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Les étudiants romands refusés dans une dizaine d'universités européennes

Des étudiants dans un amphithéâtre. [Keystone - Martial Trezzini]
Les étudiants suisses ne sont plus éligibles au programme d'échanges universitaires européen Erasmus depuis l'acceptation par le peuple, le 9 février 2014, de l'initiative anti-immigration. - [Keystone - Martial Trezzini]
Neuf mois après le vote anti-immigration, qui a eu pour conséquence d'exclure la Suisse des programmes Erasmus+, les universités romandes se sont heurtées au refus de plusieurs universités européennes d'accueillir leurs étudiants.

Benoît Challand, professeur d'histoire contemporaine à l'Université de Fribourg, était l'invité du journal de La Première lundi. Interrogé sur les conséquences du vote anti-immigration du 9 février, il a regretté que les étudiants de son institution "commencent à en payer le prix".

Selon lui, plusieurs universités européennes refusent d'accueillir des étudiants helvétiques depuis l'exclusion de la Suisse des programmes d'échange Erasmus+ (à écouter dès 20'30).

Benoît Challand. [cath.ch]cath.ch
Benoît Challand, spécialiste du monde arabe / L'invité de la rédaction / 21 min. / le 10 novembre 2014

Une situation également déplorée dans la plupart des autres établissements romands. L'université de Neuchâtel (UniNE) a essuyé les refus de 4 universités qui accueillaient jusqu'alors ses étudiants et a dû engager de nouvelles négociations avec une quarantaine d'établissements sur les 150 avec lesquels elle est partenaire.

Dix refus pour l'EPFL et l'UNIL

"Sept universités nous ont renvoyés dans les cordes", indique de son côté Antoinette Charon Wauters, cheffe du Service des relations internationales à l'Université de Lausanne (UNIL). Même la prestigieuse Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) a été confrontée à des non-renouvellements d'accords de la part de trois écoles partenaires, dont elle a souhaité taire le nom.

Grâce aux accords conclus hors Europe et aux institutions de "deuxième choix", la quasi-totalité des candidats au voyage ont quand même trouvé une destination. A Neuchâtel, seuls deux étudiants sur une quarantaine de dossiers ont été contraints de renoncer, un chiffre comparable à celui de 2013.

Inquiétudes d'ordre financier

Les réticences à l'égard des étudiants suisses sont surtout motivées par des questions financières. D'après l'UNIL et l'UniNe, les universités qui ont refusé le plus d'étudiants suisses sont les institutions italiennes, espagnoles ou françaises, durement frappées par la crise.

"Elles ont moins de moyens pour envoyer leurs étudiants à l'étranger. Or les échanges fonctionnent sur le principe de réciprocité", explique Antoinette Charon Wauters. La votation a aussi donné à certaines universités une bonne occasion de revoir à la baisse la portée de leurs accords, avance Pierre Willa, directeur des Relations internationales à Genève.

Certaines universités acceptent encore des étudiants suisses, à condition qu'ils payent leurs crédits universitaires, des frais qui peuvent vite s'avérer dissuasifs.

Incompréhension à Oxford ou Cambridge

De plus, le programme mis en place par la Confédération est demeuré méconnu. "Certains établissements, y compris des prestigieux comme Oxford et Cambridge en Angleterre, ont dans un premier temps refusé d'accueillir nos étudiants parce qu'ils pensaient que c'était juridiquement impossible", raconte Antoine Fromentin, responsable des relations internationales à l'EPFL.

Le Conseil fédéral débloque 23 millions pour les échanges étudiants

La lenteur de la Confédération agace

Des centaines de mails ont été nécessaires pour corriger le tir. A Genève et Lausanne, on a même anticipé la réaction de Berne en garantissant des bourses avant de savoir si la Confédération mettrait la main au porte-monnaie.

L'agacement et la frustration sont perceptibles chez la plupart des responsables de la mobilité des étudiants. "On a le sentiment de devoir pallier la lenteur de la Confédération", concède Antoine Fromentin de l'EPFL.

Pauline Turuban

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Masse de travail triplée

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L'université de Neuchâtel parle d'un triplement de sa masse de travail habituelle. Tout cela "au détriment d'autres tâches" et, parfois, avec des surcoûts.

Les universités ne voient pas la situation s'améliorer de sitôt. Peu croient à la réintégration prochaine de la Suisse dans le programme Erasmus+ et la situation n'est fixée que jusqu'à la fin 2016.