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Premier emploi déguisé en stage non payé, une réalité dénoncée en Suisse

Camille, titulaire d’un master, cherche un premier emploi et ne veut plus faire de stage non payé. [RTS - RTS/Capture d'écran]
Stagiaires, les nouveaux esclaves / Temps présent / 27 min. / le 26 février 2015
Nombre d'universitaires acceptent des stages non payés après leurs études, faute de trouver un emploi rémunéré. En Suisse, pas de chiffre, mais des dénonciations régulières, révèle Temps Présent jeudi.

Les stages non-rémunérés ayant toutes les caractéristiques d'un emploi sont de plus en plus souvent dénoncés en Suisse. Mais de nombreux jeunes universitaires sont "condamnés" à les accepter pour acquérir les 2 à 5 ans d'expérience souvent demandés pour décrocher un premier poste.

Les secteurs de la culture, de la communication et du marketing, des relations internationales, des start-ups ou encore de l’environnement sont les principaux touchés, mais la liste n'est pas exhaustive.

Actions politiques

Un emploi déguisé en stage non-payé, c'est du travail au noir officialisé !

François Lefort (Verts/GE)

On demande des formations complètes, plusieurs compétences, plusieurs diplômes, des exigences identiques à un premier emploi. Donc, si c’est un véritable emploi, ça mérite salaire", estime le Vert genevois François Lefort. Préoccupé par le phénomène, qu'il qualifie de "travail au noir officialisé", il a déposé une motion au Grand Conseil, où un projet de loi socialiste en ce sens est aussi à l'étude.

Quant aux jeunes Verts vaudois, ils ont déposé en février une pétition « Pour une rémunération décente des stages », qui demande un minimum de 1100 francs par mois jusqu’à l’obtention du Bachelor, puis 2200 francs par la suite.

Sous-enchère

Un salaire acceptable pour un jeune qui a terminé sa formation académique doit tourner autour des 3500-4000 et évoluer vers le haut

Roger Piccand, directeur du service vaudois de l'emploi

Du côté des inspecteurs du travail, on craint la sous-enchère salariale. Roger Piccand, directeur du service vaudois de l'emploi, souligne qu'accepter de travailler pour pas ou peu d'argent dans un secteur où il n'y a pas de convention collective de travail est "éthiquement problématique, mais pas légalement".

Selon lui, un salaire acceptable pour un jeune qui a terminé sa formation académique, doit tourner autour des 3500-4000 et évoluer vers le haut car le stagiaire devient de plus en plus productif.

Myriam Gazut/jvia

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Quelques cas qui inquiètent

Comme le montre l'enquête de Temps Présent, les cantons de Vaud et de Genève suivent de près la problématique des stages non rémunérés. Les services de l'emploi et les inspecteurs du travail des autres cantons romands, interrogés par RTSinfo, ont connaissance de la situation mais font état de peu de dénonciations.

"Nous rencontrons de plus en plus de cas de personnes qui sont engagées en qualité de stagiaires avec une rémunération dérisoire. Par contre, nous n'avons pas ou peu de cas annoncés de 'stagiaires' non rémunérés à la sortie d'études supérieures. Cela ne veut pas dire qu'il n'y en a pas, ils sont plus difficiles à détecter s'il n'y a pas de demande de permis de séjour en vue d'une activité", explique Philippe Juillerat, chef de l'Office de contrôle du canton de Neuchâtel.

Très peu de cas sont signalés en Valais, mais le Service de protection des travailleurs et des relations du travail reste très attentif. "Il faut être clair sur la définition d'un stage: nous ne le considérons comme tel que s'il s'inscrit d'un poste obligatoire inscrit dans un cursus de formation. Si tel n'est pas le cas, il s'agit d'un emploi, qui doit être rémunéré selon les salaires en vigueur", explique son chef de service, Nicolas Bolli.

Le Service public de l’emploi du canton de Fribourg n'a jamais eu connaissance d'un tel cas. "Nous pensons que Fribourg est plus à l’abri de l’émergence d’un tel phénomène, du fait que nous ne sommes pas un canton frontalier. Les étudiants venant de France ou d’Allemagne sont peut-être plus enclins à accepter de telles conditions de travail", avance sa porte-parole Véronique Scherer Kaeser. Cette problématique n'est toutefois pas celle rencontrée par les témoins rencontrés par Temps Présent.

Même son de cloche dans le Jura, où l'on évoque une structure économique très différente de celle des cantons lémaniques, moins étendue et permettant un meilleur contrôle.

Dans le canton de Berne, aucun rapport de travail ni aucun chiffre n'est disponible sur le sujet.