Immersion avec la brigade des mineurs à Lausanne

Grand Format

Introduction

Fugues, vols à répétition ou attaques au couteau, une équipe de Mise au Point a réalisé trois reportages au sein de la brigade des mineurs à Lausanne. Les coulisses d'un tournage délicat.

Episode 1: vols, attaques et fugue

Ce premier épisode se concentre sur deux affaires. La première concerne un vol de 200 francs dans une piscine lausannoise, impliquant notamment Mélissa (prénom d'emprunt). Le cas est rapidement réglé, mais la jeune fille de 14 ans fugue deux jours plus tard.

La deuxième affaire concerne un brigandage au couteau avec six suspects de 14 et 15 ans. Appréhendés par la police, deux d'entre eux sont incarcérés à la prison pour mineurs de Palézieux (VD). Sergio (prénom d'emprunt) et son complice sont considérés comme les principaux instigateurs d'une série de brigandages au couteau.

Ado Police, 1er épisode
Mise au point - Publié le 1 novembre 2015

Les précisions du réalisateur

Le réalisateur de la série de reportages, Yves Godel. [RTS - Mathieu Henderson]

"Durant les heures d’audition de suspects, j’ai filmé les moments les plus intenses. Il y a d’ailleurs beaucoup de scènes que je n’ai pas pu montrer faute de temps d’antenne", précise Yves Godel.

Comment a-t-il choisi les affaires ? "C’est comme aller à la pêche. On jette l’hameçon et on attend. Il y a eu 3 ou 4 autres cas que j’ai filmés mais que je n’ai pas gardés".

Le réalisateur assure encore qu'il n'y a eu aucune mise en scène. "Tout a été filmé spontanément au gré des situations".

C'est comme aller à la pêche. On jette l'hameçon et on attend.

Yves Godel, réalisateur, au sujet du choix des affaires

Episode 2: perquisitions et aveux

La fugue de Mélissa connaît un épilogue heureux avec son retour chez sa mère.

L'affaire de brigandage se poursuit en revanche avec la dénonciation de trois complices. La police se rend au domicile de ces jeunes, dont Mattéo (prénom d'emprunt), 14 ans, qui avoue des vols de scooters et de téléphones portables. Durant ses trois heures d'audition, il explique aussi comment lui et ses copains dévalisent d'autres jeunes.

On y rencontre aussi son avocat commis d'office, qui juge la situation "désarmante". "Il est très jeune et ne se rend pas compte ce qu'il fait aux autres", lâche-t-il.

Ado police – épisode 2
Mise au point - Publié le 8 novembre 2015

Les précisions du réalisateur

"Les images qui n’ont pas été utilisées ont été jetées. Un accord prévoyait que les images ne soient utilisées que dans le cadre de l’émission Mise au Point", précise Yves Godel, qui a établi une convention avec les diverses instances policières de Lausanne pour définir les conditions du tournage.

Cet accord "mentionnait par exemple la garantie d’un droit de regard et du secret de fonction, ainsi que l’anonymat des adolescents".

Les parents des jeunes ont tous été avertis du tournage. "On a d’ailleurs eu quelques refus", indique Yves Godel.

Épisode 3: affaire classée

On retrouve Sergio, l'un des deux instigateurs des brigandages incarcérés à la prison pour mineurs de Palézieux, dont la détention provisoire a été prolongée à un mois.

Quant à Mattéo, il échappe de peu à une détention dans ce même établissement. Il est toutefois conduit au service de l'identité judiciaire de la police cantonale vaudoise, un passage obligé pour les auteurs de délits: "J'ai l'impression d'être un grand criminel", admet Mattéo. Les données enregistrées seront conservées durant plusieurs années. Si le jeune ne commet plus d'infractions, elles seront effacées.

J'ai l'impression d'être un grand criminel.

Mattéo, 14 ans, impliqué dans une affaire d'agressions au couteau

L'enquête montre que les six jeunes, dont Sergio et Mattéo, ont commis neuf agressions au couteau qui ont fait 19 victimes, toutes mineures. Les principaux acteurs ont également commis 24 vols avec effraction dans des piscines lausannoises.

Mélissa, elle, a trouvé une place dans un foyer. Alors qu'aucun nouveau délit ne lui a été reproché, elle s'est mise à fuguer régulièrement.

Ado Police, 3ème épisode
Mise au point - Publié le 22 novembre 2015

Les précisions du réalisateur

"Ce qui m’a marqué, c’est la candeur apparente des jeunes, surtout ceux des agressions au couteau. J’ai été frappé par leur aplomb devant les policiers; même s’ils sont tous été polis, ils ne semblent jamais en avoir peur", remarque le réalisateur.

J'ai été frappé par l'aplomb des jeunes devant les policiers (...) Ils ne semblent jamais en avoir peur.

Yves Godel, réalisateur
Mattéo passe par le service d'identité judiciaire, obligatoire pour les auteurs de délits. [DR- Mise au point]

Week-end entre délinquants et policiers

De son côté, Mélissa a été sollicitée pour participer à un "raid aventure", un week-end d'activités sportives organisé par la police.

"Il est indispensable que la police permette de créer ces zones neutres pour comprendre les dynamiques de part et d'autre", explique Jean-Marc Granger, chef de la Brigade de la jeunesse de Lausanne, à l'origine du concept.

A en croire les jeunes participants, l'expérience est positive: "On oublie que ce sont des policiers, ça nous permet de les découvrir autrement. Ils ressemblent davantage à des éducateurs", explique l'un d'eux.

Ce qui n'empêche pas un certain réalisme de leur part: "Je sais très bien que lorsque ce week-end sera terminé, ce ne sera pas la même chose, parce qu'ils vont retrouver leur fonction et nous la nôtre", rapporte un autre.

Un "raid aventure" organisé par la police lausannoise avec de jeunes délinquants. [DR - Mise au Point]

Les précisions du réalisateur

Yves Godel se dit "surpris de voir le suivi que mène la police auprès de ces jeunes. Il y a souvent des opérations de prévention sans qu’il n’y ait d’infraction".

Le film a été visionné par la police lausannoise ainsi que par le premier président du Tribunal des mineurs, qui n’ont demandé aucune modification.

Et quels retours a reçus Yves Godel?  "Ils sont très positifs, tant du côté de la police que du tribunal des mineurs. Pas de réaction de la part des jeunes ou de leurs parents".

Il y a souvent des opérations de prévention sans qu'il y ait d'infraction.

Yves Godel, réalisateur

Un tournage délicat

La réalisation des trois épisodes d'"Ado Police" a duré deux mois, dont 12 jours de tournage, avec au total 7 à 8 heures de "rushes".

"Le défi principal a été de ne pas s’écarter du sujet, qui était le suivi de la brigade des mineurs. La tentation de s’intéresser davantage à la situation familiale des jeunes ou de parler à leurs amis était grande, mais je me serais trop éloigné du sujet de base", explique Yves Godel

Petits moyens

Le tournage a été réalisé avec de petits moyens. "J’étais totalement seul avec une petite caméra qui m’a permis de me faire oublier. Cette flexibilité était souvent nécessaire, surtout dans des endroits à l’étroit tels que les véhicules de police", explique le réalisateur de Mise au Point.

Flexibilité

"Il a fallu faire preuve d’une grande flexibilité. On m’a par exemple appelé à 22h00 pour être sur place le lendemain à 8h00 pour l’audition de deux adolescents interpellés la veille".

Gagner la confiance des policiers

"La mise en confiance des agents de police a été nécessaire. Les policiers ont été très coopératifs, même s’il a fallu quelques jour à certains pour s’habituer à la présence de la caméra. J’ai dû par exemple montrer les images de la première soirée de tournage à l’un d’eux pour le mettre en confiance", souligne Yves Godel.

Crédits

Reportages: Yves Godel, Chantal Dall'Aglio, Dafina Gervalla, Stéphane Kirscher, Edgard Biondina

Réalisation web: Mathieu Henderson et Jessica Vial