Publié

Etre parent d'assassin, une peine à perpétuité

Sophie M., la mère de Matthieu, qui purge en France une peine à perpétuité pour un meurtre commis à l'âge de 17 ans. [RTS / CHASSEUR D'ETOILES]
Sophie M., la mère de Matthieu, qui purge en France une peine à perpétuité pour un meurtre commis à l'âge de 17 ans. - [RTS / CHASSEUR D'ETOILES]
Comment vit-on quand on est parents d'un assassin? Cette question, taboue, est au coeur de "Parents à perpétuité" d'Anne Gintzburger. "C'est paradoxal, mais j'ai voulu faire un film d'amour", confie-t-elle à RTSinfo.

"On est les parents de Matthieu, d'un petit garçon qui a mal grandi. On a essayé de faire au mieux... Il est devenu un malade. Et le crime est monstrueux". On est saisi dès le début par Sophie M., sa dignité, mais aussi son regard, déchiré, et sa voix, douce. Son fils est à ce jour le seul détenu de France condamné à perpétuité pour des faits commis alors qu'il était mineur.

Il a 17 ans quand il torture, viole, puis assassine Agnès, 13 ans, en novembre 2011. Auparavant, il avait déjà violé une amie. Le drame dit du Chambon-sur-Lignon bouleverse la France.

Parents à perpétuité

Je pense à elle. Cela aurait pu être ma fille. C'est comme si c'était nous qui l'avions fait, ce mal

Sophie M. dans "Parents à perpétuité"

A l'époque, Anne Gintzburger suit ce fait divers de près. Une fois passées les échéances judiciaires, elle prend contact avec la famille de Matthieu par le biais de leur avocat. "Ces gens ne s'exposaient pas, c'était un bon signe à mes yeux", confie la réalisatrice à RTSinfo. Que cache ce silence?

Entre honte, douleur et culpabilité

Un rapport de confiance s'établit entre eux, palpable dans le documentaire. Pétris de honte, de culpabilité et de douleur, Sophie et Dominique M., ainsi que les deux soeurs de Matthieu, racontent - face caméra - ce qu'est devenu leur vie, les visites à la prison, leurs questionnements et leurs doutes.

S'il se livrait à moi, est-ce que je supporterais encore de l'aider, d'aller le voir? Je ne veux pas prendre ce risque-là

Dominique M.

Anne Gintzburger les suit, avec pudeur. "Mon objectif n'était pas qu'on les plaigne, mais qu'on les comprenne. Ca peut paraître paradoxal, mais j'ai voulu faire un film d'amour parce que quand on est parents, on l'est pour toujours. Qu'on le veuille ou non".

Après les faits pour Agnès, on s'est dit: il y a 66 millions de personnes qui le haïssent. Il n'y a plus que nous qui l'aimons

Dominique M.

Si la réalisatrice n'a pas souhaité donner la parole aux parents de la victime, jugeant déplacé d'opposer la peine des uns à celle des autres, elle a veillé à ce qu'Agnès ne soit pas oubliée. Dans le film, son visage, sans cesse, revient.

Une question de société

Récit poignant d'un amour parental pris en tenaille entre l'attachement à un enfant et un crime abominable, "Parents à perpétuité" (à revoir ci-dessus jusqu'au 6 décembre) ne peut pas laisser indifférent. Et pose la question de la maladie mentale et de la place de ceux qui en souffrent dans les sociétés occidentales.

Car, la peine à perpétuité réelle n'existant pas en France, Matthieu - qui souffre d'une forme de schizophrénie - sera un jour libéré. Il aura alors environ 40 ans. Et, confie Anne Gintzburger, sa mère y pense déjà tout le temps.

Juliette Galeazzi

Publié