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"En frappant le PKK, le président turc Erdogan vise à accroître son pouvoir"

Gérard Chaliand, spécialiste des conflits.
Gérard Chaliand, expert en géopolitique / L'invité de la rédaction / 25 min. / le 10 août 2015
La Turquie mène des raids contre le groupe EI et, surtout, contre la guérilla kurde du PKK en Irak. Ce que poursuit le président Erdogan, c'est un pouvoir renforcé, estime l'expert en géopolitique Gérard Chaliand.

L'agence turque Anatolie a annoncé dimanche que quelque 390 combattants du PKK avaient été tués en deux semaines de raids contre des bases rebelles kurdes dans le nord de l'Irak. Dans le même temps, trois attaques seulement ont visé le groupe Etat islamique, aussi appelé Daech.

"La politique du pire"

Pour l'universitaire français Gérard Chaliand, interrogé dans Le Journal du matin de RTS La Première, la stratégie militaire choisie par Recep Tayyip Erdogan "vise une chose essentiellement: le pouvoir, conserver le pouvoir, accroître son pouvoir, devenir le président indiscuté et indiscutable."

Le président turc chercherait à relancer les hostilités avec le PKK, avec lequel il est en pourparlers depuis deux ans, afin de pousser la guérilla kurde à reprendre les opérations militaires, estime l'expert en géopolitique, coauteur de "La question kurde à l'heure de Deach".

"De larges milieux libéraux pensent que Recep Tayyip Erdogan joue la politique du pire pour servir ses intérêts", relève Gérard Chaliand. "C'est effectivement le cas", ajoute l'universitaire.

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Une stratégie électoraliste?

Pour ce dernier, le président "table sur l'ultra-nationalisme de la population turque" pour reprendre la main après le succès du parti kurde HDP aux législatives de juin. Lors de ce scrutin, l'AKP de Recep Tayyip Erdogan n'avait pas réussi à obtenir la majorité absolue qu'il convoitait.

Gérard Chaliand pense que le leader islamo-conservateur va convoquer de nouvelles élections et "qu'il va faire un bien meilleur score que les 40% qu'il a obtenus la dernière fois".

La guerre contre Daech, un "paravent"

Par ailleurs, loin de viser les djihadistes de l'Etat islamique, Ankara veut à éviter que les Kurdes, qui ont obtenu de réels succès militaires en Syrie voisine, ne disposent d'une bande de terre continue de l'Irak jusqu'à la Méditerranée, selon l'expert en géopolitique.

La Turquie a reçu l'aval de Washington pour cette stratégie en échange de l'accès à la base militaire turque d'Incirlik. "C'est une remarquable manoeuvre politique pour contrer un adversaire potentiel", résume Gérard Chaliand.

Dans cette optique, le combat contre le groupe Etat islamique est selon lui un "paravent". "Le président Erdogan a beaucoup aidé Daech. Il n'y a aucune hostilité à l'égard de Daech en Turquie, bien au contraire", affirme l'expert en géopolitique.

dk

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