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La chasse aux écharpes de luxe en laine shahtoosh s'organise en Suisse

L'antilope du Tibet, dont est issue la laine shahtoosh, vit sur les hauts plateaux tibétains, jusqu'à 5000 mètres d'altitude. [Liu Kun / XINHUA]
Trafic animal / Mise au point / 11 min. / le 20 mars 2016
Plus de 70 châles en laine d'antilopes du Tibet, une espèce menacée d'extinction, ont été interceptés par les douanes en 2015. Un chiffre en hausse, qui révèle un trafic illégal, contre lequel la Suisse se mobilise.

Aussi appelée reine des laines, la laine dite "shahtoosh" a la réputation d'être la plus douce du monde. Et elle vaut son pesant d'or: un châle vaut entre 5000 et 20'000 francs selon la pureté de la laine. Mais il y a un hic, cette antilope dont l'espèce, protégée, est en voie d'extinction.

Or, deux à cinq de ces animaux sauvages et craintifs doivent être tuées pour fabriquer une écharpe en laine dite "shahtoosh". "Cela représente 280 animaux pour les châles saisis en 2015", précisait mardi dans un communiqué l'Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV) qui tire la sonnette d'alarme face à la recrudescence du nombre de châles saisis en Suisse.

Une clientèle en Suisse

Même s'ils ne représentent que la pointe de l'iceberg de ce commerce illégal international, les coups de filet effectués par les douanes prouvent l'existence en Suisse d'un marché pour ces écharpes de luxe, considère l'OSAV.

Ces produits sont très prisés par une clientèle internationale huppée, qui ignore souvent que le "shahtoosh" est interdit. L'été dernier, par exemple, les douaniers suisses ont arrêté Nassef Sawiris, le frère de l'investisseur égyptien qui a lancé un projet hôtelier à Andermatt, dans le canton d'Uri.

Des contrôles resserrés

Face à l'intensification des saisies, grâce à des contrôles plus fréquents depuis 2013 et après la mise au jour d'un trafic de plus grande ampleur, l'office a encore renforcé sa collaboration avec l'Administration fédérale des douanes et fedpol au niveau national. Sur le plan international, l'OSAV coopère plus étroitement avec les réseaux spécifiques d'Interpol.

Confrontés à un produit difficile à détecter et ce d'autant plus que le marché est en train de muter, la laine de shahtoosh étant de plus en plus souvent mélangée à d'autres laines, les douaniers ont dû adaptés leur méthode, ce que Mise au Point a pu observer.

Des chiens et une application

Outre une technique importée des Etats-Unis qui permet de repérer la laine douteuse grâce à un microscope, quatre chiens ont été formés à reconnaître 50 odeurs (parmi lesquelles peau de croco, caviar, cactus ou... shahtoosh) dans le but de lutter contre la criminalité environnementale. Deux d'entre-eux se trouvent à l'aéroport de Genève.

Une application a en outre été développée conjointement entre le WWF et l'OSAV pour aider les touristes qui ne savent pas s'ils peuvent ou non ramener un souvenir issu d'espèces animales ou végétales d'un pays étranger.

Juliette Galeazzi avec Anne-Frédérique Widmann

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Une motion pour renforcer l'arsenal pénal

Le Conseil national a adopté mardi 15 mars une motion du PDC genevois Guillaume Barazzone demandant de renforcer l'arsenal pénal pour les personnes qui se livrent au commerce d'espèces menacées et de produits issus d'animaux protégés. Cette activité brasse plusieurs milliards de dollars mais en Suisse, les peines sont faibles en comparaison internationale, a estimé le Parlement.

Et pour cause, un cas grave est passible d'une amende pouvant aller jusqu'à 40'000 francs et d'une peine de trois ans de prison maximum.
Le durcissement du cadre légal, soutenu par le Conseil fédéral, apparaît d'autant plus nécessaire que les pays voisins de la Suisse sont nombreux à avoir renforcé les mesures contre ce type de trafic. En France, les amendes possibles ont même décuplé, passant de 70'000 à 700'000 francs.

En un siècle, 90% de l'espèce a disparu

En un siècle, le nombre d'antilopes du Tibet (aussi appelées chirus) a reculé de plus de 90%, passant d'une population de plus d'un million de spécimens à moins de 75'000.

Vivant sur les hauts plateaux, jusqu'à une altitude de 5000 mètres, cet animal a développé une fourrure très subtile sous son ventre et son menton pour lui tenir chaud afin de résister à un climat extrêmement froid. Comme il est impossible de le domestiquer pour les tondre, le chiru est encore abattu pour sa précieuse toison.

Le commerce international d'antilopes du Tibet et de sa laine est interdit depuis 1979. Elle est protégée au même titre que l'éléphant, le tigre ou le rhinocéros, par la Convention internationale pour la conservation des espèces.