la Suisse n’ait pas construit un second tube au Lötschberg
Percer deux tubes au Lötschberg, quatre fois plus cher aujourd'hui qu'en 2002 / 19h30 / 2 min. / le 30 mai 2016
Inauguré en 2007, le tunnel de base du Lötschberg est déjà saturé et un projet de second tube est en discussion, mais il coûtera plus d'un milliard, quatre fois plus que s'il avait été percé il y a 15 ans, a appris la RTS.

Au moment où son voisin du Gothard est inauguré, le tunnel du Lötschberg, qui relie les cantons de Berne et du Valais, revient dans les priorités politiques. Le lobbyisme pour aménager un second tube ferroviaire a déjà débuté au Parlement.

Pour ceux qui soutiennent ce projet, la compagnie BLS en premier lieu, seul l'aménagement complet de deux tubes sur l'intégralité du trajet entre Frutigen (BE) et Viège (VS) peut répondre à la demande croissante sur ce tronçon. Sur les 34,6 kilomètres du tunnel de base, la deuxième galerie est déjà utilisée par les trains sur 14 km et elle est percée sur 14 autres km, mais reste à l'état brut non utilisable. Le reste, à savoir 7 km, n'est pas foré.

Le tunnel de base du Lötschberg avec en vert traitillé les tronçons percés mais non utilisables et en rouge traitillé le tronçon non percé. [BLS]

350 millions ou 1,4 milliard

Pour cette nouvelle étape, la question du coût est évidemment en première ligne, avec des regrets quant aux décisions prises par le passé. L'émission de la RTS Les coulisses de l'événement a interrogé Michel Béguelin, ex-conseiller national (PS/VD), sur l'étape décisive du percement il y a 15 ans. Alors membre du conseil d'administration d'Alptransit, il avait reçu une offre de l'entreprise qui était en train de percer le tunnel de base: il restait moins de 10 kilomètres à la machine déjà dans la montagne pour percer entièrement le second tube, le tout pour un coût avoisinant 90 millions de francs.

BLS s'est alors tourné vers le Conseil fédéral pour qu'il tranche. Via l'Office fédéral des transports, les autorités suisses ont refusé en 2002 cette proposition en se fondant sur des arguments financiers et politiques. Berne et le Valais ont ensuite essayé en vain d'infléchir cette position. "Aujourd'hui, ça fait mal, je le regrette", confie l'ex-conseiller fédéral Adolf Ogi dans Les coulisses de l'événement, ajoutant toutefois que les critiques auraient été nombreuses si la décision avait été de dire oui.

Ces 90 millions ne couvraient que le coût du percement de l'ouvrage. Avec l'aménagement, on arrivait à environ 350 millions, selon un chiffre avancé par Adolf Ogi. Il en coûterait aujourd'hui 1,4 milliard pour réaliser un deuxième tube sur tout le tronçon, avec percement et aménagement, selon une étude commandée par BLS, soit quatre fois plus. Et ce chiffre pourrait encore croître jusqu'au début des travaux, qui n'interviendront pas avant l'horizon 2025-2030.

L'infrastructure était là, on aurait pu le faire pour 350 millions. On ne l'a pas fait, je le regrette, mais on n'a pas lâché le Lötschberg.

Adolf Ogi
Les parcours de l'ancien tunnel du Lötschberg et du tunnel de base avec l'amélioration des temps de parcours. [swissinfo]

>> Le sujet complet sera diffusé mercredi 1er juin l'émission spéciale consacrée au Gothard à 20h15 sur RTS Un.

Raphaël Guillet et Frédéric Boillat

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Un tunnel de base saturé

Reliant Frutigen (BE) à Viège (VS) et long de 34,6 km, le tunnel de base du Lötschberg a été inauguré le 15 juin 2007 après 13 ans de travaux. Il est surplombé par un autre tunnel, le tunnel de faîte, entre Kandersteg (BE) et Goppenstein (VS), mis en service en 1913 sur 14,6 km.

Actuellement, une moyenne de 50 trains de passagers et 40 trains cargos empruntent le tunnel de base chaque jour, soit environ 80% de sa capacité. Le tunnel de faîte absorbe quotidiennement une vingtaine de trains de marchandises et une trentaine de trains de passagers et de transport de voitures. Les deux ouvrages sont donc proches de leurs limites de capacité.

L'ouverture du nouveau Gothard ne devrait pas inverser la tendance, selon les experts. D'une part, parce que la totalité de l'axe Gothard-Milan, via le tunnel du Ceneri, ne sera ouverte qu'en 2020. Et d'autre part parce que l'axe Lötschberg-Simplon reste la route la plus courte pour de nombreuses destinations en Italie, surtout depuis la Suisse romande.

C'est pourquoi le lobby du Lötschberg milite pour un deuxième tube, car c'est le seul moyen à ses yeux de répondre à la saturation. Il permettra d'introduire une cadence à la demi-heure entre Viège et Berne, ce qui est impossible aujourd'hui, car le tube est à voie unique sur 21 des 34 km, empêchant tout accroissement du trafic.

Un lobby en campagne

Le Comité Lötschberg, qui regroupe des représentants des plusieurs cantons, dont le Valais, Berne, Neuchâtel, Fribourg et Bâle, a commencé à peaufiner ses arguments pour convaincre le Conseil fédéral et le Parlement de financer le projet de second tube. La compagnie BLS, qui exploite le tunnel, milite pour la même cause.

Pour l'heure, la bataille vise à faire entrer cet ouvrage dans le paquet 2030 des projets ferroviaires, où la concurrence est rude.

Le premier défi sera de faire parler la Suisse romande d'une seule voix en liant notamment le développement de l'Arc lémanique, la liaison Haut-Bas du canton de Neuchâtel et le tunnel de base du Lötschberg.

Les premières décisions politiques ne sont toutefois pas attendues avant fin 2018.