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"La seule religion aujourd'hui, c'est un laïcisme qui coupe le dialogue"

L'abbé François-Xavier Amherdt. [www.unifr.ch]
François-Xavier Amherdt, professeur de théologie à l’Université de Fribourg / L'invité de la rédaction / 22 min. / le 24 décembre 2015
En référence à la crèche neuchâteloise déplacée, l'abbé François-Xavier Amherdt a regretté jeudi dans le Journal du matin qu'au nom de la laïcité, on n'apprenne plus à connaître les différentes religions.

A la veille de Noël, François-Xavier Amherdt, professeur de théologie à l’Université de Fribourg, a tenu à rappeler sur les ondes de la RTS jeudi à quel point la connaissance entre les cultures et les religions était essentielle à la réussite d'un dialogue et donc du vivre ensemble.

L'abbé s'est dit choqué par l'histoire de cette crèche, d'abord placée sous le sapin de Noël de l'Hôtel de Ville à Neuchâtel puis déplacée au nom de la laïcité.

>> Lire : La Ville de Neuchâtel déplace sa crèche après une vague de controverses

Ne pas connaître les différentes religions, c'est perdre la possibilité du dialogue.

L'abbé François-Xavier Amherdt

"C'est du laïcisme, pas de la laïcité!", s'est-il exclamé à ce propos, expliquant que c'était peut-être la seule religion qui existait désormais en Occident.

"Et c'est la même chose quand on décide de supprimer un spectacle parlant de Noé prévu pour les classes genevoises parce que ce n'est pas une histoire laïque. C'est dommage pour ces enfants. Et surtout, se couper de connaître cette culture, qui structure notre pensée et notre identité, c'est perdre la possibilité du dialogue".

Il y a une dimension rationnelle dans les religions qui permet le dialogue, l'entre connaissance, a poursuivi le théologien, rappelant le travail de Hafid Ouardiri, également interviewé cette semaine sur les ondes de la RTS.

>> Lire : "La laïcité, c’est un espace où toutes les différences peuvent s’exprimer"

Le voile ne gêne pas le vivre ensemble.

François-Xavier Amherdt

François-Xavier Amherdt a aussi rappelé que pour dialoguer, il faut que chacun des partenaires assume son identité. "Il y a toujours eu un mélange entre chrétiens et musulmans. La présence de chrétiens en Orient a toujours existé et inversement des musulmans en Occident. Il n'y a qu'à penser à l'histoire de l'Espagne, inséparable de celle de l'Islam. Mais c'est sûr que le judéo-christianisme a largement façonné notre identité suisse et occidentale."

Le sens contre la radicalisation

L'abbé est aussi revenu sur la question des jeunes radicalisés. "S'ils se radicalisent, c'est qu'ils ne trouvent pas de sens dans cette mondialisation de la consommation. Ce sens, ils vont malheureusement le chercher dans une idéologie radicale. Il faut donc proposer du sens, a-t-il analysé, expliquant que la religion était quelque chose de privé et de public, puisqu'elle a une influence sociale et politique.

"La religion participe à la construction de nos identités, de notre solidarité, de nos démocraties. La solidarité n'a pas de frontières, elle va au-delà de la globalisation de l'indifférence. Noël est une fête chrétienne, mais son sens profond, le pardon et la solidarité, est valable pour tout un chacun."

"Le voile, une discrimination au nom de l'intégration"

"La question du voile est délicate, car il y a un conflit de valeurs", a encore relevé l'abbé.

Revenant sur une récente décision du Tribunal fédéral qui permet aux élèves de porter le voile en classe, François-Xavier Amherdt a estimé qu'il n'est en général pas heureux d'interdire puisque cela contribue à une stigmatisation. "Mais il y a un paradoxe, car pour favoriser l'intégration, on accepte un signe de différentation. C'est une discrimination qu'on accepte au nom de l'intégration".

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