Publié

La sortie du nucléaire est à "haut risque financier" pour la Confédération

La centrale atomique de Mühleberg sera définitivement déconnectée du réseau en 2019. [Alessandro Della Bella - Keystone]
La sortie du nucléaire est à "haut risque financier" pour la Confédération / Forum / 18 min. / le 26 novembre 2014
Le Contrôle fédéral des finances s'inquiète du manque de ressources des deux Fonds de désaffectation des installations et de gestion des déchets radioactifs. L'influence des exploitants est aussi jugée problématique.

Les deux Fonds de désaffectation et de gestion des déchets radioactifs peinent à remplir leurs caisses, constate un rapport publié mercredi par le Contrôle fédéral des finances (CDF). Selon les prévisions actuelles, il manque six milliards de francs d'ici la mise hors service des centrales nucléaires. Et de tirer la sonnette d’alarme: si les exploitants d’installations nucléaires ne parviennent pas à satisfaire à leurs obligations financières, la Confédération risque de devoir passer à la caisse, constate l’audit du CDF.

Calculs pas assez réalistes

Il salue la décision du Conseil fédéral d’augmenter de 30% les versements des cinq centrales nucléaires suisses dès le 1er janvier 2015. Mais ce ne sera pas suffisant, selon l'audit du CDF. Il arrive à la conclusion que le calcul des contributions des exploitants d’installations nucléaires repose sur un scénario idéal. Des risques sont absents des calculs (incertitude juridique, hausse des coûts technologiques, etc).

Le CDF appelle ainsi le Conseil fédéral à réaliser de nouvelles études avec plusieurs scénarios et, au final, de retenir un scénario réaliste pour le calcul des contributions des exploitants aux Fonds.

Mauvaise surveillance

Autre grief de l’audit: la gouvernance actuelle des Fonds de désaffectation et de gestion pose aussi problème. Il prévaut un trop grand mélange des responsabilités entre gestions des fonds et haute surveillance. Dans sa prise de position sur l'audit, le Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication (DETEC) reconnaît le problème et annonce des mesures de correction.

Les hauts fonctionnaires du DETEC chargés de la surveillance ne siègeront plus à la Commission qui gère les fonds aux côtés des délégués des centrales nucléaires. L'audit relève d’ailleurs que ces derniers sont surreprésentés et leur influence trop grande. Ce déséquilibre, recommande le Contrôle fédéral des finances, doit être éliminé avec un transfert des deux Fonds vers un établissement public juridiquement indépendant et dirigée par des représentants, également indépendants.

Ludovic Rocchi/comm

Publié

Les chiffres clés des deux fonds

Fin 2013, le premiers fonds, consacré à la désaffectation des installations nucléaires, disposait de 1,7 milliard de francs, alors que ses besoins se monteraient à 2,9 milliards de francs, selon une étude officielle commandée par la Confédération et publiée en 2011.

D'après cette étude, le second fonds, dédié lui à la gestion des déchets radioactifs, devrait compter sur 8,4 milliards de francs d'ici la mise hors service des centrales nucléaires. Aujourd'hui, seuls 3,6 milliards sont disponibles.

Vive réaction des exploitants

Cette exigence est "indéfendable", dénonce Swisselectric, association qui défend les intérêts des exploitants de centrales nucléaires (Axpo, Alpiq et FMB). Dans son communiqué, Swisselectric rejette l’intégralité des conclusions et des recommandations de l'audit fédéral. Il reposerait sur des "hypothèses erronées" et exagère les risques financiers pour la Confédération.

Pour le CDF, ces divergences de vue entre la Confédération et Swisselectric reflètent très exactement la difficulté d'une gestion commune de la désaffectation des installations nucléaires et de la gestion des déchets radioactifs.