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Mi-animal, mi-machine, le "xénobot" est le premier robot vivant

Le xénobot, un organisme quadrupède manufacturé par l'Homme avec des cellules souches de grenouille. Il est un tout petit peu plus petit qu'une tête d'épingle avec son diamètre de 650 à 750 microns. [Tufts University - Douglas Blackiston]
Mi-animal, mi-machine, le "xénobot" est le premier robot vivant / Le Journal horaire / 43 sec. / le 16 janvier 2020
Le xénobot est un organisme vivant programmable: il a été assemblé avec des cellules souches de peau et de muscles de cœur de grenouille. Une première scientifique réalisée par une équipe de recherche des universités américaines du Vermont et de Tufts.

"Ce sont de nouvelles machines vivantes", explique Joshua Bongard, l'une des personnes coautrices de l'étude publiée par PNAS, le journal de l'Académie américaine des Sciences, le 13 janvier. "Ce n'est ni un robot traditionnel, ni une espèce connue d'animal. C'est une nouvelle classe d'artéfact: un organisme vivant, programmable", selon la description de cet informaticien et expert en robotique de l'Université du Vermont.

Une Xénope lisse. Les cellules souches de peau et de cœur d'embryons de cette grenouille ont servis à la fabrication du xénobot, le premier robot vivant. [CC BY 2.5 - Ben Rschr]
Une Xénope lisse. Les cellules souches de peau et de cœur d'embryons de cette grenouille ont servis à la fabrication du xénobot, le premier robot vivant. [CC BY 2.5 - Ben Rschr]

L'étrange organisme est appelé xénobot, du nom de la grenouille Xenopus laevis, la Xénope lisse, dont les cellules embryonnaires ont été utilisées pour le fabriquer.

"Génomiquement, ce sont des grenouilles", indique Michael Levin, coauteur de l'étude et directeur du Centre de biologie régénérative et développementale à l'Université de Tufts. "C'est à 100% de l'ADN de grenouille, mais ce ne sont pas des grenouilles". Un peu comme un livre est fait de bois, mais n'est pas un arbre...

La taille du xénobot ne dépasse pas le millimètre de large: il est légèrement plus petit qu'une tête d'épingle avec son diamètre de 650 à 750 microns.

Ses cellules vont exécuter des fonctions différentes de celles qu'elles accompliraient naturellement. Les tissus vivants ont été récoltés et incubés; ensuite chercheuses et chercheurs les ont assemblés en un corps optimal conçu par des modèles informatiques. L'intelligence artificielle sélectionnait les formes les plus réussies et les plus aptes.

>> Les xénobots calculés par ordinateur ( : Un résultat comportemental – ici, la maximization du déplacement – et des briques structurelles différentes (en rouge, contractables; en vert, passives) sont fournies à un algorithme d'évolution. Celui-ci définit un modèle optimal pour l'organisme vivant manufacturé, tout à droite de l'image. [PNAS - Sam Kriegman, Douglas Blackiston, Michael Levin, Josh Bongard]
Un résultat comportemental – ici, la maximization du déplacement – et des briques structurelles différentes (en rouge, contractables; en vert, passives) sont fournies à un algorithme d'évolution. Celui-ci définit un modèle optimal pour l'organisme vivant manufacturé, tout à droite de l'image. [PNAS - Sam Kriegman, Douglas Blackiston, Michael Levin, Josh Bongard]

De petits organismes autonomes

L'organisme a réussi à "évoluer" du stade d'amas de cellules souches à celui d'un assemblage bougeant grâce aux pulsations envoyées par les cellules du tissu musculaire cardiaque... ce qui leur a permis de se déplacer pendant plusieurs semaines dans de l'eau, sans avoir besoin de nutriments additionnels.

Ces petits êtres d'un genre nouveau ont été capable de se réparer – se soigner! – tous seuls après avoir été coupés en deux par les scientifiques: "Ils se recousaient et continuaient de fonctionner", remarque Joshua Bongard.

Ces créatures peuvent aussi se diriger vers une cible, ce qui pourrait être très utile dans le domaine de la santé: un xénobot pourrait par exemple administrer des médicaments dans le corps humain, à un endroit prédéterminé. Ou s'occuper d'une artère bouchée.

Des tests ont montré qu'un groupe de xénobots arrivait à se déplacer en cercle, en poussant des pastilles vers un lieu central, de manière spontanée et collective.

De la peau morte

Les applications futures de ces robots vivants peuvent être nombreuses, selon les scientifiques qui imaginent par exemple qu'ils pourront assembler les microplastiques polluant les océans, afin de les nettoyer.

"Ces xénobots sont complètement biodégradables", affirme Joshua Bongard, "Lorsqu'ils ont terminé leur travail après sept jours, ce ne sont plus que des cellules de peau morte".

Une forme de vie étonnante, entièrement nouvelle, qui disparaît presque sans laisser de traces.

Stéphanie Jaquet

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