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Rassembler la gauche, l'impossible défi de Benoît Hamon?

Benoît Hamon célèbre sa victoire à la primaire à gauche. [Keystone - AP Photo/Francois Mori]
Benoît Hamon célèbre sa victoire à la primaire à gauche. - [Keystone - AP Photo/Francois Mori]
Large vainqueur de la primaire à gauche, Benoît Hamon voit déjà des défis de taille se présenter. L'ex-ministre devra en premier lieu tenter de rassembler dans son propre parti, puis se faire une place entre Mélenchon et Macron.

Le frondeur Hamon arrivera-t-il à rassembler les socialistes?

Accolade et poignée de main, Benoît Hamon et Manuel Valls ont voulu afficher une unité au soir du 2e tour de la primaire dimanche. "Benoît Hamon est désormais le candidat de notre famille politique", a déclaré l'ancien Premier ministre durant son discours. Et c'est là le principal défi du désormais candidat à la présidentielle: rassembler les socialistes.

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Après les remerciements, le député des Yvelines a lui aussi fait du rassemblement son maître-mot, et ce "malgré les différences". Il avait déjà promis la semaine dernière de faire "tous les gestes nécessaires" pour y parvenir.

Reste que Benoît Hamon se voit propulsé leader d'un PS en pleine déconfiture après un quinquennat décevant de François Hollande. Le parti est passé de 280'000 membres en 2006 à 135'000 en 2016, note Franceinfo, et il est surtout englué dans des tensions qui se sont accumulées depuis cinq ans. "Si Benoît Hamon a gagné quelque chose hier, c'est un tube de colle. Ne lui reste plus qu'à recoller les morceaux du Parti socialiste", résume par exemple Le Courrier picard de lundi.

Benoît Hamon aura en premier lieu fort à faire pour se débarrasser de son image de frondeur, lui qui avait quitté le gouvernement en 2014 à la suite de désaccords profonds. Si la gauche du parti va se retrouver en lui et applaudit la victoire d'un authentique candidat de gauche, l'aile droite du parti va avoir de la peine à oublier les critiques cinglantes qu'il a formulées contre le gouvernement socialiste il y a à peine deux ans.

A la gauche du PS, Marie-Noëlle Lienemann se dit convaincue que Hamon pourra créer un dynamique rassembleuse. Interrogée dans le Journal du matin de la RTS lundi, la sénatrice de Paris pense que les électeurs vont se "remettre en mouvement" derrière lui et notamment les couches populaires déçues par la social-démocratie.

Comme elle, de nombreuses voix du PS ont appelé au rassemblement du parti depuis dimanche soir, jugeant qu'il s'agit de la seule voie possible pour éviter la déroute à la présidentielle.

Une alliance Hamon-Mélenchon-Jadot est-elle envisageable?

Peu après avoir été intronisé candidat, Benoît Hamon a tendu la main à son homologue écologiste Yannick Jadot et à celui de la France insoumise Jean-Luc Mélenchon. Son idée est de "construire une majorité gouvernementale sociale, économique et démocratique".

De l'avis des observateurs, c'est bien la gauche du PS qui a gagné dimanche, ce qui pourrait permettre un rapprochement avec la gauche de la gauche et les écologistes, au risque de braquer l'aile droite du parti. "Le peuple de gauche a clairement fait savoir qu'il attend un candidat et un PS... à gauche toute", note ainsi l'éditorialiste du Parisien.

Et certains dans le parti, à l'image de Gérard Filoche, appuient déjà cette idée d'un grand rassemblement de la gauche pour contrer Emmanuel Macron, François Fillon et Marine Le Pen.

Mais cette idée semble encore très improbable. "On a fait le choix de ne pas participer à la primaire, ce n'est pas pour se rallier au vainqueur", a ainsi déclaré Manuel Bompard, le directeur de campagne de Jean-Luc Mélenchon, à Franceinfo. Quant à Mélenchon lui-même, qui avait balayé la semaine passée l'idée de prendre un café avec Benoît Hamon - "une comédie" - il s'est contenté d'exprimer sur Facebook sa satisfaction de voir gagner Hamon, "qui a chanté des paroles si proches des nôtres". Mais le fondateur du Front de gauche a plusieurs fois rejeté toute idée d'alliance.

Quant à l'écologiste Yannick Jadot, il s'est dit sur BFMTV lundi prêt à rencontrer Benoît Hamon, mais aucunement à lui laisser la place. "Benoît Hamon doit s'émanciper du PS" avant la formation d'une dynamique plus large, a-t-il déclaré.

Comment Hamon pourra-t-il gérer la tentation Macron?

Au final, le plus grand caillou dans la chaussure de Benoît Hamon et du PS reste certainement Emmanuel Macron. De nombreux socialistes ont assuré qu'ils ne pourraient pas pardonner à Hamon sa fronde contre le parti. Et la tentation est grande de rejoindre le mouvement "En marche", notamment pour ceux qui soutenaient Manuel Valls.

Certains ont déjà franchi le cap, comme le député du Cantal Alain Calmette, qui a déclaré dimanche dans un communiqué qu'il était "au-dessus de ses forces" de rejoindre "celui qui n'a eu de cesse d'organiser la division au sein de la majorité parlementaire".

D'autres assurent qu'il leur est impossible d'appuyer certaines idées de Hamon ou ont même demandé à se mettre en retrait dans la campagne. Et alors que certains ténors de la gauche ont déjà dit qu'ils appuyaient Emmanuel Macron et que d'autres pourraient encore le faire, l'ancien ministre de l'Economie voit ses rangs se garnir peu à peu. Et ses soutiens ont profité de la primaire à gauche pour lancer des appels du pied aux insatisfaits du PS, à l'image du maire de Lyon Gérard Collomb ou du fondateur des Jeunes avec Macron Sacha Houlié.

Benoît Hamon a-t-il une chance de participer au 2e tour?

De longue date, les sondages assurent que Benoît Hamon ne sera jamais au 2e tour de la présidentielle, mais un inversement de tendance est encore possible. Au soir du 1er tour de la primaire, Benoît Hamon était placé en 5e position avec 8% des intentions de vote loin derrière Marine Le Pen, François Fillon, Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon.

A l'issue du second tour de la primaire, un sondage publié par Le Figaro dimanche soir le donnait en nette progression, au 4e rang avec 15% d'intentions de vote, derrière Le Pen (25%), Fillon (22%) et Macron (21%), mais désormais loin devant Mélenchon (10%).

Dans le camp socialiste, on se plaît désormais à insister sur le fait que personne n'aurait parié sur Benoît Hamon il y a quelques mois et que personne n'aurait parié sur François Fillon lors de la primaire à droite. Un retournement est donc toujours possible, assurent-ils, mais ce chamboulement passe obligatoirement par un large rassemblement.

Frédéric Boillat

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