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Le rapport Bergier aurait surestimé le nombre de juifs rejetés par la Suisse

Alors que le rapport Bergier estimait à 24'500 le nombre de juifs rejetés à la frontière Suisse - comme ici à Bâle en 1944 - une nouvelle étude réduit ce nombre à environ 3000.
Alors que le rapport Bergier estimait à 24'500 le nombre de juifs rejetés à la frontière Suisse - comme ici à Bâle en 1944 - une nouvelle étude réduit ce nombre à environ 3000.
Quelque 3000 juifs auraient été rejetés par la Suisse pendant la Seconde Guerre mondiale, indique l'historien Serge Klarsfeld dans Der Sonntag. Le rapport Bergier estimait lui que la majorité des 25'000 personnes refoulées entre 1940 et 1945 était juive.

Selon l'historien Serge Klarsfeld, spécialiste de la chasse d'anciens nazis qui a effectué de nombreuses recherches sur la déportation en France et en Suisse, le nombre de juifs rejetés aux frontières de la Suisse pendant la Seconde Guerre mondiale s'élèverait à environ 3000, indique Der Sonntag.

Ce chiffre est en contradiction avec le rapport de la commission Bergier, publié en 1999, qui faisait état de 25'400 réfugiés refoulés au total entre janvier 1940 et mai 1945. Le rapport estimait qu'une grande partie de ces personnes étaient juives, sans toutefois pouvoir en apporter la preuve étant donné qu'il se basait sur un calcul dans les Archives fédérales des statistiques frontalières qui n'indiquaient pas précisément le recensement des juifs ni les motifs de refus.

Surtout de la France

Doutant de ce mode de calcul, Serge Klarsfeld s'est associé à l'historienne genevoise Ruth Fivaz-Silbermann pour effectuer des recherches, notamment en France, en Italie et en Allemagne.

"Les sources sont mieux conservées qu'on ne le pensait. Et on arrive à la fin de ce calcul de fourmi à établir des statistiques plus précises que le rapport Bergier", a indiqué Ruth Fivaz-Silbermann au 19:30 de la RTS.

"En fait, la plupart des réfugiés juifs avaient essayé d'entrer en Suisse depuis la France. Un maximum de 1500 juifs ont été rejetés à cette frontière" explique Serge Klarsfeld.

En collaboration avec le Centre de documentation sur l'histoire juive de Milan, Serge Klarsfeld a également  pu recenser 300 juifs rejetés au Tessin. Il estime enfin à 1200 le nombre de personnes refoulées en Allemagne ou en Autriche.

Nouvelle commission demandée

Face à ce constat, Serge Klarsfeld souhaite que le Suisse crée une nouvelle commission qui examine la question des rejets à la frontière et l'acceptation des juifs en Suisse. "Il faut savoir combien de juifs ont réussi à s'enfuir en Suisse, combien ont été refoulés - et ce qui leur est arrivé. Il s'agit de l'image de la Suisse dans le monde. Et cela est important pour le pays."

vkiss

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La Commission Bergier se défend

Ancien membre de la Commission Bergier, Marc Perrenoud s'est défendu d'avoir "dit un jour que les chiffres étaient définitifs".

"On ne peut pas exclure que finalement de nouvelles analyses et de nouveaux documents permettent d'affiner ce que la commission a dit", a-t-il justifié dans le 19:30 de la RTS, ajoutant que les recherches supplémentaires ne pouvaient être que bénéfiques.

De son côté, le conseiller national Jacques Neyrinck juge "graves" les accusations contre la Commission Bergier et s'étonne plutôt de l'incapacité des autorités à donner un chiffre précis. "Pourquoi n'y a-t-il pas eu un procès-verbal à chaque fois qu'un juif a été refoulé", s'est-il interrogé dimanche soir dans l'émission Forum sur RTS La Première. Il a également exprimé ses craintes quant à un éventuel ordre donné par le Conseil fédéral à cette époque aux gardes-frontières de refouler les juifs.

Pour sa part, l'UDC Yvan Perrin a estimé dans la même émission qu'il était important pour les personnes vivant à cette époque et qui ont été fustigées pour leur comportement prétendu déshonorant dans le rapport Bergier, de prolonger les analyses pour leur permettre éventuellement de retrouver leur honneur.

Un chasseur de nazis réputé

Serge Klarsfeld, 77 ans, est un écrivain, historien et avocat de la cause des déportés en France. Son épouse Beate et lui sont connus sous le nom de "chasseurs de nazis", pour avoir emmené devant les tribunaux Klaus Barbie - le "boucher de Lyon" - et avoir joué un rôle fondamental dans le procès Papon.

Ils ont créé en 1979 l'Association des fils et filles des déportés juifs de France, qui est chargé de défendre la cause des descendants de déportés. Le père de Serge Klarsfeld a été déporté vers Auschwitz.

Serge Klarsfeld est aussi vice-président de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.