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Le marché de la mort fait face au low-cost parfois peu scrupuleux

Le marché de la mort en pleine effervescence. [RTS - Gaël Klein]
Le marché de la mort en pleine effervescence / InterCités / 6 min. / le 15 janvier 2016
Dans la plupart des cantons, les entreprises de pompes funèbres n'ont pas besoin d'autorisation particulière pour exercer, laissant ouvert le marché à des acteurs low-cost parfois peu scrupuleux.

Avec plus de 60'000 décès par an, on peut estimer aujourd'hui le chiffre d'affaires annuel du marché de la mort à près de 150 millions de francs. Impossible en revanche de connaître très précisément le nombre d'entreprises de pompes funèbres, puisqu'elles n'ont pas besoin d'autorisation pour exercer.

Plusieurs entreprises jurassiennes du secteur demandent que l'Etat introduise une réglementation. Des pratiques douteuses et un manque de professionnalisme auraient été constatés lors de récentes obsèques dans la région. Le gouvernement a expliqué n'en avoir pas connaissance, l'activité ne faisant pas l'objet d'une surveillance. Les pompes funèbres demandent formellement aux autorités que soit réintroduite une autorisation d’exploiter qui avait été supprimée en 2008.

Coût des prestations

"J'ai vu certaines choses, qui me perturbent et parfois me choquent", rapporte David Comte, vice-président de l'Association jurassienne des entreprises familiales de pompes funèbres. "Un exemple tout bête, quand la famille vous téléphone, nous on peut garantir d'être là dans les 20 minutes, voir l'heure qui suit. Quand vous faites appel à une entreprise low-cost ça peut être un jour après, voir deux jours après que vous avez le premier contact avec l'entreprise."

En optant pour ces entreprises low-cost, les familles espèrent souvent s'en tirer meilleur marché. "Forcément, ils proposent des prestations de 1500 francs. J'ai fait un petit calcul avec des prestations simples, en travaillant avec les entreprises familiales, vous arrivez à quelque chose de simple à 2500 francs."

Une réglementation fédérale serait illusoire

En Suisse romande, seul le canton de Vaud dispose d’une réglementation. A Genève, le parlement se penchera cette année sur un projet de loi à la suite de l'apparition d'un nouvel opérateur qui promet des enterrements à prix cassés. Au Tessin, l’autorisation nécessaire depuis le 1er mai s’applique également aux prestataires de services étrangers, sous-entendu italiens. Rien en revanche dans les cantons de Berne, Neuchâtel, Fribourg et Valais.

"Il faut savoir qu'en Suisse il existe des différences régionales dans les coutumes funèbres, telles que la manière dont les tâches sont réparties entre les communes, l'Eglise et les entreprises de pompes funèbres", relate Philipp Messer, président de l’Association suisse des services funéraires qui regroupe plus de 160 entreprises, essentiellement en Suisse alémanique, mais aussi au Tessin et dans le Jura.

Trouver une réglementation au niveau fédéral semble très difficile pour Philippe Messer, qui estime à titre privé que des exigences minimales devraient être fixées. "Aujourd'hui grâce à la liberté de commerce, des entreprises de pompes funèbres malhonnêtes peuvent aussi proposer leurs services. Je crois et j'espère que celles-ci seront automatiquement évincées du marché."

Inégalité entre cantons

L’autorisation d’exploiter dans le Jura pour les entreprises de pompes funèbres avait été supprimée en 2008 à cause d'un argument juridique lors de l’adoption de la nouvelle loi cantonale sur les activités économiques. Ce type d’autorisation était désormais contraire à la loi fédérale sur le marché intérieur et c’est toujours le cas. Ce qui pourrait bien poser quelques soucis d’application aux cantons qui ont choisi de réglementer le secteur.

"Ca ne réglera pas le problème puisque le régime des organisations qui prévalait par le passé n'existe plus avec la loi sur le marché intérieur, qui est une loi fédérale", explique Claude-Henri Schaller, chef du Service jurassien de l’économie et de l’emploi.

"Autrement dit, les cantons ont la possibilité d'introduire des régimes d'autorisation, mais rien n'empêche une entreprise d'un canton qui n'exige pas cette autorisation d'aller opérer dans des cantons où prévaut un régime d'autorisation. Ce qui crée une inégalité de traitement entre les entreprises qui sont soumises à ces autorisations et celles qui peuvent venir opérer parce qu'elles viennent d'un canton où il n'y a pas ce régime là."

Gaël Klein/lgr

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