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L'importance des mesures parasismiques japonaises

Séisme au Japon: entretien avec Georges Piller, chef divison radioprotection à l'OFSN
Entretien avec Georges Piller, chef divison radioprotection à l'OFSN / 19h30 / 2 min. / le 12 mars 2011
Malgré la violence du séisme de vendredi, les conséquences semblent relativement modérées sur les bâtiments. Pour cause, le pays est actuellement le mieux armé pour faire face aux séismes, comme l'explique Jean-Jacques Wagner, professeur de géophysique et spécialiste des risques sismiques à l'Université de Genève, interrogé peu après son intervention sur l'antenne de la TSR.

- TSR Info: Les images diffusées témoignent de la violence du séisme, le plus important jamais enregistré au Japon. Pourtant, le majorité des bâtiments ont résisté et le bilan humain, quoique très provisoire, semble modéré en comparaison à des événements antérieurs. Comment l'expliquez-vous?

- Jean-Jacques Wagner: Scientifiquement et techniquement, le Japon était prêt à affronter ce type d’événement. Depuis le séisme de Kanto qui a fait plus 140'000 morts en 1923, le pays développe une stratégie de prévention, améliorée et actualisée après chaque secousse. Ce code parasismique n'a pas pour but d'empêcher tout dégât, mais d'éviter que l’immeuble ne s’effondre, par des systèmes de compensation d'amplitude ou des structures internes renforcées. Concernant le nombre de victimes, pour l'instant faible en regard de la violence des images, nous avons pu constater le même phénomène lors des récents tremblements de terre au Chili et en Nouvelle-Zélande: dans les pays développés, les dégâts humains sont modérés, mais les conséquences économiques sont énormes.

- L'événement principal a eu lieu vendredi, mais les risques sont toujours présents, notamment avec le tsunami.

- En effet. D'ailleurs, la vitesse et la force avec laquelle la vague a pénétré dans les terres est inquiétante, car elle témoigne de l'aspect extrême du phénomène et représente le plus important facteur de risques pour la population. Le Japon a pourtant une grande expérience des tsunamis et possède un réseau de capteurs permettant de donner une alerte rapide. Mais hormis une planification raisonnée des zones et un comportement adéquat de la population, il n’y a aucun moyen de contrer cette force de la nature.

L'évolution du tsunami dans le Pacifique [Centre d'alerte pour les tsunamis d'Alaska]
L'évolution du tsunami dans le Pacifique [Centre d'alerte pour les tsunamis d'Alaska]

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Et qu'en est-il des menaces dans les autres pays du Pacifique?

- C’est pour l’instant difficile de déterminer quelle sera l’évolution du train d’ondes, qui peut soit s'atténuer, soit s'amplifier. Mais le centre d’information et de diffusion d’alertes aux tsunamis à Hawaïi a pu réagir rapidement. Ce qui devrait permettre d'évacuer les populations menacées, si elles sont informées suffisamment tôt par leurs autorités locales, ce qui n'est pas garanti dans les pays moins développés. Il faut également que les citoyens aient un comportement adéquat et laissent de côté leur curiosité et leur voyeurisme pour se mettre à l’abri. Mais depuis le tsunami de 2004, la population semble mieux informée des risques.

- Hormis le tsunami, quels sont les risques, quelques heures après la secousse initiale?

- Les répliques du tremblement de terre pourraient être importantes ces prochains jours. Mais c'est impossible de prédire les éventuels dégâts. Tout dépend en fait de deux facteurs. D'une part de la qualité des sols sur les régions touchées. Et d'autre part du choix des événements pris en compte dans les calculs parasismiques au moment de la construction des bâtiments.

- Vous vous êtes rendu au Japon. Quel jugement portez-vous sur ce choix des mesures prises, en regard au séisme d'aujourd'hui?

Le tarmac et le parking de l'aéroport de Sendai ont été recouverts de boue et de déchets charriés par le tsunami. [KEYSTONE - Kyodo]
Le tarmac et le parking de l'aéroport de Sendai ont été recouverts de boue et de déchets charriés par le tsunami. [KEYSTONE - Kyodo]

- J'avais notamment participé à un projet de prévention et de simulation des tsunamis à Sendai, la première ville atteinte par la vague vendredi. J’ai vu qu’ils avaient construit de grandes portes pour fermer le port en cas d’alerte. Encore faut-il savoir quel événement a été pris en compte pour calibrer ces mesures. Car il y a un équilibre à trouver entre importance du risque et logique économique. En ce sens, il est possible que les ingénieurs aient pris en considération le phénomène le plus probable plutôt que le phénomène le plus extrême. Reste à déterminer à quelle échelle se situe l'événement de vendredi.

- Qu'adviendrait-il si un séisme d'une telle ampleur se produisait en Suisse?

- Il est peu probable qu’un séisme de la magnitude de celui du Japon ne touche notre pays. On estime à 6, voire 7, la valeur maximale sur l'échelle de Richter qui peut affecter la Suisse. Mais les dégâts pourraient être plus importants qu’au Japon, surtout sur les constructions du milieu du XXe siècle qui ne répondent à aucune norme.

- Mais il existe tout de même des normes parasismiques?

- Oui. Mais le code parasismique n’est pas obligatoire, hormis pour certaines constructions comme les barrages ou les centrales nucléaires. Seuls le Valais et Bâle, les deux régions les plus menacées de Suisse, l’ont rendu obligatoire pour les nouveaux bâtiments et les rénovations. Dans le reste du pays, il est seulement recommandé. Il dépend donc de la bonne pratique de l’ingénieur. Mais souvent, le calcul économique prime sur l'aspect parasismique, puisqu'on estime à 2% l'augmentation des coûts pour répondre aux normes.

Propos recueillis par Victorien Kissling

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