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Les transactions douteuses de Laurent Gbagbo

Laurent Gbagbo ne peut compter que sur l'Angola comme allié. [Luc Gnago]
Laurent Gbagbo est accusé depuis des années par ses opposants de chercher à vendre les propriétés de l'Etat pour son propre compte. - [Luc Gnago]
Quinze millions de francs: c'est le prix d'une propriété appartenant à la Côte d'Ivoire dans la commune huppée de Cologny, à Genève, vendue par le président sortant Laurent Gbagbo. Elément troublant: au lieu d'atterrir dans les caisses de l'Etat ivoirien, la somme a été déposée sur un compte mystérieux en France.

Le 27 mai dernier, la République de Côte d'Ivoire se séparait d'une propriété sise au 110 route de La Capite, en bordure du très chic Golf de Cologny, à Genève, révélait la Feuille d'avis officielle. Près de 380m2 au sol sur une parcelle de plus de 5000m2 dans une des communes les plus chères de Suisse. Montant de la transaction: 15'350'000 francs.

Cette somme rondelette, plutôt que de revenir dans les caisses de l'Etat ivoirien, a été déposée sur un compte de la Société générale en France au nom de "la Présidence de la République" ivoirienne, révèle le journal français La Croix. La propriété avait été achetée par l'ancien président ivoirien Félix Houphouët-Boigny. Cette acquisition pourrait s'inscrire dans le scandale des biens mal acquis, qui touche plusieurs ex-chefs d'Etat de la planète (lire ci-contre).

Une transaction douteuse

Rien ne prouve pour l'heure que Laurent Gbagbo avait l'intention de se réserver le fruit de la vente à titre personnel. Reste que la transaction ne s'est pas déroulée de manière régulière. Normalement, les fonds auraient dû être versés au Trésor public ivoirien, explique le site de la diaspora ivoirienne Ivoirdiaspo.

De plus, toute vente de patrimoine de l'Etat relève du ministre de l'Economie et des Finances. Dans le cas de la maison de Cologny, l'acte a été signé par le ministère des Affaires étrangères, qui n'a aucune compétence dans pareil dossier, relève Ivoirdiaspo.

Une vente "dans les règles"

Côté suisse, les acheteurs affirment que la transaction s'est effectuée "dans les règles", précise La Croix. Deux semaines avant la vente du 110 route de la Capite, la société La Capite 110 SA était créée à Genève pour racheter la propriété. Parmi les administrateurs, un homme d'affaires libanais installé à Genève a fait fortune dans le commerce de... café ivoirien. Les autres sont actifs dans le secteur immobilier à Genève.

La vente a été enregistrée au registre du commerce de Genève, ce qui implique - normalement - que l'ambassade de Suisse en Côte d'Ivoire a authentifié la signature de la transaction. Mais selon un diplomate helvétique interrogé par le journal Les Afriques, "la destination parisienne du produit de la vente ne pouvait pas être cautionnée par l’ambassade de Suisse à Abidjan".

D'autres propriétés en France

Les opposants de Laurent Gbagbo l'ont accusé à plusieurs reprises d'avoir voulu "brader le patrimoine immobilier d'Houphouët-Boigny" entre 2005 et 2008, rappelle La Croix. Au total, une douzaine d'appartements et de maisons auraient été vendues. Les fonds ainsi récoltés auraient été versés sur le même compte de la Société générale.

Sébastien Bourquin

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L'affaire des biens mal acquis

De Saddam Hussein en Irak à Suharto en Indonésie, en passant par Mobutu dans l'ex-Zaïre, les dictateurs de la planète ont détourné par milliards les richesses de leurs pays sur le dos de leurs compatriotes. C'est ce qu'on appelle les biens mal acquis (BMA).

Selon un rapport du CCFD-Terre Solidaire (Comité catholique contre la faim et pour le développement), entre 100 et 180 milliards de dollars ont été amassés, placés dans des banques occidentales ou investis dans l'immobilier. Seuls 4,4 milliards de dollars ont été restitués et 2,7 milliards de dollars gelés.

Pendant ses 33 ans de règne sur la Côte d'Ivoire (1960-1993), Félix Houphouët-Boigny aurait accumulé une fortune de 7 à 11 milliards de dollars. "Quel est l’homme sérieux dans le monde qui ne place pas une partie de ses biens en Suisse", avait déclaré le dictateur qui possédait plusieurs comptes dans des banques suisses.

Il aurait acquis au moins une dizaine de propriétés dans la région parisienne, dont l'ancien appartement de Jean Gabin, ainsi que sa résidence personnelle évaluée à 18 millions d'euros (23 mio de francs).

A sa mort, Houphouët-Boigny a cédé ses biens à l'Etat ivoirien. Ce sont ces bâtiments que Laurent Gbagbo est accusé de chercher à vendre pour son propre compte.

Félix Houphouët-Boigny n'a jamais été inquiété par la justice ivoirienne ou internationale pour ces détournements d'argent. Aujourd'hui encore, on ne sait pas exactement où se trouve le trésor du "Vieux".