Ils regardent la mort en face

Grand Format Reportages radio

RTS - Deborah Sohlbank

Introduction

En cette semaine de Toussaint, "Ici la Suisse" s'est penché sur la thématique de la mort et ceux qui la côtoient de très près, qui parfois même en vivent. Retrouvez ici tous les reportages de cette série spéciale.

Reportage 1
Le travail d’une thanatopractrice

La thanatopraxie, aussi appelée embaumement, est l’art de préserver les corps. Ce procédé permet de conserver une dépouille jusqu’à un mois, contre à peine quelques jours si aucun soin particulier n’est effectué par les pompes funèbres.

Le métier de thanatopracteur n'est pas courant. En Suisse, ils ne sont que quatre, tous formés à l’étranger car il n’existe pas de formation dans le pays.

Myriam Marti, 40 ans, pratique la thanatopraxie depuis deux ans. Après une formation dans la banque, cette Vaudoise s'est reconvertie et travaille désormais à domicile ou pour des pompes funèbres à Genève. C'est là que la RTS l'a rencontrée, pendant un embaumement.

>> Ecouter le reportage :

Myriame Marti, thanatopratrice à Genève. [RTS - Virginie Gerhard]RTS - Virginie Gerhard
Ici la Suisse - Publié le 28 octobre 2019

Les soins consistent notamment à extraire du corps le sang et les liquides, car ce sont eux qui accélèrent la décomposition, et à injecter un produit à base de formol via une incision dans la carotide.

Ensuite, il y a la préparation et l'embellissement du corps: habillage, maquillage, coiffage. C'est cet aspect du métier que Myriam Marti aime le plus. "Quand je peux prendre le temps de leur faire une coupe, les habiller... J'aime bien la finalité", dit-elle.

Après les soins, le corps est déposé dans son cercueil puis conduit vers le salon funéraire. "Quand on voit [les corps embaumés] dans leur cercueil, on parle souvent de cette impression qu'ils dorment", décrit la thanatopractrice, qui pense que cela contribue à rendre la séparation moins difficile.

Ce qui l'a menée à exercer ce métier hors du commun? "J'ai assisté à pas mal d'enterrements dans ma vie, et j'ai toujours trouvé que c'étaient de beaux moments, (...) des moments de vérité", répond-elle.

Cela ne l'empêche pas d'avoir peur de la mort, au contraire. "Je pense que je fais tout ça parce que j'en ai peur, peut-être encore plus que n'importe qui. Peut-être que c'est une façon d'apprivoiser cette mort."

En Suisse, l'embaumement est encore marginal, contrairement à la France ou aux pays anglo-saxons. Myriam Marti effectue une vingtaine d’interventions par mois dans toute la Suisse romande et remarque un intérêt en Valais, où il est plus commun de veiller les morts.

Globalement, la thanatopraxie offre davantage de temps aux familles, et peut également servir dans le cadre de rapatriements.

Il existe un flou juridique autour de la question de l'embaumement. En Suisse romande, seul le canton de Vaud soumet cette pratique à une autorisation. Le plus souvent, la loi ne spécifie rien.

Sur le plan tarifaire, un embaumement coûte environ 500 francs. Un coût plutôt marginal au regard du prix d'un enterrement classique (entre 4000 et 8000 francs) ou d'une crémation (environ 5000 francs).

Reportage 2
Des pompes funèbres pour animaux

Josiane Stoll habite dans le village de Prez-vers-Noréaz, dans le canton de Fribourg. Elle a créé Amis Forever, une entreprise de pompes funèbres pour animaux domestiques. Concrètement, elle s'occupe d'aller chercher l'animal, de l'incinération -qui a lieu à Vidy (VD)- puis de la remise des cendres aux propriétaires.

>> Ecouter le reportage :

Josiane Stoll, créatrice de l'entreprise de pompes funèbres pour animaux domestiques "Amis Forever", pose avec ses deux chiens huskies Cayenne et Spyke. [RTS - Fabrice Gaudiano]RTS - Fabrice Gaudiano
Ici la Suisse - Publié le 30 octobre 2019

Josiane Stoll s'occupe d'une vingtaine de cas par année. Ses clients sont essentiellement des propriétaires de chats et chiens, mais parfois aussi de chevaux. La RTS l'a rencontrée à son domicile, entourée de ses chiens Spyke et Cayenne.

L'idée de ce métier lui est venue il y a trois ans, lorsque l'un de ses chiens a été malade pendant plus de trois semaines. "Je me suis demandée ce qui allait se passer après", raconte-t-elle.

"Si on ne dit rien, ça part en déchets carnés ou en équarrissage, et (...) c'est transformé en combustible pour usines à ciment. Ce n'était pas possible, il fallait que je trouve une autre solution." Après quelques recherches, Josiane Stoll a appris qu'une seule personne pratiquait ce métier en Suisse romande, et décidé de se lancer à son tour.

"On l'aimait comme notre enfant"

Direction Posieux (FR). Josiane Stoll s'y rend pour apporter à ses clients Alex et Marco l'urne funéraire contenant les cendres de leur jack-russel Zack, euthanasié à cause d'un cancer.

La perte de leur chien a été très difficile pour eux. "On est deux hommes, on n'aura jamais d'enfant donc (...) on l'aimait comme notre enfant", confie le couple. "Les premiers jours, on a beaucoup pleuré, mais maintenant (...) on a oublié la maladie qu'il avait (...) et gardé l'image d'un chien joyeux."

Le rituel de l'urne, placée sur un meuble dans leur séjour, a aidé Alex et Marco dans leur deuil. "Pour nous, c'était important de l'avoir avec nous", expliquent-ils.

Enterrement interdit

Les tarifs oscillent entre 200 et 700 francs pour l'incinération et l'urne des chats et chiens, et entre 3500 et 5000 francs pour les chevaux. D'autres sociétés industrielles s'occupent aussi du ramassage des dépouilles chez les vétérinaires, pour incinération puis recyclage.

Enterrer un animal mort dans son jardin ou en forêt est en effet interdit, en raison du risque d'épizooties et de propagation d'autres maladies.

Reportage 3
Les secrets des pierres tombales

Le Muséum d'histoire naturelle de Neuchâtel organise au cimetière des visites guidées géologiques. Ces promenades un peu particulières ne s'intéressent pas à l'histoire des lieux ou aux personnalités qui y reposent, mais aux pierres tombales.

Le conservateur du musée s'est aperçu l'année dernière que la sépulture d’Emile Argand, géologue suisse et référence internationale, était complètement délaissée.

Sa tombe a donc été restaurée et les scientifiques se sont rendus compte que le cimetière Beauregard abritait un échantillonnage important de roches venant de partout dans le monde, et de tous les âges. C'est ainsi qu'est née l'idée d'organiser des visites pour les curieux et les amateurs de tectonique des plaques.

>> Ecouter le reportage :

Le Muséum d'histoire naturelle de Neuchâtel organise des visites guidées géologiques au cimetière. [RTS - Deborah Sohlbank]RTS - Deborah Sohlbank
Ici la Suisse - Publié le 29 octobre 2019

Au fil du tour, les participants parcourent les pierres tombales, s'arrêtent sur les noms des défunts dont quelques-uns sont prestigieux, et découvrent les origines de roches âgées de plusieurs centaines de millions d'années.

"C'est quelque chose de complètement fascinant", s'enthousiasme la géologue Caroline Reymond, organisatrice de la visite. "Qu'est-ce qu'on est par rapport à l'immensité de notre planète et des âges géologiques?"

Alors même que l'objet du circuit est très rationnel, des questions métaphysiques se posent dans cet endroit qui convoque inévitablement les notions de temps et de mort.

"Finalement on n'est pas grand-chose, et c'est une notion qui me rassure et me fait du bien", confie la scientifique. "Cela nous enlève un peu de notre importance et, pour moi, c'est quelque chose de positif."

D'une manière générale, de plus en plus de visites, sur des thèmes divers, sont organisées dans les cimetières. C'est par exemple le cas au cimetière des Rois à Genève, où de nombreuses personnalités sont inhumées.

Les cimetières tendent à se réinventer et à devenir aussi des lieux de vie. Cela s'explique notamment parce qu'aujourd'hui, seuls un défunt sur dix se fait inhumer, et que les cendres funéraires ne sont pas systématiquement mises en terre.

Reportage 4
Organiser ses funérailles en famille

Organiser ses propres funérailles est une pratique qui commence à se démocratiser. Les contrats de prévoyance sont en augmentation depuis environ trois ans et représentent aujourd’hui environ 15% des décès.

Le contenu des contrats de prévoyance est très large et va du choix du cercueil, au type de cérémonie recherchée. La prévoyance permet surtout d’exprimer ce que l’on souhaite pour ses derniers instants et de déléguer les responsabilités.

Conteuse et thanatologue, Alix Noble Burnand est elle-même une professionnelle des questions de deuil. A 67 ans elle est en pleine santé, mais après avoir été confrontée au décès de sa fille il y a trois ans, elle souhaite régler la question de ses propres funérailles.

>> Ecouter la version longue du reportage :

Alix Noble-Burnand et ses fils lors d'un rendez-vous aux pompes funèbres. [RTS - Pauline Turuban]RTS - Pauline Turuban
La Matinale 5h - 6h30 - Publié le 1 novembre 2019

"Je me suis rendue compte qu'il fallait vraiment qu'on parle de ça avec mes enfants parce qu'il y a des choses qu'on peut préparer et dédramatiser", explique-t-elle. "D'un côté, ça donne une réalité à la possibilité de la mort, et en même temps ça donne des outils. On ne se sent pas impuissant donc pour moi il y a quelque chose qui sort de l'angoisse."

>> Regarder la vidéo :

Organiser sa mort en famille
L'actu en vidéo - Publié le 31 octobre 2019

Accompagnée de deux de ses fils, elle s’est rendue dans des pompes funèbres à Lausanne pour un premier entretien d'information. Une discussion très intime au cours de laquelle de nombreux sujets ont été abordés, du très concret au plus existentiel.

En ce qui concerne le coût, il faut compter en moyenne 5000 francs pour un contrat de prévoyance, qui comprend le travail des pompes funèbres, le cercueil, la cérémonie et le faire-part. La facture peut prendre l’ascenseur en fonction des souhaits de la personne.

A noter que si le paiement est effectué longtemps à l’avance, il n'est pas exclu que les tarifs puissent évoluer, principalement en raison de l'évolution de certaines taxes comme la taxe d’inhumation ou la TVA.

Reportage 5
Les dons de corps à la science sont en hausse

Des instruments chirurgicaux (image d'illustration). [RTS - Virginie Gerhard]RTS - Virginie Gerhard
Ici la Suisse - Publié le 1 novembre 2019

De plus en plus de citoyens choisissent de faire don de leur corps à la science au crépuscule de leur vie. L’Institut d’anatomie de l’Université de Zurich reçoit ainsi chaque année près de 80 dépouilles, sur lesquelles les étudiants en médecine peuvent s'exercer.

"Avec de l’argent, l’université peut acheter tout le matériel qu’elle veut, sauf des dépouilles", précise le responsable de l’Institut d’anatomie Oliver Ullrich. Pour la plupart des étudiants il s'agit d'une première confrontation à la mort, alors qu'elle fera à l'avenir partie de leur quotidien.

Les dons de corps sont en augmentation alors même que le nombre de dissections tend à diminuer. Mais l'image, véhiculée ces dernières semaines dans la presse alémanique, de caves d'universités remplies de dépouilles fâche les chercheurs.

Car pour être conservé plusieurs années, un corps a besoin d’un encadrement technique coûteux. Il n’est en aucun cas question d’empiler les cadavres, proteste Oliver Ullrich.

7 corps sur 10 viennent du Tessin

Le Tessin est le plus grand pourvoyeur de corps du pays: sept corps sur dix proviennent de Suisse italienne, et la raison n'est pas vraiment connue. Il est possible d'y voir un parallèle avec le don d’organes, pour lequel le Tessin se distingue aussi.

Autre hypothèse: les économies générées. Donner son corps permet d’éviter à ses proches des funérailles qui peuvent coûter entre 3000 et 5000 francs, parfois plus. Mais le responsable de l’Institut d’anatomie rejette cette explication, puisque tout candidat ou candidate au don de son corps est prié de prévoir un plan B en cas de refus.

Les instituts d’anatomie des universités suisses ne sont en effet pas tenus de prendre en charge toutes les dépouilles qui leur sont données. Des antécédents comme une opération, une amputation, une pathologie infectieuse ou de l’obésité sont autant de facteurs d’exclusion.

Et même si tous les critères requis sont réunis, le corps ne sera pas pris en charge si l’institut sollicité estime en avoir déjà suffisamment.

Reportage 6
Une start-up spécialisée dans la mort numérique

Ralph Rimet a fondé la plateforme Tooyoo, sorte de testament en ligne qui permet de gérer la transmission aux proches des dernières volontés, des biens mais aussi des données numériques en cas de décès.

"On répertorie l'ensemble des informations nécessaires à la fin de vie, (...) les directives médicales, le testament ou tous les mots de passe nécessaires à la transmission des réseaux sociaux", détaille l'entrepreneur.

>> Regarder l'intégralité de l'interview :

Le Forum des idées- Une start-up gère les données numériques des morts
Forum - Publié le 28 octobre 2019

Pour Ralph Rimet, gérer sa mort numérique est une nécessité. Et d'évoquer les comptes Facebook de personnes décédées mais toujours actifs. "C'est (...) dérangeant pour beaucoup de gens", raison pour laquelle la plateforme permet de désactiver les comptes réseaux sociaux des personnes décédées.

Parmi ses clients, l'entrepreneur compte des trentenaires mais aussi des personnes plus âgées. "La personne la plus âgée sur la plateforme a 90 ans", relève Ralph Rimet.

L'abonnement sur la plateforme coûte 39 francs par an. Il comprend le stockage des informations mais aussi la transmission des données à la famille. "Cette dernière sera accompagnée étape par étape pour pouvoir annuler les différents comptes et contrats que vous avez contractés pendant votre vie", explique le patron de la start-up.

"Il faut garder à l'esprit qu'avoir clarifié les choses en amont (...) rend service à beaucoup de gens autour de vous et on s'en rend compte une fois qu'une personne décède", conclut-il.