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Costa Concordia, les questions que l'on se pose une année après

Le Costa Concordia au lendemain de la catastrophe. [Guardia di Finanza]
Le Costa Concordia au lendemain de la catastrophe. - [Guardia di Finanza]
Qui finira en prison, que devient le capitaine, quand le bateau sera-t-il enlevé et quelles sont les conséquences pour l'écologie, les habitants de l'île de Giglio et les croisiéristes? Autant de questions que l'on se pose un an tout juste après le naufrage du Costa Concordia.

QUELLES SONT LES SUITES JUDICIAIRES?

Une série d'audiences préliminaires destinées à établir les circonstances du naufrage ont déjà eu lieu en vue du procès. Celui-ci est attendu au plus tôt durant l'année 2013. En charge de l'enquête, le parquet de Grosseto doit évaluer le degré de responsabilité de l'équipe de commandement, qui a tout d'abord minimisé l'importance de la catastrophe. Le procureur s'apprête à demander le renvoi en justice de huit des dix personnes impliquées, dont le capitaine Francesco Schettino, en classant sans suite la procédure pour les deux dernières.

Principal responsable de la catastrophe, le capitaine est accusé d'homicides multiples par imprudence, naufrage et abandon de navire. Son second, Ciro Ambrosio, est poursuivi pour les mêmes motifs.

QUE DEVIENT LE CAPITAINE DU PAQUEBOT?

Commandant du Costa Concordia, Francesco Schettino a été surnommé "le capitaine poltron" par la presse. Il est accusé d'avoir minimisé la situation face à la capitainerie et d'avoir abandonné le navire avant la fin de l'évacuation. Lui dément ce fait et affirme être tombé "par la seule force de la gravité" dans un canot de sauvetage lorsque le Concordia a basculé sur un flanc.

Après la catastrophe, Schettino a été placé en détention et assigné à résidence. Il a été licencié par la compagnie Costa Crociere. Dans une récente interview, il a déploré avoir été dépeint "comme étant pire que Ben Laden" et assure avoir sauvé de nombreuses vies en faisant échouer le bateau près du rivage. Il espère aussi reprendre le gouvernail, ce qui semble peu probable. Il a même intenté une action contre la Costa pour demander sa réintégration.

QUAND LE BATEAU SERA-T-IL ENLEVE?

Un projet unique au monde et jamais réalisé auparavant est en cours au large de l'ìle de Giglio. Au total 420 personnes, ingénieurs et plongeurs de hauts fonds du monde entier, s'affairent sur le gigantesque chantier du Concordia. Ces employés de deux sociétés, une américaine et une italienne, travaillent sur le site sept jours sur sept. L'opération a été lancée en mai dernier, cinq mois après le naufrage, et doit s'achever en septembre.

Le navire, qui est actuellement incliné à 60 degrés, devra être remis en position verticale en l'appuyant sur un fond artificiel constitué par une plateforme et une série de sacs de ciments géants, que les plongeurs disposent depuis des mois sous le Concordia. L'objectif est de redresser le paquebot de plus de 110'000 tonnes en le tirant à l'aide d'énormes câbles d'acier puis de le faire flotter de nouveau. Une opération qui implique des milliers de paramètres et qui aura lieu très progressivement. Le bateau pourra alors être remorqué très lentement loin de Giglio, pour une destination encore inconnue.

QUEL EST LE COUT TOTAL DE LA CATASTROPHE?

Selon la compagnie Costa, le coût initialement évalué par les assureurs de 300 millions de dollars (274 millions de francs) n'a pas énormément gonflé. Il se monterait actuellement à environ 400 millions de dollars, soit 365 millions de francs.

Par ailleurs, l'accord entre la compagnie et les passagers prévoyait un dédommagement forfaitaire de 11'000 euros par personne, plus les frais. La nette majorité a accepté ce dédommagement, mais d'autres procédures sont en cours.

QUELLES SONT LES CONSEQUENCES ECOLOGIQUES?

Les conséquences environnementales de cette catastrophe sont encore difficiles à estimer. Le pire a été évité en février, quand les 2400 tonnes de carburant ont pu être pompées, évitant une marée noire. L'état de catastrophe naturelle a été rapidement décrété, mais les associations écologistes ont à plusieurs reprises dénoncé des lenteurs de l'intervention dans cette région située dans une réserve naturelle.

Cette semaine, le gouvernement italien a prolongé d'un an l'état de catastrophe naturelle sur l'île, afin de garantir le bon déroulement des opérations de renflouage. Cette décision permet aux autorités locales d'adopter plus rapidement les mesures nécessaires en évitant certaines procédures bureaucratiques.

QUELLES SUITES POUR LES RESCAPES?

Des associations de victimes se sont constituées depuis le drame, par exemple le Collectif des naufragés français du Concordia qui regroupe 360 adhérents. Certains des passagers souffrent toujours de troubles psychologiques et doivent prendre des médicaments. Ils évoquent la peur du vide, de l'eau, de l'odeur de l'iode ou des cris d'enfants. Ou encore la culpabilité d'avoir pris place dans un canot de sauvetage avant tant d'autres, et donc d'avoir survécu.

Des passagers ont aussi dénoncé la déshumanisation de la prise en charge des victimes de catastrophes et le manque de compassion des compagnies, des assureurs et des avocats. En plus des familles des personnes décédées, certains rescapés ont aussi fait le déplacement de la Toscane pour les cérémonies du souvenir un an après le drame. Selon eux, ce déplacement était très important pour passer à autre chose.

COMMENT LES HABITANTS DE L'ILE VIVENT-ILS CET EVENEMENT?

Les habitants de l'île ont rapidement été remerciés par les rescapés pour leur hospitalité. Il est vrai que les résidents de Giglio ont dû parer au plus pressé lors du drame pour apporter leur aide. Ils ont aussi dû s'habituer à la présence du monstre des mers et à la nuée des journalistes. Ensuite, une fois l'émotion passée, ce navire de 110'000 tonnes abandonné si près des côtes est vite devenu une destination touristique, au point de susciter l'agacement général.

Une fois que les cérémonies organisées pour le premier anniversaire du drame seront terminées, le maire Sergio Ortelli espère désormais que sa petite île puisse bientôt tourner la page. Et tout le monde se réjouit déjà du moment où le Costa sera définitivement enlevé.

LE MARCHE DES CROISIERES A-T-IL SOUFFERT?

Les promoteurs de croisières ont connu une année 2012 mitigée, pour deux raisons en particulier: la crise et le naufrage du Concordia. Si aucun chiffre n'a été publié, la croissance constante de ce type de vacances depuis le début des années 2000 se serait nettement ralentie. Dans les deux mois qui ont suivi le drame, les réservations ont même plongé de 15% chez les deux leaders mondiaux du secteur, ce qui a poussé les professionnels à aligner les campagnes évoquant la sécurité des croisières.

Mais ce ne serait qu'une tendance passagère et les chiffres de fin d'année sont plutôt bons. Et même le groupe Costa, qui comprend Costa Croisière, a au final affiché un résultat financier positif pour l'exercice 2012. En définitive, les chiffres devraient être sensiblement les mêmes que ceux de 2011: 20,6 millions de passagers, dont 11,5 millions de Nord-Américains et 6,2 millions d'Européens.

Frédéric Boillat

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Le rappel des faits

Le 13 janvier 2012, le paquebot Costa Concordia, propriété de Costa Crociere, a heurté un écueil à quelque 300 mètres de l'île de Giglio, en Toscane.

L'énorme navire transportait au total 4229 personnes, dont plus de 3200 touristes.

Le bateau, qui s'était approché de l'île pour une parade nocturne, vient s'échouer à moins de 50 mètres du rivage.

Alors que le commandant minimise l'accident, les secours sont déclenchés. La procédure d'évacuation est entamée une heure après la collision.

La plupart des passagers ont regagné le rivage sains et saufs, mais 32 personnes ont finalement trouvé la mort.

Trente victimes ont été identifiées: douze Allemandes, six Français, six Italiens, deux Péruviennes, deux Américains, une Hongroise et une Espagnole. Les corps d'une passagère italienne et d'un membre d'équipage indien n'ont jamais été retrouvés.