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"La Tunisie est maintenant un pays démocratique comme les autres"

Le président tunisien Moncef Marzouki. [Fethi Belaid]
Moncef Marzouki, ancien président tunisien / L'invité de la rédaction / 23 min. / le 1 mai 2015
L'ancien opposant et président tunisien Moncef Marzouki a évoqué sur la RTS la situation de son pays et son rôle dans le processus démocratique, annonçant en outre la création d'une fondation à Genève.

"Nous sommes passés par une période intermédiaire assez difficile, mais je peux dire qu'actuellement la Tunisie est un pays démocratique comme les autres", a dit Moncef Marzouki vendredi dans le Journal du matin de la RTS.

Mais l'ancien président tunisien, 69 ans, n'en dresse pas moins le catalogue des obstacles qui se dressent sur le "très long chemin qui mène à une société véritablement démocratique". Car selon "l'opposant constructif", tous les objectifs de la révolution qui ont chassé Zine el-Abidine Ben Ali en 2011 ne sont pas atteints.

C'est dans l'optique d'assurer l'avenir démocratique de son pays que Moncef Marzouki vient de lancer le Mouvement du peuple de citoyens et d'annoncer la création d'une fondation à Genève (lire encadré).

"Pas de baguette magique"

Le médecin de formation et militant des droits de l'homme constate que toute révolution engendre des régressions, une part de déception de la population envers les nouveaux gouvernants "qui n'ont pas de baguette magique. Il faut être très méfiants, très exigeants et aussi très patients."

Moncef Marzouki n'est par conséquent pas étonné que des acteurs politiques de l'ancien régime soient revenus au pouvoir. Mais les avertit: "Vous êtes revenus par la démocratie, mais ne touchez pas à la démocratie, car nous sommes prêts à nous battre à nouveau si vous y touchez."

"Je ne suis pas Sarkozy"

Son avenir? Moncef Marzouki réfute toute volonté de retour sur le tout devant de la scène politique tunisienne: "Je ne suis pas Sarkozy. Je ne me lève pas tous les matins en me disant qu'il faut que je retourne à Carthage! Mon ambition est un peu plus complexe: aujourd'hui, je veux faire un travail d'idées, de rêves, de propositions, de formation des nouvelles élites."

L'écrivain tunisien dit aussi avoir toujours réfuté "le distinguo qu'on essaie de faire partout entre laïcs et islamistes. Pour moi, la ligne rouge est entre démocrates et anti-démocrates." Ajoutant qu'en Tunisie, nous avons la chance d'avoir des islamistes dans la famille démocrate".

"Société éclatée"

Revenant sur l'attaque d'un symbole culturel - le Musée Bardo de Tunis - qui a fait plus de vingt morts en mars, Moncef Marzouki considère qu'elle traduit la profondeur de la division des sociétés arabes et aussi "le danger d'une société éclatée".

Moncef Marzouki analyse que le Printemps arabe a "tiré le tapis sous les pieds de cette mouvance terroriste, djihadiste qui se prenait pour la solution aux problèmes de la dictature". Une dynamique de démocratisation que Moncef Marzouki compte pouvoir contribuer à renforcer.

gax

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Une fondation à Genève

L'ancien président tunisien Moncef Marzouki a annoncé vendredi dans le Journal du matin la création en cours d'une fondation à Genève "pour faire vivre toutes ces actions en faveur de la citoyenneté que je vais développer en Tunisie. Et je n'ai pas trouvé meilleur moyen que la baser à Genève pour la mettre hors de toutes les tentations d'utilisation politique. Pour la mettre en sécurité, d'une certaine façon."

"Je suis pessimiste pour l'avenir de l'Egypte"

Evoquant la situation en Egypte et la condamnation à la prison "scandaleuse" de l'ancien président Mohamed Morsi, Moncef Marzouki dit avoir conseillé son homologue de partager le pouvoir comme en Tunisie, en l'occurrence d'y inclure des forces laïques. "Il n'a pas voulu m'écouter. Les Frères musulmans ont voulu gouverner seuls."

"Mohamed Morsi est arrivé au pouvoir par les urnes, il aurait dû partir par les urnes. Comme moi. Ce qui aurait permis à l'Egypte de rester dans les bons rails, comme la Tunisie." Moncef Marzouki se dit "pessimiste sur l'avenir à court terme de l'Egypte".