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Des élus romands font chambre à part pour défendre le bilinguisme à Bienne

Le nouvel exécutif biennois entre en fonction ce 1er janvier 2013. [Keystone - Peter Klaunzer]
Les francophones de Bienne sous le joug de la majorité germanophone? / Le Journal du matin / 3 min. / le 21 février 2017
Bienne (BE) a-t-elle mal à son bilinguisme? Des élus romands au Conseil de Ville ont en tous les cas décidé de s'affranchir de leurs collègues alémaniques pour défendre la place de la minorité francophone.

Avec 40% de Romands et 60% d'Alémaniques, Bienne est souvent présentée comme la vitrine du bilinguisme en Suisse. Pourtant, coup sur coup, le Parti libéral-radical et le Parti socialiste au Conseil de Ville, le législatif, viennent de décider de se scinder en deux, créant un groupe germanophone et un groupe francophone.

Cette anecdote fait douter le journaliste Christian Strübin, qui s'est récemment penché sur la question du bilinguisme à Bienne. "Le canton de Berne est fier d'être bilingue; on dit toujours que le canton de Berne est un constructeur de ponts, mais la réalité n'est peut-être pas aussi rose", affirme le reporter de la chaîne publique alémanique SRF.

La règle de la démocratie, c'est que la majorité décide. Si cette règle est appliquée dans le contexte bilingue, les Romands sont toujours minorisés. Toujours, toujours, toujours.

Cédric Némitz, conseiller municipal socialiste

Les Romands font-ils chambre à part au Parlement en raison d'une crise du bilinguisme? Pour Daniel Suter, le chef du nouveau groupe PLR romand, il s'agit plutôt d'une prise de conscience. "Il n'y a pas de cadeau de la part de la majorité alémanique et si les francophones veulent exister à Bienne, c'est à eux de se montrer, de participer, de parler leur langue dans toutes les situations et de se faire entendre."

"Un fond de mauvaise humeur qui grandit"

L'idée derrière cette manoeuvre est de rappeler à la majorité que la minorité francophone existe, explique le conseiller municipal Cédric Némitz. "La règle de la démocratie, c'est que la majorité décide. Si cette règle est appliquée dans le contexte bilingue, les Romands sont toujours minorisés. Toujours, toujours, toujours", insiste l'élu socialiste.

"Le président du PS biennois doit comprendre cela, et il ne l'a pas encore compris", ajoute Cédric Némitz, en référence à la grogne de la majorité alémanique du parti, qui a très mal accueilli la volonté romande de créer son propre groupe. "Il y a un fond de mauvaise humeur qui grandit et je pense qu'on doit prendre cette mauvaise humeur au sérieux", avance-t-il.

Les francophones sont trois fois en minorité: en ville, dans le canton et en Suisse.

Peter Bohnenblust, président du PLR biennois alémanique

Les francophones, qui représentent près de la moitié de la population, "attendent d'être traités comme les autres", surenchérit l'élu socialiste. Et le directeur de la Formation, de la Culture et du Sport de citer l'exemple de la Coop et de la Migros de Bienne, où "tout se passe en allemand" et où "il n'y a pas de places pour des apprentis francophones".

Une plus grande visibilité pour les Romands

On a l'habitude des Romands qui se plaignent, constate de son côté le président du PLR alémanique Peter Bohnenblust. Tout en comprenant la démarche des francophones "car ils sont trois fois en minorité, en ville, dans le canton et en Suisse", le responsable déplore cependant cette volonté de séparation. Selon lui, "si on se battait ensemble, on serait encore plus forts".

"C'est vrai que la première lecture peut être une séparation, une division", reconnaît pour sa part la cheffe du nouveau groupe socialiste romand Glenda Gonzalez Bassi. Mais en fin de compte, l'élue PS y décèle "une opportunité autant pour les Alémaniques que pour les francophones", en particulier pour la gauche, "parce que nous aurons des voix supplémentaires".

Alors, en définitive, cette séparation des langues au Conseil de ville est-elle une bonne idée ou non? Tout le monde semble d’avis que, au niveau politique, cela ne va pas changer grand-chose. Selon le journaliste Christian Strübin, cela pourrait néanmoins être "constructif pour la force romande", notamment en termes de visibilité.

Alain Arnaud/dk

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