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Le suicide assisté n'est pas garanti pour les locataires de résidences pour seniors à Genève

L'assistance au suicide reste un besoin important dans la population suisse, selon l'association. [Keystone - Gaëtan Bally]
Le suicide assisté n'est pas garanti à Genève dans les résidences pour personnes âgées / Le Journal du matin / 2 min. / le 31 juillet 2017
Il n'y a pas de loi à Genève autorisant l'intervention d'associations telles qu'Exit dans les hôpitaux et les homes, contrairement à d'autres cantons. Si bien que des locataires de résidences procèdent à leur suicide assisté dans leur propre famille.

Christine Brennenstuhl est accompagnatrice d'Exit, en particulier dans les établissements qui accueillent les personnes âgées. Dans la plupart d'entre eux, elle est bien accueillie. Mais il y a un mois, la direction d'une résidence genevoise a refusé son accompagnement.

"J'ai déjà vécu évidemment ce genre de situation où il y a un refus d'assistance dans un établissement", explique-t-elle dans le Journal du matin de la RTS. "Mais dans le cas particulier, cette personne était locataire de son appartement. Évidemment, c'était une résidence pour seniors. Mais dans cette résidence où le directeur s'oppose à ce que Exit vienne assister cette personne pour son départ, c'est une première."

Dans le salon, un canapé, ou une petite chambre de la famille

Lorsqu'un tel refus se produit, Exit cherche à trouver des solutions alternatives. En principe, c'est la famille qui accueille la personne âgée, avec tous les problèmes que cela peut poser.

"Quand on lui dit que non (...) qu'il faut qu'elle aille mourir ailleurs, alors non seulement on ne se préoccupe pas de ce que ça suscite comme inquiétude, comme angoisse... Et puis ce que ça implique pour la famille, pour les enfants, pour les petits-enfants. La famille doit vivre aussi des choses qui sont douloureuses. Et à cela s'ajoutent des préoccupations supplémentaires: les conditions dans lesquelles cela va se passer. Il faut trouver une solution soit dans le salon, soit dans un canapé, soit dans une petite chambre que l'on va aménager", explique l'accompagnatrice d'Exit, en soulignant la potentielle crainte de se remémorer l'événement à chaque fois que l'on met la clé dans la serrure.

Une dizaine de cas recensés

Durant les neuf derniers mois, il s'est produit à Genève une dizaine de cas où Exit n'a pas pu accompagner des personnes âgées dans leur lit d'hôpital ou d'EMS (lire ci-dessous le témoignage d’un homme qui a dû accueillir sa mère pour ses derniers instants). Confrontée à de telles situations, Christine Brennenstuhl a décidé d'écrire à Mauro Poggia, le magistrat genevois en charge de la santé.

A noter que le Grand Conseil genevois aura bientôt à débattre d'un projet, qui demande de garantir le droit au suicide assisté dans les EMS et les hôpitaux.

"Il y a des choses à régler", estime Mauro Poggia

Interrogé lundi dans le Journal du matin, Mauro Poggia estime qu'à la lueur des témoignages relatés par la RTS, "la situation n'est pas encore réglée, même si dans la plupart des cas, les solutions sont trouvées."

"De là à dire que ces solutions doivent venir d'un texte législatif, il y a un pas que je ne franchirai pas, poursuit le conseiller d'Etat. Si nous avions fait un texte législatif il y a 10 ans, aujourd'hui il serait dépassé. Celui que nous ferons aujourd'hui sera dépassé dans 5 ans. Je pense que les députés doivent avoir l'humilité de comprendre qu'il s'agit d'un sujet de société qui n'englobe pas que des facettes juridiques."

Exit est une véritable machine qui fonctionne avec des sommes extrêmement importantes pour une association

Mauro Poggia, conseiller d'Etat genevois

Questionné également sur le militantisme d'Exit, Mauro Poggia estime qu'il s'agit d'une association "qui certainement a permis à beaucoup de personnes dans la souffrance de nous quitter dans la dignité. Maintenant, le travail militant que fait Exit me gêne personnellement. Il y a, nous dit-on, 125'000 membres en Suisse qui versent une cotisation de 35 à 40 francs. Si l'on fait appel à Exit alors que l'on est membre depuis moins d'une année, on paie un peu plus de 300 francs pour pouvoir obtenir leurs services. Tout cela fait des sommes importantes, j'ai calculé entre 4,5 et 5 millions. C'est un gros chiffre d'affaires.

"Je pense que ce sont des militants qui ont le mérite d'avoir posé sur la place publique un sujet de société important. Mais parfois la médiatisation que fait Exit de certaines situations va à l'encontre des buts recherchés. Ces solutions que nous devons rechercher ensemble doivent l'être dans la finesse et non pas avec le bulldozer de la déclaration pour émouvoir le public."

"Il y a à la base un but altruiste, mais derrière tout cela, avec le temps, s'est créée une véritable machine qui fonctionne avec des sommes extrêmement importantes pour une association. Il ne faut pas être dupe et être conscient (...) qu'Exit a intérêt que l'on parle d'elle. Plus on parle d'elle, plus elle aura de cotisants", conclut le conseiller d'Etat genevois.

>> La réaction de Mauro Poggia dans le Journal du matin :

Mauro Poggia, conseiller d'Etat genevois en charge du Département de l'emploi, des affaires sociales et de la santé. [Keystone - Martial Trezzini]
L'invité de la rédaction - Mauro Poggia / Le Journal du matin / 23 min. / le 31 juillet 2017

Sylvie Lambelet/jzim

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Le témoignage d'un homme qui a dû accueillir sa mère chez lui pour ses derniers instants

Confronté à pareille situation, le fils d'une locataire d'une résidence genevoise pour seniors a expliqué lundi dans le journal du Matin dans quelles conditions il a dû accueillir sa mère chez lui pour bénéficier de l'assistance d'Exit.

"Le directeur de la résidence où était ma mère a été informé par son personnel du désir de ma mère et du projet qu'elle avait, puisqu'elle avait pris rendez-vous avec Exit pour mettre fin à ses jours. (...) J'ai considéré que la prise de décision et l'intervention du directeur de cette résidence constituait un abus de pouvoir, car ma mère était locataire de l'appartement... elle était donc chez elle. Mais avec les appuis dont elle a bénéficié de notre part, c'est à dire la possibilité d'aller faire ça ailleurs, nous avons réglé la situation pour le mieux. (...) Ce qui me choque, c'est que des personnes plus vulnérables que ne l'étaient ma mère se trouveraient dans un désarroi total et seraient tentées, en raison d'un telle déclaration, de passer à l'acte sur le plan suicidaire dans des conditions épouvantables, avec la colère au ventre..."

Son témoignage dans le Journal du matin: