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La fraude fiscale pourrait devenir un délit pénal

Xavier Oberson, professeur de droit fiscal et membre du groupe de travail mis sur pied par le Conseil fédéral. [Laurent Gillieron]
La fraude fiscale pourrait devenir un délit pénal / Le Journal du matin / 3 min. / le 6 décembre 2012
La Suisse prépare son arsenal juridique sur les délits fiscaux. En accord avec les nouvelles normes internationales, même l'argent propre mais non déclaré serait dans le collimateur de la justice, selon une enquête de la RTS.

La Suisse se prépare à une nouvelle révolution, qui consiste à adapter sa législation aux nouvelles normes du Groupe d'action financière (Gafi) dont elle fait partie. Selon ces nouvelles dispositions, le délit fiscal sera à l'avenir considéré comme un crime. Les banquiers devront agir envers un client soupçonné de fraude fiscale, comme ils le font envers ceux qui sont suspectés de blanchiment d'argent de la drogue.

Avant-projet de loi à l'examen

Tous les pays membres du Gafi sont en train de plancher sur cette question. La conseillère fédérale en charge des Finances, Eveline Widmer Schlumpf, devrait, elle, décider de l'orientation de la nouvelle législation en début d'année. Elle est en train d'examiner un avant-projet de loi rédigé par le fiscaliste genevois Xavier Oberson. Cet avant-projet s'inspire aussi de ce qui se fait ailleurs.

D'ici à 2015, les législations nationales devront s'adapter aux nouvelles normes du Gafi. Mais chaque pays a la liberté de définir quelles infractions fiscales doivent être prises en considération.

Nouvelle définition

Dans son avant-projet, le professeur Xavier Oberson n'a travaillé que sur la fraude fiscale, et non l'évasion. "Il faudra définir ce qu'est un délit fiscal. Chaque pays a la latitude de le faire. Mon sentiment est que, pour le moment, la Suisse se limitera à la fraude fiscale, avec production de faux documents à la clé, même s'il n'est pas exclu que cette norme évolue par la suite", a indiqué l'avocat à la RTS. Singapour par exemple se montre plus sévère, puisqu’il inclut l’évasion fiscale dans la notion de crime.

Xavier Oberson, professeur de droit fiscal et membre du groupe de travail mis sur pied par le Conseil fédéral. [Laurent Gillieron]

Pour Xavier Oberson, la difficulté est d'appliquer les normes sur le blanchiment à la fiscalité. "Avant, la loi sur le blanchiment concernait de l'argent sale provenant de la mafia ou du trafic de drogue, qui était ensuite blanchi. Or, aujourd'hui cette notion est inversée. L'argent est en principe propre, le client a travaillé, dispose d'un revenu, mais il le "salit" en ne le déclarant pas. Le fait de définir un crime fiscal est déjà compliqué".

Une stratégie de l'"argent propre"

Cette nouvelle loi fera partie d'un arsenal. Elle devrait être complétée par la stratégie de "l'argent propre" qui elle aussi, se fait attendre. Au-delà de la criminalisation de la fraude, les banques ne devraient plus accepter dorénavant de l'argent non déclaré. Mais on ne sait pas encore si le Conseil fédéral optera pour l'exigence d'une déclaration fiscale de la part du client, ou pour un nouveau code de conduite des banques.

Francesca Argiroffo/am

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Une mise en œuvre complexe

La nouvelle loi posera de nombreux problèmes de mise en œuvre. Comment préciser en amont les obligations des banques? "Si un client arrive avec cinq comptes, quatre déclarés et un non déclaré, le banquier doit-il tous les refuser? Et en ce qui concerne les indices, est-il tenu d'examiner toute la situation financière de son client et a-t-il les moyens de le faire?", s'interroge Xavier Oberson.

Les banquiers veulent des normes claires

Les banquiers, qui participent étroitement à l'élaboration de ces normes, un peu contre leur gré, souhaitent que la définition de leur obligation de diligence soit claire. Car les sanctions seront sévères. "Il s'agit d' une nouvelle norme pénale, souligne Xavier Oberson. Et donc, les personnes qui seront auteurs ou complices d'un crime de blanchiment fiscal risquent des peines d'emprisonnement".