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Ces sept affaires qui minent le projet de moralisation promis par Emmanuel Macron

Marielle de Sarnez et Richard Ferrand, deux membres du premier gouvernement de la présidence Macron en France. [Keystone - François Mori/Christophe Petit Tesson]
Marielle de Sarnez et Richard Ferrand, deux membres du premier gouvernement de la présidence Macron en France. - [Keystone - François Mori/Christophe Petit Tesson]
La moralisation de la vie politique est l'une des grandes promesses de campagne d'Emmanuel Macron. Mais à peine investi, le nouveau président français voit son projet mis à mal par plusieurs affaires éclaboussant ses proches. Tour d'horizon.

DEUX MINISTRES DANS LA TOURMENTE

1) Richard Ferrand, le ministre "qui mêle vie publique et affaires privées"

C'est la principale épine dans le pied du nouveau président français, qui a fait de la moralisation de la vie politique son cheval de bataille: Richard Ferrand - ancien du Parti socialiste, premier parlementaire à avoir rallié Emmanuel Macron en 2016, catapulté secrétaire général d'En marche puis nommé ministre de la Cohésion des territoires - fait aujourd'hui face à une enquête préliminaire sur ses activités passées ouverte par le parquet de Brest.

>> Lire aussi : La justice française ouvre une enquête contre le ministre Richard Ferrand et la première flèche

Le 24 mai, c'est le Canard enchaîné qui lance

contre celui qui a été l'un des plus proches lieutenants d'Emmanuel Macron durant la campagne présidentielle. En 2011, les Mutuelles de Bretagne, alors dirigées par Richard Ferrand, ont loué des locaux appartenant à une société de sa compagne, révèle l'hebdomadaire satirique.

La deuxième salve est tirée par Le Monde (article payant) le 30 mai avec une enquête sur le "mélange des genres" du ministre âgé de 54 ans. Ce dernier "mêle depuis 20 ans vie publique et affaires privées", écrit le journal, qui évoque des contrats accordés par les Mutuelles de Bretagne à des proches, des assistants parlementaires non déclarés, dont le propre fils de l'élu, ou encore un conflit d'intérêts au Parlement.

>> L'affaire Ferrand fait écho à l'affaire Fillon :

Le candidat malheureux à la présidentielle française François Fillon et le ministre Richard Ferrand. [EPA/Keystone - Etienne Laurent/Charles Platiau]EPA/Keystone - Etienne Laurent/Charles Platiau
En France, l’affaire Richard Ferrand fait écho à l’affaire François Fillon / Le Journal du matin / 1 min. / le 1 juin 2017

L'ouverture d'une enquête préliminaire fragilise la défense de Richard Ferrand, qui réfute en bloc les accusations. Interrogé sur ces affaires le 31 mai sur France Inter, il soulignait ne pas être mis en cause par la justice, mais par le "tintamarre médiatique". Et le ministre d'ajouter que tout ce qu'il a fait dans sa vie professionnelle est "légal, public, transparent".

Richard Ferrand peut encore se prévaloir du soutien du Premier ministre Edouard Philippe, même si ce dernier a indiqué avoir "parfaitement conscience de l'exaspération des Français". Reste que les citoyens auront le dernier mot: le ministre devrait démissionner de son poste s'il perdait l'élection législative dans la 6e circonscription du Finistère, où il brigue un second mandat de député.

2) Marielle de Sarnez, soupçonnée d'"abus de confiance"

De 1999 à son entrée au gouvernement français il y a à peine plus de deux semaines, Marielle de Sarnez, 66 ans, a été députée européenne. La nouvelle ministre des Affaires européennes est sous le coup d'une enquête préliminaire pour "abus de confiance" ouverte le 22 mars dernier, indique Le Parisien lundi 29 mai. En cause: des soupçons d'emplois fictifs concernant son ancienne attachée au Parlement européen.

C'est une dénonciation de l'eurodéputée Sophie Montel (Front national), elle-même mise en cause pour des faits similaires, qui a mis le feu aux poudres. Celle-ci a signalé le cas de 19 élus français au Parlement européen de tous bords politiques, dont celui de la cofondatrice et vice-présidente du Modem, le parti centriste de François Bayrou.

Marielle de Sarnez réfute catégoriquement ces accusations et annonce mardi 30 mai avoir porté plainte pour "dénonciation calomnieuse contre Mme Sophie Morel". Dans un communiqué publié sur Twitter, la ministre précise que son assistante "a fourni un travail assidu" et que son contrat de travail "a été validé et approuvé par le Parlement européen", encadré par des règles "bien plus strictes" que celles en vigueur en France.

>> Les explications de l'affaire :

Marielle de Sarnez. [Citizenside/AFP - Christophe Bonnet]Citizenside/AFP - Christophe Bonnet
La ministre française Marielle de Sarnez au coeur d'une enquête sur des emplois fictifs / Le 12h30 / 1 min. / le 30 mai 2017

DEUX CANDIDATS AUX LÉGISLATIVES SUSPENDUS

3) Christian Gerin et ses tweets antisionistes

Le journaliste et producteur de télévision Christian Gerin, 62 ans, investi jeudi 11 mai par La République en marche dans la 5e circonscription de Charente-Maritime, a été suspendu dès le lendemain. Cette décision faisait suite à une dénonciation de la Ligue contre le racisme et l'antisémitisme (Licra) à propos des messages critiques d'Israël et antisionistes - qualifiés d'"antisémites" par la Licra - publiés sur Twitter.

Saisie de ce cas, la commission d'éthique a décidé de lui retirer l'investiture. "La violence de ses propos ne correspond pas aux valeurs de notre mouvement", indique mercredi 31 mai le service de presse de La République en marche, cité par le site de France 3. Christian Gerin, de son côté, assume ses propos et se défend d'être antisémite, qualifiant les accusations portées à son encontre de "boules puantes" électorales. "Mon hostilité est dirigée contre la politique menée par Israël aujourd'hui", affirme-t-il.

Reste que, selon la référente départementale du mouvement, citée par le journal Sud-Ouest, Christian Gerin a été blanchi des accusations d'antisémitisme. Sur Facebook, ce dernier continue d'ailleurs à faire campagne avec des affiches faisant figurer la photo d'Emmanuel Macron ainsi que la mention "Soutien au président de la République". Un autre candidat investi par le Modem, Gérard Potennec, se réclame pourtant lui aussi de la majorité présidentielle.

4) Pierre Cabaré, condamné à une peine d'inéligibilité

Candidat dans la 1ère circonscription de Haute-Garonne, dans le Sud-Ouest, Pierre Cabaré, 59 ans, a vu son investiture suspendue par La République en marche le 28 mai. La raison: une vieille peine d'inéligibilité d'un an prononcée en 2003 à la suite du rejet de ses comptes de campagne pour les législatives de 2002. Une peine que le candidat avait omis de mentionner lors de sa demande d'investiture.

Dans un communiqué, le parti présidentiel rappelle avoir posé comme condition l'absence de peine d'inéligibilité et un casier judiciaire vierge pour faire campagne sous la bannière de La République en marche. Pierre Cabaré - prothésiste dentaire de profession - se justifie en affirmant qu'il ne "connaissait rien", à l'époque, des obligations légales en matière de financement des campagnes électorales. "Je n'ai été remboursé de rien, je n'ai rien coûté à la société", relève-t-il. "Je suis honnête. Aujourd'hui, j'ai des comptes précis, au cordeau", ajoute le candidat

Le mouvement a décidé mercredi 31 mai de lui retirer officiellement son investiture, annonce France Bleu. Interrogé, Pierre Cabaré explique pourtant avoir "reçu le feu vert pour continuer la campagne avec les affiches et les logos de La République en marche". Le candidat était d'ailleurs en campagne mercredi sur le terrain dans sa circonscription.

TROIS AUTRES CANDIDATS MIS EN CAUSE

5) Alain Tourret épinglé pour abus d'indemnité

Alain Tourret est député sortant de la 6e circonscription du Calvados. Elu à l'Assemblée nationale en 2012 sous la bannière du Parti radical de gauche, le maire de Moult-Chicheboville, 69 ans, a été investi par La République en marche pour briguer un nouveau mandat. Dans un article au vitriol publié le 23 mai (lien payant), Mediapart pointe du doigt l'utilisation faite par le député de son indemnité représentative de frais de mandat (IRFM).

Achat d'une télévision, tickets de cinéma, parties de golf, frais dans un Club Med au Sénégal, etc.: Mediapart dresse une liste de dépenses réglées par Alain Tourret avec cette indemnité, censée pourtant couvrir des frais exclusivement liés à son mandat. Le site se base sur des documents issus des "Macron Leaks", le député faisant partie des victimes du piratage ayant visé des proches d'Emmanuel Macron durant la campagne.

Après un échange avec le déontologue de l'Assemblée nationale, Alain Tourret reconnaît plusieurs "erreurs d'imputation". Il a mandaté un audit de ses comptes à un expert-comptable, selon son entourage cité par Mediapart. Le député précise avoir remboursé 16'000 euros à la suite de cet examen.

6) Véronique Avril dépeinte en "propriétaire voyou"

Lundi 29 mai, Mediapart publie une autre enquête intitulée "A Saint-Denis, la candidate LREM a agi en propriétaire voyou" (article payant). Le site d'information en ligne y révèle les pratiques immobilières problématiques de Véronique Avril, la candidate aux législatives de La République en marche dans la 2e circonscription de Seine-Saint-Denis.

Cette femme de 50 ans a acheté en 2011 un appartement situé dans un immeuble insalubre, frappé depuis plusieurs années d'un arrêté de péril, ce qui n'est toutefois pas interdit. En revanche, elle a ensuite loué ce bien, "ce qui est en soi illégal" selon Mediapart, qui parle d'un loyer "exorbitant", soit 650 euros par mois pour 23 m2. Interrogé, le députés sortant Mathieu Hanotin (PS) dénonce "un comportement digne d'un marchand de sommeil".

Véronique Avril, qui travaille à la mairie de Paris, confirme les faits, mais plaide la bonne foi, indiquant avoir mené des travaux pour 20'000 euros afin de rendre son appartement habitable. Quant au loyer, elle admet qu'il était "sûrement trop haut", mais précise s'être fait "embobiner" par l'agence immobilière qui s'occupait de l'entière gestion de son bien. La candidate n'a pas été condamnée pour ces faits, contrairement à d'autres propriétaires dans le même immeuble, note pour sa part Le Parisien.

7) Houmria Berrada, condamnée pour falsification de diplôme

Houmria Berrada est la candidate de La République en marche dans la 2e circonscription du Nord. Problème: cette femme de 34 ans, militante antiraciste, a été condamnée en mars 2011 par le tribunal correctionnel de Lille pour falsification de diplôme, révèle La Voix du Nord mardi 30 mai. Elle a écopé de huit mois de prison avec sursis pour faux et usage de faux d'un document administratif, ajoute le journal.

Houmria Berrada, interrogée par La Voix du Nord, se défend vigoureusement, affirmant que la condamnation ne figure pas sur son casier judiciaire, dont elle aurait fourni un extrait à La République en marche. Le comité éthique du mouvement pourrait se pencher sur ce cas, relève son responsable départemental.

Didier Kottelat, avec agences

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