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Plainte pénale contre le procureur général de la Confédération

Riadh Ben Aïssa, un grand patron canadien, est en prison préventive depuis plus d'un an en Suisse
Riadh Ben Aïssa, un grand patron canadien, est en prison préventive depuis plus d'un an en Suisse / 19h30 / 2 min. / le 28 mai 2013
Ex-patron canadien, Riadh Ben Aïssa entame son 14e mois de préventive en Suisse pour blanchiment et corruption, un record. Son frère dénonce l’acharnement du Parquet fédéral et porte plainte contre le procureur général.

Rafik Ben Aïssa aura attendu près de 14 mois pour pouvoir rendre visite à son frère, Riadh, à la prison de Berne. Un frère au centre d’un vaste scandale de corruption au Canada et arrêté par les autorités fédérales dans le cadre d’une enquête du Ministère public de la Confédération (lire: Un puissant entrepreneur canadien a été arrêté en Suisse).

Chirurgien aux Etats-Unis, Rafik Ben Aïssa demande aux avocats de son frère de diligenter au plus vite un examen de l’état de santé psychiatrique de leur client.

"Mon frère est au bord du précipice mentalement et cela est dû au traitement qu’il est en train de recevoir dans cette prison à Berne, qui est en train de le détruire psychologiquement et de le mener au suicide. Je rendrai responsable le gouvernement suisse s’il devait arriver quelque chose à mon frère", a déclaré le frère du prisonnier à la RTS, à la sortie de la prison de Berne.

Pots de vins dans la Libye de Kadhafi

Pour les enquêteurs, Riadh Ben Aïssa aurait organisé avec l’aide d’un avocat genevois un réseau de versement de commissions occultes (lire Un avocat de Genève pris au piège du scandale de blanchiment SNC-Lavalin ). Objectif? Décrocher de juteux contrats en Libye pour le géant canadien, SNC - Lavalin, dont Riadh Ben Aïssa a été un dirigeant. Saadi Kadhafi, le troisième fils du défunt colonel, aurait été l’un des principaux bénéficiaires de ces paiements.

"Mon frère n’a jamais été un proche des Kadhafi. Il travaillait avec Saadi Kadhafi qui était en charge des grands projets en Libye. C’était à cette personne-là qu’il fallait s’adresser", explique Rafik Ben Aïssa. Ce système de corruption, c’est SNC-Lavalin qu’il l’a créé. Mon frère a fait ce que le conseil d’administration lui demandait de faire. Ce que ces supérieurs lui demandaient. La seule chose que je peux reprocher à mon frère c’est d’avoir été naïf !."

Une naïveté plutôt payante. Selon un document en mains de la RTS, l’ingénieur aurait ainsi détourné près de 50 millions de francs. Une partie de cet argent a été saisie sur ses comptes suisses, de même qu’un immeuble de plus de 10 millions de francs dans le quartier prospère des Tranchées à Genève.

Contactée par la RTS jeudi 23 mai, Leslie Quinton, vice-présidente de SNC-Lavalin, n’a pas commenté ces allégations concernant sa firme.

Troisième plainte contre le Procureur général

"SNC–Lavalin est le fleuron de l’ingénierie au Québec. Il y a un côté politique très fort où la justice québécoise va tout faire pour préserver les intérêts de SNC–Lavalin et de mettre cela sur l’Arabe de service qu’est mon frère. La bénédiction pour SNC–Lavalin c’est que mon frère soit détenu en Suisse. Cela les arrange", indique encore Rafik Ben Aïssa.

Mais le médecin s’insurge aussi contre l’action du Parquet fédéral. A deux reprises déjà, il a déposé plainte pénale contre Michael Lauber, le Procureur général. Toutes ont été classées. Une troisième vient d’arriver à Berne. Il soupçonne Michael Lauber et ses services d’avoir fait pression sur des témoins de l’affaire, deux anciens dirigeants de SNC-Lavalin, Jacques Lamarre et Sami Bébawi (lire encadré).

"Ils ont signé des témoignages contre mon frère. Ils sont venus à Berne voir Monsieur Lauber et ont reçu de sa part la garantie qu’ils ne seront jamais inquiétés alors que ce sont les cerveaux de l’affaire", s’irrite Rafik Ben Aïssa. "Maintenant, j’attends que la justice suisse examine avec soin mes plaintes. Monsieur Lauber fait de l’excès de zèle. Il fait une vendetta politique."

Contacté par la RTS jeudi 23 mai, le MPC n’a pas souhaité "commenter ses appréciations" de Rafin Ben Aïssa sur le fond du dossier.

Yves Steiner

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SNC-Lavalin voulait embaucher Saadi Kadhafi

La semaine dernière, Radio-Canada a révélé que le géant SNC-Lavalin avait envisagé de nommer Saadi Kadhafi à un poste de vice-président pour ses affaires au Maghreb.

Cette proposition émanait de Riadh Ben Aissa, alors responsable de la Division Construction de l’entreprise.

Un document montre, entre autres, une demande faite aux autorités canadiennes d'accorder un permis de travail de 3 ans à Saadi Kadhafi. Son salaire annuel aurait été d’environ 150'000 francs suisses.

Pour mémoire, Saadi Kadhafi aurait été le principal récipiendaire des pots-de-vin distribués par Riadh Ben Aïssa.

A Genève, l’avocat qui a aidé Riadh Ben Aïssa a monté les structures offshore pour la distribution de ces commissions occultes était aussi celui qui a géré les compagnies offshore de Saadi Kadhafi.

Un avocat qui est aussi soupçonné de corruption et de blanchiment d’argent aggravé par le Ministère public de la Confédération.

Un autre dirigeant de SNC dans l’œil de la justice

Sami Bébawi, prédécesseur de Riadh Ben Aissa à la tête de la Division Construction de SNC-Lavalin jusqu'en 2006, est dans la cible de la justice canadienne.

Comme l'a révélé Radio-Canada et le Globe & Mail (lien), cette dernière a bloqué des dizaines de millions de francs de propriétés et de comptes bancaires appartenant à des proches de Sami Bébawi.

Des documents judiciaires montrent des flux d’argent entre les sociétés créées par Riadh Ben Aïssa et les bénéficiaires de commissions supposées occultes en lien avec des marchés en Libye.

L'an passé, comme l’avait révélé la RTS, Sami Bébawi avait été interrogé durant 3 jours par les procureurs du Ministère public de la Confédération (MPC).

Il bénéficiait alors d’un statut particulier de «personne appelée à donner des renseignements», un PADR dans le jargon pénal. A cet égard, il a aussi reçu un sauf-conduit lui permettant de repartir de Suisse en toute quiétude.

Depuis lors, le MPC n’a pas communiqué l’existence de nouveaux prévenus dans cette affaire.