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Après les incendies géants, comment les forêts vont-elles se régénérer?

Une vue des collines près de Jérusalem où la forêt et le maquis ont été détruits par un important incendie, le 19 août 2021. [EPA/Keystone - Abir Sultan]
Que se passe-t-il après les incendies en forêt? / Tout un monde / 5 min. / le 30 août 2021
L'été 2021 a été marqué par une série d'incendies géants qui ont ravagé diverses régions dans le monde, et détruit des milliers d'hectares de forêts. L'émission Tout un monde s'est penchée sur la gestion de l'"après": faut-il replanter la forêt ou laisser la nature se régénérer?

Des incendies gigantesques ont fait rage cet été sur l'île d'Eubée et ailleurs en Grèce. La Turquie, le Maroc, l'Espagne, l'Italie, la Sibérie, la Scandinavie et la Californie, notamment, ont également été durement touchés par les feux de forêts. A cause de la sécheresse et des températures en hausse, il y a de plus en plus de méga-incendies qui détruisent des régions entières et des millions d'hectares de forêts.

Mais une fois que les pompiers ont vaincu les flammes, que faut-il faire: replanter les arbres en masse? Laisser agir la nature?

Une des caractéristiques de ces méga-feux est qu'ils peuvent parfois durer des mois. Aux Etats-Unis par exemple, le Dixie Fire, toujours en cours en Californie, a déjà détruit plus de 250'000 hectares, soit la moitié de tout ce qui a brûlé dans tout l'Etat au cours de l'été. C'est beaucoup plus que l'an dernier, et quatre fois plus qu'il y a 5 ans. En Sibérie également, 16 millions d'hectares de forêts ont été calcinés depuis janvier, et les feux ne sont toujours pas éteints.

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"C'est clairement en lien avec le changement climatique, c'est-à-dire avec des conditions potentiellement plus sèches et plus chaudes", explique Julien Ruffault, spécialiste des forêts à l'Institut de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement à Avignon. "Ces conditions vont entraîner un dessèchement plus important de la végétation, et par conséquent des feux plus intenses et plus difficiles à maîtriser."

Ainsi, le gouvernement grec a été très critiqué pour sa gestion des incendies: la population en colère a pointé l'absence de toute politique de prévention, et également mis en question la politique des évacuations préventives des villages. Le Premier ministre Kiriakos Mitsotakis a dû présenter des excuses, tout en annonçant que les zones brûlées seront reboisées.

Mais les coûts de replantation sont tellement exorbitants qu'il pourrait s'agir - de l'avis de Julien Ruffault - d'un "coup" de communication de la part du gouvernement grec, sans réelle opération de replantation à l'avenir.

Mécanismes de reprise

La politique du reboisement est également discutable au niveau des effets sur le terrain, selon le spécialiste. "Il y a  eu beaucoup d'échecs des politiques de reboisement après incendie en Méditerranée. Il y a des questions à se poser: reboiser avec des espèces à croissance rapide va rapidement recréer un danger incendie", souligne-t-il.

La Turquie a ainsi dépensé des millions d'euros en reboisement il  y a une dizaine d'années: aujourd'hui, une part importante de ces arbres replantés sont partis en fumée.

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La méthode la plus efficace reste la régénération naturelle. "Les forêts de pins par exemple ont des mécanismes de reprise après incendie très efficaces, avec la sérotinie - un mécanisme qui libère des banques de graines après la chaleur des incendies, et qui leur permet d'être des espèces pionnières juste après les feux et de repousser assez rapidement", illustre Julien Ruffault.

Et si l'on replante, le faire à l'identique n'a aucun sens, précise le spécialiste des forêts. Il faut dorénavant tenir compte du changement climatique, choisir des espèces peut-être plus résilientes.

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Si l'on sait qu'on ne pourra pas éviter les méga-incendies à l'avenir, des moyens existent toutefois de mieux les voir venir. La politique du zéro incendie instaurée il y a des années a conduit à une diminution des petits feux. Mais en favorisant le développement de la végétation, elle a aussi créé paradoxalement un combustible parfait pour les grands feux. Certains Etats, comme la Californie ou l'Australie, ont dès lors changé de politique et se sont mis à brûler un certain nombre d'hectares par année.

Gestion pour les troupeaux

Mais ces politiques doivent être évaluées: ce n'est pas parce qu'un feu est provoqué qu'il n'émet pas de CO2. L'autre moyen de préserver une forêt est de l'entretenir, de l'éclaircir, une stratégie appliquée en Finlande avec d'assez bons résultats, et que pratiquaient également nos ancêtres sur le pourtour de la Méditerranée.

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"Il y a une centaine d'années, il y avait beaucoup plus de gestion des forêts par les troupeaux de chèvres, de moutons, qui pâturaient dans les bois et qui, en maintenant la végétation dans un état moins dense, contribuaient à réduire le danger d'incendies très intenses", décrit Christian Kull, professeur de géographie à l'Université de Lausanne.

Le retour à ces politiques dépend également des populations qui habitent à proximité. Dans les régions plus peuplées, beaucoup de maisons se sont construites à la lisière des forêts. Et puis il faudra peut-être s'habituer à l'avenir à une modification des écosystèmes: en Méditerranée par exemple, moins de forêts et davantage de buissons et de garrigue.

Sujet radio: Francesca Argiroffo

Adaptation web: Katharina Kubicek

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