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"On ne va plus produire de contenus journalistiques que pour l'audience"

Près de 200 millions de dollars ont notamment été investis dans le site BuzzFeed. [AFP - Nicholas Kamm]
"On ne va plus produire de contenus journalistiques que pour l'audience" / Le Journal du matin / 2 min. / le 30 septembre 2015
Les médias traditionnels investissent à tout-va dans les medias online. Mais le risque est grand d'une production journalistique toujours plus orientée, avertit le professeur Patrick-Yves Badillo (UNIGE).

A l'image de l'américain NBC Universal, qui a investi 200 millions de dollars dans Buzzfeed et autant dans Vox Media, les acteurs traditionnels des médias sont de plus en plus nombreux à mettre leur argent dans ces sociétés.

Le mouvement est inéluctable, mais son ampleur interpelle. "Ce qui est saisissant,  presque vertigineux, c'est le nombre d'opérations actuelles de rachat chaque année", souligne Patrick-Yves Badillo, directeur de l’Institut Medi@LAB-Genève de la Faculté des sciences de la société de l'Université de Genève.

L'audience comme moteur incontournable

"Tout est fait pour capter de l'audience", explique le professeur en sociologie, communication et médias. En matière de confiance dans les audiences,  la télévision arrive en tête mais le online est désormais en 2e position, fait-il remarquer. "C'est très inquiétant: la production journalistique devient orientée, définie par des contenus en ligne - derrière la télévision quand même, heureusement."

Pour Patrick-Yves Badillo, les groupes traditionnels trouvent dans ces médias "de la viralité, du réseau, des médias sociaux, du buzz, de l'audience sur le web, de la présence. C'est vrai que cela correspond bien à la génération actuelle."

La dictature de l'audience

Et c'est une pression qui est de plus en plus importante, observe le professeur. "Il va y avoir des sortes de rating, de mesures de l'audience très, très fines. Le point positif, c'est que seuls seront produits des articles qui seront lus, qui feront du buzz. Mais on voit immédiatement la limite: on ne va plus produire que pour l'audience."

Reste que la rentabilité n'est pas acquise pour la majorité de ces sites d'information numériques, parce que tout repose sur la publicité. "Et donc, si tout à coup on a des mécanismes efficaces pour bloquer la publicité, ça va bloquer le marché", avertit Patrick-Yves Badillo. "A ce moment-là, on pourrait avoir un éclatement de la bulle. Cela permettra peut-être de revenir à du contenu qui serait financé aussi par le paiement des usagers. Ceci dit, la jeune génération est très, très hostile au paiement. Mais ça peut bouger très vite, y compris vers le bas."

Olivier Schorderet/oang

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